L’accouchement : une histoire nécessaire

Publié le 3 novembre 2016

Par Andrée Rivard, chargée de cours à l’Université du Québec à Trois-Rivières et chercheuse associée à la Chaire Claire-Bonenfant – Femmes, Savoirs, Sociétés[1]

Version PDF
Accouchements et maternité, photographies d'Antoine Desilets (entre 1951-1997). BAnQ, Cote : P697,S1,SS1,SSS12,D1.

Photographie tirée d’une série portant sur les accouchements et la maternité. Fonds Antoine-Désilets (entre 1951-1997), BAnQ, Cote : P697,S1,SS1,SSS12,D1.

Durant les années 1970 et 1980, la propriété du corps a été une préoccupation centrale chez les féministes. Si l’accès à la contraception et à l’avortement a été son plus grand symbole, l’accouchement, qui participe à une même réalité corporelle et reproductive, a également fait partie des luttes. À l’instar d’autres Nord-Américaines inspirées par le mouvement pour la santé des femmes, des Québécoises ont voulu se « réapproprier » leurs enfantements[2]. Des femmes et des groupes de femmes ont publiquement révélé leurs mécontentements concernant l’extrême difficulté d’avoir des accouchements naturels dans les hôpitaux (où est imposée une panoplie de soins, de médicaments et d’interventions), l’absence de choix quant au lieu (l’hôpital étant pratiquement le seul) et au professionnel qui en aura la « responsabilité » (les médecins détenant un monopole sur les soins obstétricaux), le manque de respect des intervenant.es quant à leurs décisions et leur faible influence dans le système de santé.

En 1999, l’intégration des sages-femmes dans le réseau de la santé, après quatre années d’expérimentation dans des projets-pilotes, et la mise sur pied d’un programme universitaire menant à l’obtention d’un permis de pratique ont été la plus grande réussite du mouvement pour l’humanisation de la naissance[3]. Pour les femmes en santé, les sages-femmes représentaient une alternative au modèle généralisé puisqu’elles offraient un accompagnement démédicalisé permettant d’avoir un accouchement naturel dans le lieu de leur choix (maison de naissance, domicile, hôpital). Les militantes attendaient qu’elles mettent en œuvre les principes féministes en santé, notamment en ayant une relation égalitaire avec leurs clientes et en plaçant l’empowerment au cœur de la démarche d’accompagnement[4]. Ce gain – obtenu à l’arraché au terme d’une longue et difficile lutte avec la gent médicale et leurs allié.es au sein de l’appareil étatique – étant affaire du passé, les femmes n’auraient eu qu’à profiter de l’heureux moment! Dans ces conditions renouvelées, presque parfaites dirait-on, pourquoi sentir le besoin d’y revenir? Un tel passé dont on semble si bien connaître les tenants et aboutissants à cause de sa proximité peut-il être objet d’histoire? Devrait-on pour l’instant se contenter des connaissances éparses (où se mélangent fiction, réalité et mythe) à notre portée? Dans ce texte, je ferai valoir la pertinence d’investiguer l’histoire de l’accouchement pour participer aux débats actuels et j’émettrai quelques hypothèses sur les facteurs explicatifs du faible intérêt pour l’histoire de l’accouchement, en espérant que cette mise au jour permette de surpasser les blocages.

L’accouchement serait-il un non-sujet ?

L’historiographie québécoise relative à l’accouchement est plutôt maigrichonne, spécialement en ce qui concerne la période postérieure à 1950. C’est surtout par la bande que le sujet a été abordé[5] et il n’avait jamais été traité pour lui-même avant que je ne le fasse avec mon livre Histoire de l’accouchement dans un Québec moderne paru aux éditions du remue-ménage en 2014[6]. Le thème a été plutôt délaissé ici, à un moment où, doit-on le souligner, plusieurs travaux d’importance ont été publiés au Canada anglais, aux États-Unis et en France[7]. L’immensité du territoire qu’il reste à explorer est en soi intrigante d’abord à cause du large pan de la population touchée : mères, conjoint.es, accompagnant.es et intervenant.es médicaux (très concerné.es par le sujet, l’accouchement étant la principale cause d’hospitalisation). Ce qui laisse perplexe également est la place que lui accordent les spécialistes du vigoureux champ de la sociohistoire du corps : sexualités, violences, soins de santé, sensations, sports, esthétique, perceptions, tout y passe dirait-on, sauf l’accouchement si ce n’est que pour illustrer le regard porté par la médecine sur la douleur[8]. Cette manière restrictive d’aborder le thème est instructive. Elle illustre une conception largement partagée que l’expérience de l’enfantement est principalement biologique. Il y a donc peu à en dire qu’on ne sache déjà. Le traitement médical qui lui est automatiquement appliqué, l’effacement à toutes fins pratiques de la douleur, le scientisme répandu, son aspect privé, la perpétuation dans le milieu académique d’une vision patriarcale du monde ont certes contribué à l’aplatissement du sujet, au point d’en faire une question sans intérêt, voire un non-sujet.

