Mes années 1960 en Acadie

Publié le 1 juin 2015
Roger Savoie

18 min

Par Roger Savoie, philosophe reconnu coupable, depuis, d’attouchements sexuels et d’incitations à des contacts sexuels sur des des personnes mineures

Version PDF
À l’attention de nos lectrices et de nos lecteurs,

En 2015, dans le cadre d’un mini-dossier thématique portant sur le « moment 1968 en Acadie », HistoireEngagee.ca a publié ce témoignage du sociologue Roger Savoie, un « maître à penser » qui a marqué plusieurs générations d’étudiants.es. Celui-ci a depuis été accusé et reconnu coupable d’attouchements sexuels et d’incitations à des contacts sexuels, actes qu’il a commis alors qu’il accueillait des enfants confiés aux services du Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ). En février 2018, la chroniqueuse et journaliste Josée Blanchette a également laissé savoir que l’agresseur avait sévi contre elle alors qu’il lui enseignait la philosophie (elle n’était alors âgée que de 15 ans). Elle a souhaité utiliser sa tribune de chroniqueuse afin de souligner la nécessité d’établir des règles plus strictes permettant de mieux encadrer les relations entre professeurs.es et étudiants.es (un enjeu soulevé dans un dossier de La Presse paru un peu plus tôt sur le sujet).

Jusqu’à tout récemment, l’équipe éditoriale d’HistoireEngagee.ca n’était pas au courant des accusations contre l’agresseur, ni de ses aveux et de sa condamnation. Nous remercions nos lecteurs.rices de nous avoir contactés et souhaitons exprimer notre appui sans réserve aux victimes et aux survivants.es d’agressions sexuelles. Nous sommes sincèrement désolés.es que nos lecteurs.rices aient été confrontés.es à la publication de cet article rédigé par un agresseur, et nous nous excusons pour la mauvaise expérience que cela a pu générer.

Notre comité éditorial, en collaboration avec des lecteurs.rices concernés.es ainsi qu’avec des survivants.es d’agression, a discuté de la suite des choses pour ce texte. L’agresseur y explique la manière dont ses études l’ont amené à opter pour une éthique personnaliste bénéfique et à orienter sa vie librement et de façon responsable autour d’une quête visant le dépassement de soi. Cela lui aurait permis, selon ses dires, de travailler au bien commun de son milieu en cherchant à lui apporter davantage de paix et de justice. À la lumière des crimes qu’il a commis, il nous apparait maintenant clair que son propos n’est plus pertinent et n’a, en fait, aucune légitimité. Ce faisant, nous avions tout d’abord envisagé de retirer ce texte de notre site.

Comme, jusqu’à tout récemment, nous recevions des commentaires encensant le parcours de l’agresseur et le rôle positif qu’il aurait joué dans la vie de certaines personnes; comme, également, les crimes qu’il a commis semblent toujours méconnus du public, notamment chez les personnes pour qui il a représenté une sorte de maître à penser, il nous est toutefois apparu important d’informer nos lecteurs.rices de même que celles et ceux qui pourraient chercher de l’information sur l’agresseur sans connaître sa véritable histoire. À la suite de nos consultations, et après avoir demandé l’avis et la volonté d’une personne intimement interpellée par la question, nous avons réalisé que de soustraire l’agresseur du discours public n’effacerait pas pour autant ses crimes ni la douleur ressentie par ses victimes. Aussi, l’ajout de cette note explicative s’est présenté comme la meilleure façon de remédier à la situation en rectifiant la présentation que nous faisions de l’agresseur dans la publication originale, de façon à dévoiler son véritable visage.

Nous sommes conscients que chaque victime et son entourage pourraient avoir une approche et un avis différents (et tout aussi légitimes) sur la question et sur la façon de procéder. Aussi, si vous avez des questions, ou si vous souhaitez obtenir plus d’information sur notre décision, n’hésitez pas à communiquer avec nous à contributions@histoireengagee.ca. 

Merci de votre compréhension,

L’équipe éditoriale d’HistoireEngagee.ca.

