Par Annabelle Berthiaume, doctorante en travail social, Université McGill
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Pour une troisième année maintenant, des comités autonomes s’organisent sur différents campus collégiaux et universitaires à travers le Québec et donnent un nouveau souffle au mouvement étudiant. Les Comités unitaires sur le travail étudiant, les CUTE, défendent la reconnaissance et la rémunération de l’activité étudiante. À plus court terme, les CUTE revendiquent la fin des stages non rémunérés, qui occupent toujours une place considérable dans les domaines traditionnellement féminins (l’enseignement, les soins, les arts, la culture). Ainsi, sans nier la pertinence d’exiger la gratuité scolaire, les CUTE proposent d’aller plus loin en politisant l’activité étudiante et en revendiquant un salaire et des conditions d’études convenables afin d’améliorer son accessibilité. En rupture avec la stratégie dominante du mouvement étudiant des dernières années, les militant.e.s des CUTE réactualisent la revendication du salaire étudiant, inspiré.e.s des féministes de la Campagne internationale pour un salaire au travail ménager (Wages for Housework de 1972 à 1977)[1] et des syndicalistes étudiant.e.s de l’Union nationale des étudiants de France (en phase avec le principe de l’étudiant comme jeune travailleur intellectuel inscrit dans la Charte de Grenoble de 1946).
C’est dans cette perspective que George Caffentzis, un des militants à l’origine de la campagne Wage for Students à New York en 1975 et professeur de philosophie retraité à la University of Southern Maine, est venu donner son appui à la campagne des CUTE dans le cadre d’une conférence l’an dernier. À la veille de la journée internationale des stagiaires du 10 novembre, une soirée discussion intitulée « De la chambre à coucher à la salle de classe, lutter contre l’exploitation étudiante » proposait un regard historique et actuel sur les différentes facettes de l’exploitation étudiante, en la liant à celle des femmes, des personnes assistées sociales, des artistes et autres personnes qui sont aussi affectées par la multiplication des formes de travail gratuit. Durant la soirée, le public a également eu l’occasion d’entendre Kay Dickinson, militante au sein du groupe londonien Precarious Workers Brigade, coautrice de Training for Exploitation et professeure en études cinématographiques à l’Université Concordia ainsi que Christina A. Rousseau chercheuse indépendante et chargée de cours à l’Université Trent sur la campagne Wages for Housework et Wages Due Lesbians en Italie et au Canada[2].