C’est précisément parce que l’accouchement est perçu comme allant de soi, tant sur le plan de la biologie que dans une perspective historique et politique, qu’on a négligé de s’interroger sur lui et de le soumettre à une analyse critique[9]. Que l’expérience de la femme qui accouche (celle qui est transmise) concorde avec la vision diffusée par les institutions médicales et étatiques n’est pas un hasard. Le scénario est bien connu : la femme accouchera dans un hôpital, sous les soins d’un médecin entouré de son équipe; on lui administrera des médicaments destinés à supprimer (du moins à atténuer substantiellement) la douleur; puis viendra au monde un bébé, probablement en santé, parce que la dyade aura reçu tous les soins nécessaires à une naissance « sans risque » (conséquence naturelle du Progrès). Une telle évidence montre justement la nécessité de faire une histoire attentive aux marginalités (le marginal révélant à la fois sa part et tout le reste), ce qui amène à orienter les projecteurs vers les résistances des femmes à un système généralement vécu comme allant de soi.

L’ambiance de lassitude et d’anxiété

On ne peut certes nier l’effet sur les universitaires d’un climat de lassitude concernant les thèmes relatifs à la famille. La diffusion, jusqu’à plus soif, estiment certain.es, de discours et d’images touchant la maternité et ses enjeux, a d’ailleurs donné l’occasion à plusieurs de dire leur ras-le-bol quant à une société qui n’en aurait que pour la Famille[10]. Au-delà de cette fatigue, un facteur plus subtil explique le faible intérêt porté à l’histoire de l’accouchement : la réticence à ressasser les souvenirs d’un passé encore très vif et douloureux. Malgré la chute spectaculaire des taux de mortalité et de morbidité maternelle et périnatale durant le XXe siècle, la mort, les handicaps et la maladie ont continué de marquer certains destins, ce qui explique sans doute que la peur entourant l’accouchement soit tout aussi présente qu’autrefois, peut-être même plus[11]. La crainte de l’accouchement appartient à ces peurs rampantes, permanentes, largement partagées dans toutes les catégories sociales. On aurait pourtant pu s’attendre à ce que les conditions socio-sanitaires grandement améliorées et les avancées médicales les jugulent ou, du moins, les atténuent. Le phénomène est civilisationnel :  dans nos sociétés inquiètes, obsédées par la détection et l’évitement des dangers, les individus ont plus que jamais besoin de croire que le risque zéro existe[12]. Ce passage, extrait d’un manuel d’obstétrique en vogue au milieu du XXe siècle, résume bien ce qu’il est utile de savoir : « Les conditions de l’enfantement ont été améliorées grâce aux progrès culturels, sociaux, technologiques et, surtout, à l’avancement de la médecine »[13].

L’investigation du passé peut-elle faire douter de nos convictions concernant la préservation de la vie? On peut penser que la démystification de rituels rassurants décourage à certains égards la soif de savoir. Le paradoxe de la peur persistante par rapport à la confiance dans une médecine perçue comme toute-puissante la rend encore plus difficile à transcender. L’oubli serait donc une planche de salut pour éviter une angoisse que le remède lui-même (la médecine, l’hôpital) se révèle incapable de nous libérer. Ce diagnostic m’amène à conclure ceci : la sensibilité de l’accouchement comme objet d’étude montre que son tabou ne s’est absolument pas évanoui (comme parfois la liberté des propos des femmes peut porter à le croire), mais que son épicentre s’est déplacé de la pudeur vers la peur. Or, la peur, surtout lorsqu’elle ne relève que des perceptions (ce qui est différent des menaces réelles, beaucoup plus rares), est mauvaise conseillère : certain.es lui attribuent en partie la hausse des interventions obstétricales[14]. Évidemment, les interventions non justifiées par les données scientifiques ne sont guère à l’avantage des femmes qui ont intérêt à prendre conscience de ce qui conditionne leurs peurs.