Dans ce témoignage, le philosophe Roger Savoie, ancien professeur de philosophie à l’Université de Moncton, revient sur son engagement des années 1960 après s’être fait silencieux sur l’Acadie durant plus de trente ans. « Éclaireur », « maître à penser d’une génération », « porte-parole des jeunes idéologues »… les éloges et les reconnaissances ne manquent pas à ce prêtre défroqué, cet « anarchiste » autoproclamé, qui a su mener une partie des jeunes militantes acadiennes et militants acadiens de la période à « accuser [leur] bonne conscience endormie » et à s’engager dans une critique « libre » et « responsable » de la société acadienne.


Quand je suis retourné dans ma ville natale en 1965, à la suite de trois années d’études à l’Université de Strasbourg où j’avais commencé une thèse de doctorat de troisième cycle en philosophie sous la direction du philosophe George Gusdorf – un incroyable érudit –, ma vie avait complètement changé. Je n’étais plus le même. J’avais aussi réussi à m’infiltrer au Concile Vatican II en tant que journaliste pour le journal acadien L’Évangéline. J’y ai vite découvert la face cachée du catholicisme, la lutte furieuse qui sévissait entre les immenses forces conservatrices de Rome et les nouvelles exigences plus libérales venant des évêques du monde entier. Je discutais souvent avec les journalistes de tous les pays.

Roger Savoie en 1966.

Roger Savoie en 1966.

En outre, je devenais de plus en plus absorbé par les philosophes d’avant-garde qui, depuis les années quarante, critiquaient ouvertement la doctrine religieuse de l’époque et proposaient une nouvelle façon de voir le monde. J’étudiais en profondeur les existentialistes – chrétiens et athées –, comme Gabriel Marcel, Nicolas Berdiaev et Jean-Paul Sartre, les personnalistes comme Emmanuel Mounier, les structuralistes, l’œuvre de Teilhard de Chardin, les spiritualistes comme Henri Bergson, les iconoclastes comme Friedrich Nietzsche, Karl Marx, etc. J’ai ainsi réussi à me distancier de la doctrine officielle à laquelle j’adhérais depuis mon enfance et dans mes premières années de prêtrise. J’ai réussi l’exploit difficile de me purifier du provincialisme fermé, obscurantiste et contrôlant de la religion catholique.

J’avais appris beaucoup de mon père, Calixte Savoie, directeur général de la Société mutuelle l’Assomption et l’une des figures de proue ayant réussi à confronter l’intelligentsia politique anglophone et à obtenir pour les Acadiens leurs premières écoles françaises. Mon père était extrêmement courageux et intellectuellement curieux. Nous nous entendions bien. Il admirait ma passion pour les études et m’encourageait à les poursuivre tant que je le voudrais. J’ai appris de lui qu’il ne fallait pas craindre de confronter les autorités supérieures quand il s’agissait de défendre les droits fondamentaux des êtres humains.

En plus, j’étais devenu un spécialiste de la langue française, ayant obtenu une maîtrise en littérature de l’Université Laval. J’enseignais la littérature française et le latin au collège l’Assomption de Moncton au cours de mes cinq premières années de prêtrise. Et pendant l’été, je partais pour la ville de Québec pour y parfaire mes études en français. C’est là où j’ai découvert ma passion pour l’écriture et pour les écrivains contemporains. Il faut dire que dès l’âge de 10 ans, je savais déjà ce que je voulais devenir : un professeur.

Vous pouvez donc imaginer dans quel état je me suis trouvé à 32 ans dès mon arrivée à Moncton. J’étais en feu! La nouvelle Université de Moncton venait tout juste d’être fondée, tout près de ma maison natale, rue Archibald – devenue la rue de l’Université –, exactement dans les vastes champs où je jouais avec mes amis, mes frères et mes sœurs – nous étions dix enfants.

J’ai tout de suite senti que j’étais reçu comme une sorte de sommité dans la paroisse. Les autorités cléricales et laïques ont vite tenté de m’incorporer dans leur coterie pour y parfaire leur agenda traditionnel. Mais je n’en étais plus là du tout.

