Suspensions d’admissions à l’Université Laval : quel avenir pour les sciences historiques ?

Publié le 21 janvier 2016
Artefact

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Par le Comité exécutif de l’Association étudiante des 2e et 3e cycles du Département des sciences historiques de l’Université Laval (Artefact)

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Les compressions de 5% du budget total des universités peuvent paraitre, à première vue, un effort raisonnable dans l’« assainissement » des finances exigé par le gouvernement du Québec. Or, on constate que les mesures d’austérité ont des impacts bien réels sur le milieu universitaire. À l’Université Laval, ces coupes s’élèvent à 8,3 millions de dollars pour l’année 2014-2015. Les conséquences des compressions sont multiples. Notons, par exemple, la diminution de l’offre de cours impliquant également l’abolition de postes de chargés de cours, ou encore la révision des modalités d’acquisition des périodiques scientifiques sans parler de l’amaigrissement des enveloppes destinées aux bourses facultaires de réussite. Dans les derniers jours, l’Université Laval a annoncé la suspension des admissions pour la prochaine année dans les programmes suivants : maîtrise interdisciplinaire en art, baccalauréat en ethnologie et patrimoine et diplôme d’études supérieures spécialisées (DÉSS) en muséologie. Les représentants d’Artefact, l’Association étudiante des 2e et 3e cycles du Département des sciences historiques de l’Université Laval, se désolent de cette annonce et surtout s’inquiètent du profilage académique qu’elle sous-tend. Il est préoccupant de constater que la principale caractéristique commune aux programmes coupés soit l’appartenance aux Arts et aux Humanités, disciplines trop souvent discriminées pour leur soi-disant manque de rentabilité. Il nous apparaît désormais évident que ces choix relèvent d’un processus de marchandisation de l’éducation qui tend à occulter les disciplines davantage axées sur la recherche fondamentale.

Le 2 décembre 2015, il a été rapporté dans un article du journal Le Soleil que les suspensions de programmes sont l’aboutissement d’un long processus de consultation « avec la base », pour reprendre les termes de M. Bernard Garnier, vice-recteur aux études et aux activités internationales. Les représentants d’Artefact, qui agissent au nom des étudiants du DÉSS en muséologie, s’étonnent pourtant d’avoir été mis devant le fait accompli. À aucun moment, les membres de l’Association ont été invités à se prononcer sur la question. M. Philippe Dubé, directeur du programme de muséologie du Département des sciences historiques, soutient que « la suspension des admissions au DÉSS en muséologie à l’UL s’inscrit dans une démarche réfléchie afin de relancer le programme vers de nouveaux objectifs ». Malgré son optimisme, il est légitime de s’interroger si ce processus de réflexion et de bonification n’est pas en réalité une fermeture de programme imposée par le contexte d’austérité et déguisée à peu de frais? À plus forte raison, ne serait-ce pas un moyen, pour l’administration qui cherche tant bien que mal à réaliser les compressions ordonnées par le gouvernement, d’effectuer une réduction du corps professoral et, par conséquent, de la masse salariale du Département? Ces questionnements ne sont pas une accusation, mais le reflet de préoccupations légitimes de membres de la communauté estudiantine et un appel au dialogue. Puisque le nombre d’inscriptions a un impact direct sur les fonds attribués à chaque faculté, il est à craindre que ces suspensions d’admissions ne fassent que creuser le déficit budgétaire dont la Faculté des lettres et des sciences humaines ne pourrait pas s’extirper sans de lourds compromis, souvent au détriment des besoins de ses étudiantes et étudiants.

Devant ces questions qui demeurent ouvertes, les représentants d’Artefact demandent à l’administration universitaire qu’une réelle consultation auprès de « la base » soit mise en œuvre afin d’offrir des garanties quant au caractère temporaire des suspensions de programmes en vue de les actualiser et de les relancer. Ceux-ci tiennent à réitérer leur attachement au maintien du programme de DÉSS en muséologie au sein de l’Université Laval puisqu’il s’agit d’un domaine essentiel à la mise en valeur des recherches et des découvertes relatives aux sciences historiques et patrimoniales. Dans l’éventualité d’une refonte globale de l’approche incluse dans le programme de muséologie, les représentants d’Artefact sont ouverts à participer activement à son élaboration et à sa conception en collaboration avec le corps professoral, administratif et estudiantin.