Attention! L’histoire de l’accouchement est subversive!

Le féminisme

Je me limiterai ici à quelques observations. D’abord, on peut imaginer que la recherche relative à l’accouchement a pu écoper du backlash du féminisme post 1990. Des bruyantes revendications des années 1970 et 1980, entachées de discrédit (en particulier, le président du Collègue des médecins du Québec, le Dr Augustin Roy, s’y est ardemment appliqué), on ne voulait plus entendre parler. Dans le milieu universitaire, les chercheuses intéressées étaient soupçonnées de vouloir faire de la « victimologie » et étaient ainsi découragées dans leurs travaux.

Au sein du mouvement féministe lui-même, la question de l’accouchement a été en quelque sorte mise « sur pause », ce qui s’avérait d’autant plus justifiable que le dossier sage-femme progressait (lentement)[15]. Le débat constructivisme/essentialisme qui a épuisé beaucoup de féministes de la deuxième vague et qui s’est révélé être une impasse continue néanmoins de hanter. L’opposition perçue entre les tenantes de la démédicalisation et du « naturel » (qu’on lie à un essentialisme féminin) et les femmes qui voient dans la médicalisation unilatérale un progrès raviverait-elle l’inutile débat? Il est difficile en tout cas de ne pas sentir les tensions encore aujourd’hui. Mettre sur la table la question du « naturel » suscite parfois des réactions épidermiques : soupçons d’aveuglement idéologique, d’anti-féminisme et de prosélytisme (à titre de détentrice d’une vérité universelle), auquel s’ajoute la « culpabilisation » inutile des femmes qui voient les choses différemment. Si dans le cas de l’allaitement les incompréhensions sont en voie d’être résolues[16], nous n’en sommes pas rendues là pour l’accouchement pour la bonne raison, entre autres, que le terrain est tellement miné que peu osent s’y aventurer. Il faudra pourtant bien, un jour, jeter des ponts! Dans la jeune génération de femmes, nombreuses sont celles par exemple à clamer leur féminisme (de gauche!) sans pour autant y voir de contradictions avec leur penchant pour un accouchement vécu dans son intensité naturelle et une maternité de proximité pouvant s’étendre sur plusieurs années. Ce retour sur le corps doit être considéré dans les débats actuels, il ne s’agit pas d’une simple mode, mais d’une vague de fond, d’une tendance socio-culturelle lourde, porteuse de sens comme Dominique Memmi en a fait la démonstration. Son interprétation qui fait du corps et de la « nature » le point d’ancrage permettant de rétablir le lien social dans un monde marqué par le désenchantement est une voie intéressante pour appréhender la question de l’accouchement autrement qu’en empruntant les axes constructivistes et essentialistes[17].

Par ailleurs, je tiens à souligner le risque de secondariser l’accouchement par rapport à d’autres questions relatives au corps. Ce que les féministes doivent garder à l’esprit, c’est qu’il s’inscrit lui aussi dans le vaste processus de déshumanisation du corps des femmes (« filles en série », déconsidérées, hypersexualisées, exploitées…). Si la femme violentée sexuellement n’existe pas aux yeux de bon nombre, la femme qui accouche non plus. Les deux sont soumises au même travail d’invisibilisation. La quasi-absence de récits historiques sur l’accouchement tue la mémoire et renforce cet effacement[18].

Le tabou médical

Dans un contexte où la médicalisation s’insinue tous les aspects de la vie, où les progrès médicaux donnent des espoirs infinis et où la santé est objet de culte, les médecins ont acquis une place privilégiée. Plus que des héros et des héroïnes, ils et elles ont été quasi-sacralisé-es.[19] Du coup, examiner leur travail est une réelle transgression et les analyses critiques sont aisément discréditées par le procès d’intention d’avoir un parti-pris. Le doctor-bashing est même devenu une expression à la mode. L’attention est ainsi déplacée des arguments vers l’intention supposée. Si cette évaluation ne peut pas être généralisée (à tous les médecins, ni même à l’ensemble de la société), force est d’admettre que la sanction dont je viens de parler est facilement observable. On doit le savoir : la médecine est un territoire sensible, surtout quand on s’adonne à faire l’histoire du temps présent.