J’ai donc été embauché comme professeur à la toute jeune Université de Moncton. J’en étais très content. Je ne rêvais que d’enseigner la philosophie, riche de tout ce que j’avais appris au cours des années précédentes et surtout lors de mes trois années d’études en France.

J’ai vite compris que j’allais subir une confrontation avec mes collègues prêtres et les autorités laïques du diocèse, en particulier les plus anciens. Déjà, avant de partir en France en 1961, mon rapport avec mon archevêque était tendu, car, contrairement à mes amis prêtres trop vite soumis et silencieux, je n’avais pas la langue dans ma poche. Mgr Norbert Robichaud était très soulagé de me voir partir pour les pays étrangers en 1960, croyant que j’allais apprendre à me taire et à me soumettre.

En passant, lors de mon séjour à Rome, j’avais aussi obtenu une maîtrise en théologie. J’étais donc bien équipé pour comprendre la sous-structure dogmatique et morale qui gérait l’Église romaine depuis des siècles. Bref, le petit prêtre acadien naïf sortait définitivement de sa prison dorée… et de ses gonds!

À l’Université de Moncton, j’avais eu le bonheur de rencontrer des collègues enseignants qui étaient également conscients du travail à accomplir pour contribuer à éveiller les consciences. Il y avait entre nous de la complicité, de l’amitié, de la culture et de l’enthousiasme comme je n’en avais jamais connus auparavant et cela nous liait fortement ensemble.

Je me suis donc appliqué avec entrain à enseigner, non plus la philosophie thomiste traditionnelle, mais les récentes philosophies du temps. Je n’étais pas ouvertement rebelle. Je ne faisais que communiquer aux autres les courants de pensée de l’époque. Je me suis vite aperçu que les étudiants étaient complètement happés par les nouvelles idées. C’est comme s’ils attendaient depuis toujours une philosophie qui leur donnerait la capacité et la « permission » de penser pour eux-mêmes, de ne pas obéir aveuglément aux croyances imposées, de découvrir et pratiquer leur sens critique, de prendre conscience de leur autonomie, de se libérer de la morale sexuelle aberrante, bref de rapatrier la « Sophie » en eux.

Nouvelle université pour les Acadiens! Une chance inouïe de transmettre librement un savoir que la population étudiante désirait fortement acquérir. Mes collègues – prêtres et laïcs – et moi y donnions des cours et des conférences. Nous invitions des penseurs venus du Québec et de la France. Bref, un maelstrom d’effervescence, de connaissances et de nouveautés. C’était proprement époustouflant et très exaltant. Ce furent deux années où les autorités en place n’avaient pas encore tenté de nous museler, mais où elles se sentaient inconfortables en raison de tout ce qui se passait à Rome et partout ailleurs.

Bien sûr, la gent cléricale commençait à subodorer des relents de soufre. Ils se parlaient entre eux de ce qui se passait à l’université, de ces nouveaux effrontés « libertaires », indociles et insubordonnés. Je me souviens d’un soir mémorable où j’avais été invité, dans le cadre de conférences que nous offrions aux adultes – pour leur permettre, eux aussi, de prendre connaissance des nouvelles idées –, à donner un cours sur le sujet de la sécularisation. La salle, comme d’habitude, était comble! Il y avait de l’électricité dans l’air, on commençait à « placoter » sur les « manigances du père Savoie ».

Or, certains prêtres et curés s’étaient donné le mot pour y participer. Il y avait même le fameux Mgr François Bourgeois, une véritable sommité dans le diocèse, un peu comme la conscience morale de la communauté catholique.

Surprise! À un moment, en pleine conférence, le curé se lève, rouge de colère, pour m’admonester que je n’avais pas le droit d’enseigner ces « choses », que cela allait à l’encontre de l’enseignement officiel. La salle était galvanisée. Comment le jeune prêtre allait-il réagir, qu’allait-il dire? Je ne sais ce qui m’a pris, mais après l’avoir écouté déblatérer son numéro, je lui ai répondu calmement : « Mgr Bourgeois, vous oubliez sans doute que vous vous trouvez dans une institution de libre savoir, une institution où la liberté de parole et de pensée est honorée. Vous avez exprimé librement votre point de vue. Maintenant, je vous prierais de vous rasseoir. »

Croyez-le ou non, il s’est assis après s’être excusé! L’événement a fait le tour du diocèse en un rien de temps. Personne n’avait jamais osé remettre à sa place le porte-parole « officiel » des clercs du diocèse.

