Petite histoire de la Société Saint-Vincent-de-Paul à Québec

Publié le 20 décembre 2010

Luc Nicole-Labrie

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Source: J. E. Livernois, « Joseph Painchaud » (vers 1851), Bibliothèque et archives nationales du Québec, Cote: P560, S2, D1, P981, consultation en ligne, 4 décembre 2010.

Le temps des fêtes est à nos portes. Et cette semaine, les médias du Québec ont légèrement mis de côté, le temps d’une seule journée, leurs intérêts divergents pour participer à la grande guignolée des médias. Cette tradition a notamment été mise sur pied par la Société Saint-Vincent-de-Paul dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Nous avons donc cru bon faire un bref portrait de cette société à Québec.

La Société Saint-Vincent-de-Paul (SSVDP) est mise sur pied à Paris en France en 1833, sous l’impulsion du mécène Emmanuel Bailly, des conseils de Sœur Rosalie Rendu de la congrégation des Dames de la Charité et de l’énergie d’un groupe d’étudiants universitaires en médecine et en droit incluant un Lyonnais de 20 ans, Frédéric Ozanam. Réunie par leur désir d’aider les démunis et une fervente foi catholique, l’organisation prend rapidement de l’ampleur. C’est onze ans après la création que l’organisation traverse l’Atlantique avec une première conférence (c’est le nom des sections dans la SSVDP) au Mexique en 1844. À Québec, c’est le docteur Joseph Painchaud (ci-haut) qui organise une nouvelle conférence de la Société Saint-Vincent-de-Paul en 1846.

Source: J.E. Livernois, « Quartier Saint-Jean-Baptiste – Côte d’Abraham – Patronage et église Saint-Vincent-de-Paul » (1937), Bibliothèque et archives nationales du Québec, Cote: P560, S2, D2, P166750-1, consultation en ligne, 4 décembre 2010. Note: Cette église construite à la toute fin du XIXe siècle abrite le « Patro » notamment dans la première moitié du XXe siècle. La façade qui tenait encore debout (la partie avec la flèche dans la photo) a été détruite dans les mois de février et mars 2010.

L’organisation s’installe à Québec alors que ce sont surtout les curés et les paroisses qui s’occupent encore des plus démunis, puisque l’État ne peut encore répondre à la demande. S’occupant principalement d’habillement et de nourriture aux pauvres et aux enfants démunis, la SSVDP offre aussi un service de placement pour des ouvriers sans emplois. Les Anglophones aussi ont leurs sociétés (la Saint George, la Gallois et la Saint Patrick). Ce sont ces sociétés qui s’occupent essentiellement du soutien social à Québec. La SSVDP sera aussi près de différentes congrégations catholiques et œuvres de ces dernières: création de l’Hôpital de la Miséricorde (1874) et de l’Asile du Bon-Pasteur pour les prostituées repentantes et femmes enceintes hors mariage, la Patronage Saint-Vincent-de-Paul (1861 jusqu’à l’arrivée des Frères de Saint-Vincent-de-Paul en 1884 qui prend la relève) pour l’enseignement aux enfants pauvres. La SSVDP organisera aussi des évènements sportifs durant toute la seconde moitié du XIXe siècle (au même titre que d’autres sociétés canadiennes-françaises) aidant ainsi la mise en place des premiers loisirs, comme des compétitions amicales d’athlétisme, pour les habitants francophones de Québec.

Source: Source: J. E. Livernois, « Quartier Montcalm – Angle chemin Sainte-Foy et avenue des Érables – La Caisse d’Économie de Québec » (1938), Bibliothèque et archives nationales du Québec, Cote: P560, S2, D2, P172905-2, consultation en ligne, 4 décembre 2010.

En plus de l’aide aux pauvres, la SSVDP de Québec met rapidement en place des caisses d’épargne. Ces caisses, gérées par les responsables des conférences de la SSVDP, sont fondées au printemps 1848 dans les paroisses Saint-Roch et Notre-Dame de Québec (ci-haut, l’édifice des années 1930 dans Montcalm). Bien qu’elles ne soient pas reconnues au même titre que les banques (loi des banques d’épargne de 1841) et que l’argent des déposants est justement placé dans différentes banques de Québec à taux négociés entre les caisses et les banques, ces caisses deviennent d’importantes institutions financières pour les petits épargnants francophones. Bien que la caisse fondée dans la paroisse Saint-Roch soit démantelée au tournant des années 1860, celle de Notre-Dame (haute-ville) poursuit ses activités et s’adapte en devenant progressivement une banque en bonne et due forme. En 1871, une loi la force à détenir du capital-action; en 1944, la caisse devient la Banque d’économie de Québec; la Banque d’économie est absorbée par le Mouvement Desjardins à la fin des années 1960.

Source: Thérèse Sauvageau, titre inconnu, 1981, tiré de l’ouvrage Souvenirs de nos ancêtres, consultation en ligne, 4 décembre 2010. Cette œuvre montre des enfants courant la guignolée.

C’est la Grande Dépression des années 1930 qui donne plus de place à l’État dans la prise en charge des nécessiteux et donc qui réduit un peu la charge de travail et d’efforts des sociétés bienfaisantes. En effet, jusque-là, la SSVDP a étendu ses activités avec les premières guignolées du temps des fêtes (depuis les années 1870), la distribution de bois, de la médiation familiale et même des soins « palliatifs » pour améliorer les derniers jours de malades mourants. La SSVDP est si bien reconnue que la ville fait passer tout son programme de secours pendant les premières années de la Dépression jusqu’à ce que la SSVDP décide, en 1933, de laisser cette compétence à la ville.