L’histoire engagée

En histoire, le soupçon du biais malvenu est rendu plus subtil par l’attribution de l’étiquette « engagé.e », « positionné.e » et même « militant.e ». Malgré la noblesse de l’engagement en histoire, ces qualificatifs ouvrent la porte aux paralogismes dispensant d’opposer des arguments sérieux à des arguments sérieux et, dans la même foulée, à la relativisation des qualités et de la rigueur d’un travail. Faire de l’histoire engagée, c’est s’exposer aux critiques manquant à la bienséance, disons-le franchement. En guise d’encouragement, disons, à l’instar de l’éminent Marc Bloch, que conscience et contrôle dans l’observation des phénomènes valent cent fois mieux que le joug de l’inconscience de la soumission aux évidences, mirages d’une certaine neutralité[20]

Sans doute un peu plus d’ego-histoire permettrait de mieux comprendre les positions de chacun.e, surtout de celles et de ceux qui croient ne pas en avoir. Nous devrions en faire beaucoup plus au Québec. Pour ma part, je révélerai que ce sont mes expériences de quatre accouchements, très différents[21], qui ont fait que je me suis interrogée sur mon propre parcours et les évidences de mes choix, sur la diversité des vécus, sur les fréquentes souffrances physiques et psychologiques des femmes et sur ce qui m’a été transmis (mémoires familiale, collective et historique). Quand j’ai constaté qu’aucun grand récit cohérent de cette histoire récente n’avait été fait, j’ai su que je devais le faire, justement pour comprendre. Ce faisant, j’ai réalisé les conséquences politiques de l’occultation d’un aspect si signifiant de la vie des femmes.

Je suis particulièrement satisfaite d’avoir apporté une lumière sur le phénomène de la violence obstétricale[22]. Si, au commencement des années 2000, j’en entendais parler que du bout des lèvres (l’appellation créant déjà beaucoup d’émotions), le sujet a fait de plus en plus partie des débats publics par la suite[23]. De manière inattendue, mes travaux ont donné une assise documentaire à cette violence parfois ténue, parfois dure, plus ou moins subtile, plus ou moins « justifiée » par des contraintes managériales ou par le stress, mais quand même bien palpable. Ma démonstration d’un ancrage historique et culturel est une découverte d’importance, car elle fournit une part d’explication au fait que cette violence est traitée de nos jours comme un fait marginal ou insignifiant, ou même comme une exagération. Cette culture obstétricale qui admet la violence a fini par se confondre avec la culture au sens large. Elle a rendu inconscients les gestes et leur portée. « Je me sens violée », a écrit Jeannette Bertrand, lorsqu’elle raconte dans son autobiographie son premier accouchement survenu en 1948[24]; or j’ai déjà entendu des mots semblables de la bouche de jeunes mères. La banalisation de la violence obstétricale s’inscrit, elle aussi, dans le vaste processus de déshumanisation du corps des femmes et de violence systémique que l’actualité nous rappelle sans cesse.

Conclusion

L’exploration de l’histoire de l’accouchement relève donc d’un travail d’audace nécessaire et utile pour accompagner les contemporains qui doivent pouvoir bénéficier de savoirs susceptibles d’éclairer leurs décisions. Des savoirs exacts, consistants, inscrits dans des récits qui leur procurent sens et cohérence. Je plaiderai également que les expériences des femmes doivent être historicisées en gardant à l’esprit que ce qu’elles nous apprennent directement ne suffit pas à nous éclairer et qu’une analyse des modalités de leur production est indispensable. « [I]l faut nous intéresser aux processus historiques qui, à travers le discours, positionnent les sujets et produisent leur expérience », nous invitait avec lucidité Joan Scott[25].  Porter au regard la manière dont les évidences ont été construites est nécessaire pour affaiblir le contrôle social et nourrir l’empowerment des individus.

Pour en savoir plus

Association pour la santé publique du Québec. Perspectives sur les réalités de la naissance. Échos d’une conférence. Synthèse de la conférence annuelle 2004. Montréal, ASPQ, 2005, 90 p.

BAILLARGEON, Denyse. Un Québec en mal d’enfants. La médicalisation de la maternité, 1910-1970. Montréal, Éditions du remue-ménage, 2004, 373 p.

BAYARD, Chantal et Catherine CHOUINARD, dir. La promotion de l’allaitement au Québec. Regards critiques. Montréal, Remue-ménage, 2014, p. 89-113. 207 p.