Peu à peu, les étudiants se sont trouvés accrédités, acceptés et enflammés. Ils voulaient tout apprendre. On invitait les nouveaux « penseurs » dans les écoles, dans les boîtes à chanson, à la radio, etc. On discutait ferme avec les étudiants. Il y émanait une atmosphère de libre pensée. On se réunissait pour partager nos connaissances et s’encourager mutuellement. Finalement, cela s’est concrétisé par le « Ralliement de la jeunesse acadienne », et l’on connaît le reste de l’histoire.

J’ai un peu trempé dans la sphère politique, mais je me suis vite rendu compte que je n’avais ni l’habilité, ni la vocation, ni le désir de m’investir dans ce domaine.

On a parlé d’une sorte de Révolution tranquille en Acadie. Il s’agissait en effet d’une révolution, car la stagnation et l’immobilisme imposés par l’autorité cléricale avaient atteint leur comble. Il fallait que ça craque… et ça a craqué. Je n’étais pas un révolutionnaire, je n’encourageais guère la violence physique ou verbale. J’étais plutôt un libertaire et un humaniste, je croyais que l’on pouvait changer la situation mondiale en changeant la façon de penser des gens. Je le crois toujours.

J’ai souvent pris le mot « anarchiste » pour décrire mon rôle, c’est-à-dire celui d’un libre penseur, affranchi de toute emprise idéologique, qu’elle soit religieuse, scientifique, politique, culturelle et, oui!, même philosophique. Je critiquais toute forme de sectarisme, tant chez les croyants que chez les incroyants. Et je n’ai jamais cessé de le faire.

Après deux années d’enseignement à l’Université de Moncton, j’ai rapidement pris conscience qu’il était temps pour moi de quitter la prêtrise. La religion catholique telle qu’elle se manifestait à l’époque n’avait plus d’attrait pour moi. J’ai donc averti mon évêque que je voulais me « laïciser ». J’ai senti qu’il était plutôt soulagé. Les démarches officielles furent exécutées avec une vitesse inattendue. On m’avertit cependant que je devais quitter le diocèse, sans doute pour ne pas continuer à scandaliser le « peuple ». Je fus l’un des premiers prêtres à quitter le collet romain. Or, il est advenu qu’un ami prêtre que j’avais connu à l’époque lors de mes études au grand séminaire de Montréal m’a téléphoné pour m’inviter à enseigner la philosophie à l’Université de Montréal. J’ai donc averti mon évêque que je quittais effectivement la région, non parce qu’il me le demandait, mais parce que je voulais aller enseigner ailleurs et que je ne tenais pas à me battre avec eux. J’ai donc « défroqué », comme on disait. J’étais quand même triste de quitter en 1967 mes collègues, ma famille et les étudiants.

Je vais quand même vous raconter ce qui s’est passé par la suite.

Arrivé à Montréal, que je connaissais bien pour y avoir étudié pendant six ans, je rencontrai les directeurs du département de philosophie de l’université pour les avertir que j’avais officiellement quitté la prêtrise. Que ne fut pas leur surprise de l’apprendre! Ils étaient franchement décontenancés. Un prêtre défroqué comme professeur! Mais le contrat avait été signé et ils ont sans doute pensé que j’enseignerais la même philosophie traditionnelle qu’ils avaient défendue depuis des siècles. Ils m’ont donc offert deux cours, l’un au département de philosophie et l’autre à l’École des infirmières.

Je m’attelai donc à la tâche avec joie. Les étudiants du département étaient pour la plupart enchantés. Par contre, les dirigeants du département de philosophie l’étaient moins. Je sentais leur gêne et leur hypocrisie. J’ai vite compris que l’Université de Montréal était adroitement contrôlée par l’Église catholique. Le cardinal Paul-Émile Léger, d’heureuses mémoires, en était pratiquement le Moniteur suprême.