BERTRAND, Janette. Ma vie en trois actes. Montréal, Libre Expression, 2004, 416 p.

BLAIS, Marie-Josée. Le transfert hospitalier de l’accouchement au Québec, 1930-1960. Mémoire de maîtrise en histoire, Université de Montréal, 1996.

BLOCH, Marc. Apologie pour l’histoire ou métier d’historien. Paris, Armand Collin, 1974, 167 p.

Boston Women’s Health Book Collective et Judy NORSIGIAN. Our Bodies, Ourselves. New York, Simon & Schuster, 2011 (1971), 944 p.

BOZZINI, Luciano et al., dir. Médecine et société, les années 80. Montréal, Les éditions Coopératives Albert St. Martin, 1981, 554 p.

CORBIN, Alain, Jean-Jacques COURTINE et Georges VIGARELLO, dir. Histoire du corps. Paris, Seuil, 2005-2006, 3 volumes.

DELUMEAU, Jean. Rassurer et protéger : le sentiment de sécurité dans l’Occident d’autrefois. Paris, Fayard, 1989, 661 p.

D’GREGORIO, Rogelio Pérez. « Obstetric violence: A new legal term introduced in Venezuela ». International Journal of Gynecology & Obstetrics, vol. 111, no 3 (décembre 2010), p. 201-202.

FITZPATRICK, Elise et Nicholson J. EASTMAN. Zabriskie. Manuel d’obstétrique à l’usage des infirmières. Philadelphie et Montréal, J.B. Lippincott, 1960 (1929), 576 p.

FREEDMAN, Lynn P. et Margaret E. KRUK.  « Disrespect and abuse of women in childbirth: challenging the global quality and accountability agendas ». The Lancet, vol. 384, no 9948 (20 septembre 2014), p. e42-e44.

FRYDMAN, René et Myriam SZEJER, dir. La naissance. Histoire, cultures et pratiques d’aujourd’hui. Paris, Albin Michel, 2010, 1410 p.

GRÉGOIRE, Lysane et Stéphanie ST-AMANT, dir. Au cœur de la naissance. Témoignages et réflexions sur l’accouchement. Montréal, Éditions du remue-ménage, 2004, 444 p..

Institut national d’excellence en santé et en services sociaux. « Mesures prometteuses pour diminuer le recours aux interventions obstétricales évitables pour les femmes à faible risque ». ETMIS, vol, 8, no 14 (2012), 134 p.

JOULBERT, Lucie. L’envers du landau. Regard extérieur sur la maternité et ses débordements. Montréal, Éditions Triptyque, 2010, 105 p.

LAFORCE, Hélène. L’histoire de la sage-femme dans la région de Québec. Québec, Institut québécois de la recherche sur la culture, 1985, 237 p.

LAFORCE, Hélène. « L’univers de la sage-femme aux XVIIe et XVIIIe siècles ». Cap-aux-Diamants : la revue d’histoire du Québec, vol. 3, no 1 (1985), p. 3-6.

LUKASSE, Mirjam et al. « Prevalence and associated factors of fear of childbirth in six European countries ». Sexual & Reproductive Healthcare, vol. 5, no 3 (octobre 2014), p. 99-106.

MAYER, Stéphanie et Diane LAMOUREUX. « Le féminisme québécois comme mouvement de défense des droits des femmes ». Recherches féministes, vol. 29, no 1 (2016), p. 91-109.

MEMMI, Dominique. La revanche de la chair. Essai sur les nouveaux supports de l’identité. Paris, Seuil, 2014, 288 p.

QUÉNIART, Anne. Le corps paradoxal : Regards de femmes sur la maternité. Montréal, Les éditions Coopératives Albert St. Martin, 1988, 249 p.

RIVARD, Andrée. L’enfantement dans un Québec moderne : générations, mémoires, histoire. Thèse de doctorat en histoire, Université Laval, 2010, 379 p.

RIVARD, Andrée. « Le risque zéro lors de l’accouchement : genèse et conséquences dans la société québécoise d’un fantasme contemporain ». Globe, vol. 16, no 2, 2013, p. 27-47.

RIVARD, Andrée. Histoire de l’accouchement dans un Québec moderne. Montréal, Éditions du remue-ménage, 2014, 450 p.

RIVARD, Andrée. De la naissance et des pères. Montréal, Éditions du remue-ménage, 2016, 192 p.

ROUSSEAU, Nicole et Johanne DAIGLE. Infirmières de colonie. Soins et médicalisation dans les régions du Québec (1932-1972). Québec, Presses de l’Université Laval, 2013, 459 p.

SAISTO, Terhi et Erja HALMESMÄKI. « Fear of childbirth: a neglected dilemma ». Acta Obstetricia et Gynecologica Scandinavica, vol. 82, no 3 (mars 2003), p. 201–208;

SCOTT, Joan W. Théorie critique de l’histoire. Identités, expériences, politiques. Paris, Fayard, 2009, 176 p.

SOUISSI, Takwa. « Redonner aux femmes le contrôle de leur accouchement ». La Gazette des femmes (30 novembre 2015). [En ligne] https://www.gazettedesfemmes.ca/12658/redonner-aux-femmes-le-controle-de-leur-accouchement/.

STOLL, Kathrin et al. « Why are young Canadians afraid of birth? A survey study of childbirth fear and birth preferences among Canadian University students ». Midwifery, vol. 30, no 2 (février 2014), p. 220-226.

VADEBONCOEUR, Hélène. Une autre césarienne ou un AVAC? S’informer pour mieux décider. Montréal, Fides, 2012, 384 p.

WAGNER, Marsden. « Fish can’t see water : the need to humanize birth ». International Journal of Gynecology & Obstetrics, vol. 75, no 1 (2001), p. S25-S37.

YAYA, Hachimi Sanni, dir. Pouvoir médical et santé totalitaire. Conséquences socio-anthropologiques et éthiques. Québec, Presses de l’Université Laval, 2009, 44 p.


[1]  Je tiens à remercier Hélène Vadeboncoeur ainsi que les réviseur.es anonymes de la revue pour avoir lu et commenté une première version de ce texte.

[2] La publication en 1971 du livre Our Bodies Ourselves par le Collectif de Boston (Boston, New England Free Press) a popularisé le mouvement pour la santé des femmes. L’ouvrage a été largement diffusé dans le monde avec ses multiples traductions, adaptations et rééditions. Aux États-Unis, le livre en est à sa huitième édition révisée (Boston Womens Health Book Collective and Judy Norsigian, Simon & Schuster Trade, 2011).

[3] L’épidémiologiste Marsden Wagner, bien connu des militantes québécoises, résume bien ses objectifs quand il écrit « [h]umaniser la naissance signifie simplement comprendre que la femme qui donne la vie est un être humain à part entière et non pas une machine, ni un simple réceptacle à bébé. […] Humaniser la naissance signifie accorder le rôle principal à la femme qui enfante. C’est elle qui gardera le contrôle de son accouchement et ce sera elle, et non les médecins ou qui que ce soit d’autre, qui prendra les décisions à chaque moment et en toutes circonstances ». « Fish can’t see water : the need to humanize birth », International Journal of Gynecology & Obstetrics, vol. 75, no 75, 2001, S25-S37 (texte traduit par Stéphanie St-Amant et Hélène Vadeboncoeur).

[4] Concept central de la vision féministe en santé, l’empowerment a été développé dans les centres de santé des femmes. Cette notion réfère à un mode d’accompagnement axé sur la reconnaissance des capacités et du pouvoir d’agir des personnes. Pour ce faire, ils et elles doivent pouvoir compter sur un accès à des sources d’information sérieuses et variées leur permettant de faire des choix éclairés.

[5] Pour les années 1950-1960, cette histoire a été partiellement mise en lumière grâce aux recherches d’Hélène Laforce sur les sages-femmes, de Nicole Rousseau et Johanne Daigle sur les infirmières de colonie, de Denyse Baillargeon sur la médicalisation de la maternité et de Marie-Josée Blais qui s’est intéressée au transfert hospitalier de l’accouchement au milieu du XXe siècle. En réalité, au Québec, l’accouchement a attiré davantage l’attention des sociologues et des anthropologues que des expert.es de l’histoire.