Quant à l’École des infirmières, j’avais devant moi plus de 200 étudiantes. J’ai tout de suite senti une autre atmosphère. Elles appréciaient grandement les idées nouvelles et le jeune professeur qui n’était pas comme les autres. Un jour, durant le cours, une étudiante s’est levée pour me dire : « Monsieur Savoie, il y a quelqu’un qui est en train d’enregistrer votre cours! ». Sur le champ, j’ai couru vers la porte de l’amphithéâtre pour appréhender la personne qui s’enfuyait. Elle était vite disparue.

Comme vous pouvez le soupçonner, à la fin de l’année scolaire, malgré l’appréciation évidente des étudiants, on me congédia sans autre forme de procès et sans la moindre explication, méthode discriminatoire bien connue dans les milieux catholiques mondiaux.

Il faut comprendre que l’emprise cléricale était puissante à cette époque au Québec. La Révolution tranquille commençait à montrer ses dents, mais tout était encore sous le contrôle de l’Église, encore plus qu’en Acadie, car les autorités cléricales étaient plus organisées, plus cultivées, plus autoritaires.

Par chance, ce fut l’année (1967) où furent créés, à la suite du rapport Parent, les collèges d’enseignement général et professionnel, les cégeps. Je n’eus donc aucune difficulté à être accepté comme professeur de philosophie, en l’occurrence, au Cégep de Rosemont. Il va sans dire que le climat y était fébrile. Imaginez, un collège laïc qui n’était pas dominé par les clercs!

Toutefois, les nouveaux professeurs ont vite déchanté, car les dirigeants de ce cégep étaient tous de la vieille garde, tous défenseurs de l’orthodoxie religieuse officielle.

J’ai donc commencé à enseigner innocemment les courants philosophiques modernes. Encore une fois, les étudiants étaient fortement attirés par mes cours, si bien que mes classes devenaient bondées par de nouveaux « arrivés ». Beaucoup quittaient leurs cours de philosophie pour assister aux miens. J’en étais plutôt gêné, car je ne voulais pas faire concurrence à mes collègues. Toutefois, les autorités en place commençaient à s’inquiéter. Par malheur pour elles, ce fut en 1968 que la fameuse « Contestation étudiante » prit soudainement de l’ampleur dans tout le Québec. Vous n’y croirez pas, mais le syndicat des professeurs envoya dans ma classe quelques-uns de leurs membres pour « vérifier » si mes cours étaient « dans les normes ». Ils en conclurent que tout était dans l’ordre et que l’enseignement transmettait bien la philosophie courante, en plus d’être stimulant. Rien de subversif, bien au contraire.

Dès lors, les étudiants de mon cégep, comme dans tous les collèges de la province, se réunissaient pour « contester ». Je me souviens d’un jour où on m’invita à y faire une présentation à titre de philosophe. L’amphithéâtre du collège était bondé de monde. Je pris position en faveur des étudiants contestataires du Québec. C’en était assez pour les directeurs. Ils me signifièrent, à la fin du deuxième semestre, qu’ils n’auraient plus besoin de mes services. Il y eut protestation du syndicat et des étudiants, mais rien ne réussit à changer leur décision.

J’ai donc compris qu’il était temps que je prenne congé. L’époque était trop fébrile. Il fallait laisser du temps pour calmer les esprits. Or, j’ai eu l’opportunité d’obtenir des bourses d’études pour terminer ma thèse de doctorat à l’Université de Strasbourg. J`y suis resté trois années. J’y ai reçu mon doctorat en philosophie du troisième cycle et j’ai également rédigé le document complet pour l’obtention de ce que les Français appelaient un « doctorat d’État ».

En 1971, je rentrai à Montréal et obtins sans difficulté un poste de professeur de philosophie au Cégep de Saint-Laurent. J’y ai enseigné pendant vingt-cinq années. Ce n’est pas le moment ici de décrire l’atmosphère qui y régnait. Qu’il suffise de dire que j’ai continué à me donner comme projet d’éveiller les esprits, même si cela dérangeait certaines personnes. De toute façon, je ne peux pas faire autrement, encore aujourd’hui…