[6] Il s’agit d’une adaptation de ma thèse de doctorat en histoire (L’enfantement dans un Québec moderne : générations, mémoires, histoire, Université Laval, 2010, 379 p.) où je m’étais questionnée sur les écarts et les ressemblances entre les générations de mères concernant leurs vécus d’accouchement, sur la façon dont les divers acteurs ont influencé l’expérience de la mise au monde et sur les résistances des femmes par rapport au modèle médical dominant. Cette histoire résulte de l’analyse croisée de sources primaires variées, dont une série de 537 dossiers-clientes et autres documents provenant des archives privées de Claire Thibault, fondatrice du Centre psychoprophylactique d’accouchement sans douleur de Québec (1957-1968), dix entrevues en profondeur semi-dirigées réalisées auprès de mères nées entre 1908 et 1964 (ayant donné naissance au total à 52 enfants en divers lieux d’accouchement), des documents gouvernementaux, des articles de périodiques, des guides de préparation à la naissance, des livres de témoignages, des autobiographies et des ouvrages obstétricaux.

[7] La plupart concernent les années précédant 1950. Ceux portant sur la période postérieure sont essentiellement le fait d’historiennes françaises (Yvonne Kniebiehler, Marie-France Morel, Marianne Caron-Leuillez et Jocelyne George) et étasuniennes (Paula A. Michaels, Jacqueline H. Wolfe) qui ont porté leur attention sur leur propre pays.

[8] L’Histoire du corps publiée sous la direction d’Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello (3 volumes, Seuil, 2005-2006, 3 volumes.) est exemplaire de l’ignorance répandue.

[9] Dans ce constat, la réflexion de Joan W. Scott sur l’évidence de l’expérience (1989) a été une grande source d’inspiration. Théorie critique de l’histoire. Identités, expériences, politiques, Paris, Fayard, 2009, p. 65-126.

[10] Le sujet est régulièrement traité dans divers médias. Voir notamment Lucie Joubert, L’envers du landau. Regard extérieur sur la maternité et ses débordements, Montréal, Éditions Triptyque, 2010, 105 p. Le dossier « 100 pour cent sans enfant » publié le 18 juin 2015 dans Planète F fait un tour de la question de la non-parentalité par choix.

[11] Anne Quéniart, Le corps paradoxal : Regards de femmes sur la maternité, Montréal, Les éditions Coopératives Albert St. Martin, 1988, première partie; Association pour la santé publique du Québec, Perspectives sur les réalités de la naissance. Échos d’une conférence. Synthèse de la conférence annuelle 2004, Montréal, ASPQ, 2005, p. 65; Hélène Vadeboncoeur, Une autre césarienne ou un AVAC? S’informer pour mieux décider, Montréal, Fides, 2012, p. 70-73; Kathrin Stoll et al., « Why are young Canadians afraid of birth? A survey study of childbirth fear and birth preferences among Canadian University students », Midwifery, vol. 30, no 2, février 2014, p. 220-226.

[12] Jean Delumeau, Rassurer et protéger : le sentiment de sécurité dans l’Occident d’autrefois, Paris, Fayard, 1989, 661 p.; Andrée Rivard, « Le risque zéro lors de l’accouchement : genèse et conséquences dans la société québécoise d’un fantasme contemporain », Globe, vol. 16, no 2, 2013, p. 27-47.

[13] Elise Fitzpatrick et Nicholson J. Eastman, Zabriskie. Manuel d’obstétrique à l’usage des infirmières, traduit de l’américain par l’Association des infirmières de la province de Québec, Philadelphie et Montréal, J.B. Lippincott, 1960 (1929), p. 185.

[14] Vania Jimenez, « La césarienne de convenance » dans René Frydman et Myriam Szejer, dir., La naissance. Histoire, cultures et pratiques d’aujourd’hui, Paris, Albin Michel, 2010, p. 1034-1035; ASPQ, Perspectives sur les…, p. 14-18; Terhi Saisto et Erja Halmesmäki, « Fear of childbirth: a neglected dilemma », Acta Obstetricia et Gynecologica Scandinavica, vol. 82, no 3, mars 2003, p. 201–208; Mirjam Lukasse et al., « Prevalence and associated factors of fear of childbirth in six European countries », Sexual & Reproductive Healthcare, vol. 5, no 3, octobre 2014, p. 99-106; Institut national d’excellence en santé et en services sociaux, « Mesures prometteuses pour diminuer le recours aux interventions obstétricales évitables pour les femmes à faible risque », avis préparé par Michel Rossignol, Faiza Boughrassa et Jean-Marie Moutquin, ETMIS, vol, 8, no 14, 2012, 134 p.

[15] Par exemple, La Gazette des femmes s’est intéressée à une grande variété de sujets touchant la maternité, en particulier les nouvelles pratiques sociales et les enjeux relatifs au travail (homoparentalité, procréation assistée, maternité pour autrui, mères au foyer, conciliation travail-famille, etc.), mais l’accouchement et ses conditions y ont été peu présentes autrement qu’au travers la question des sages-femmes.

[16] Manon Niquette, « La promotion du soutien aux femmes qui désirent allaiter : pour en finir avec la culpabilité » dans Chantal Bayard et Catherine Chouinard, dir., La promotion de l’allaitement au Québec. Regards critiques, Montréal, Éditions du remue-ménage, 2014, p. 89-113.

[17] Dominique Memmi, La revanche de la chair. Essai sur les nouveaux supports de l’identité, Paris, Seuil, 2014, 288 p.

[18] À cet égard, des résultats (partiels) de la recherche Inter-Reconnaissance de Stéphanie Mayer et Diane Lamoureux sont troublants. Quand elles ont demandé à des militantes de leur indiquer les principaux gains du féminisme (de la deuxième vague) relativement aux droits (pas seulement au sens de leur acceptation strictement juridique, mais aussi quant aux effets sur la société), le droit au travail arrive au premier rang, celui à l’avortement et à la contraception au deuxième, les droits parentaux au troisième. L’accouchement semble avoir été « oublié ». « Le féminisme québécois comme mouvement de défense des droits des femmes », Recherches féministes, vol. 29, no 1, 2016, p. 97.

[19] Irving K. Zola, « Culte de la santé et méfaits de la médicalisation » dans Luciano Bozzini et al., dir., Médecine et société : Les années 80, Montréal, Saint-Martin, 1981, p. 31-51; Pierre Aïach, « L’irrésistible expansion du champ de la santé » dans Hachimi Sanni Yaya, dir., Pouvoir médical et santé totalitaire. Conséquences socio-anthropologiques et éthiques, Québec, Presses de l’Université Laval, 2009, p. 81-99.

[20] Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, Paris, Armand Collin, 1974, p. 48. Sur la nécessité d’une approche critique de l’évidence, voir Joan W. Scott, Théorie critique de…, p. 65-126.

[21] J’ai raconté mon histoire personnelle dans « Parcours de mises au monde : quêtes et conquêtes », dans Lysane Grégoire et Stéphanie St-Amant, dir., Au cœur de la naissance. Témoignages et réflexions sur l’accouchement, Montréal, Éditions du remue-ménage, 2004, p. 251-265.

[22] La notion englobe une variété de situations, pas nécessairement malveillantes ou volontaires, allant de paroles infantilisantes aux positions inconfortables ou humiliantes, petites rudesses et même aux actes délibérés visant, par exemple, à faire mal à une femme pour la « punir » (par exemple, de se plaindre). L’article suivant de Lynn P. Freedman et Margaret E. Kruk permet de constater la variété des situations : « Disrespect and abuse of women in childbirth: challenging the global quality and accountability agendas », The Lancet, vol. 384, no 9948, 20 septembre 2014), p. e42-e44.

[23] Bien que la réalité soit ancienne, les autorités en santé reconnaissent l’existence d’une violence obstétricale depuis une dizaine d’années seulement. Plusieurs organisations internationales ont fait des déclarations ou pris des mesures particulières, telles White Ribbon Alliance for Safe Motherhood, USAID International et l’Organisation mondiale de la santé. Le Vénézuela a été le premier pays à reconnaître officiellement la violence obstétricale au travers sa législation (Rogelio Pérez D’Gregorio, « Obstetric violence: A new legal term introduced in Venezuela », International Journal of Gynecology & Obstetrics, vol. 111, no 3, décembre 2010, p. 201-202). Au Québec, quelques travaux universitaires dans divers champs disciplinaires ont été menés ou sont en cours sur le sujet, mais ce n’est que tout récemment que des médias ont commencé à faire état du phénomène. Voir en particulier le dossier « Abus dans la salle d’accouchement », publié en avril 2014 dans la revue Planète (35 p. de contenu électronique) et l’article de Takwa Souissi, « Redonner aux femmes le contrôle de leur accouchement », La Gazette des femmes, 30 novembre 2015, en ligne.

[24] Janette Bertrand, Ma vie en trois actes, Montréal, Libre Expression, 2004, p. 163.

[25] « L’évidence de l’expérience » dans Joan W. Scott, Théorie critique de…, p. 80.