Par Benoit Gaudreault, étudiant à la maîtrise à l’Université de Montréal
Les «ado-combattant.e.s», âgés de 12 à 16 ans, véritable angle mort de la Première Guerre mondiale, sont les protagonistes du dernier livre de Manon Pignot : L’appel de la guerre. Des adolescents au combat, 1914-1918. Le projet de l’historienne est de redonner de l’agentivité à ceux et celles qu’elle qualifie d’«invisibles visibles», c’est-à-dire d’absents des sources officielles, mais présents sur les photographies[1]. Bien qu’ils et elles représentent moins de 1 % des effectifs militaires durant la Grande Guerre sur les fronts de l’Ouest et de l’Est en Europe, les combattant.e.s juvéniles étaient un phénomène transculturel[2] important pour les nations impliquées dans ce conflit. Au même titre que le phénomène des embusqués qui refusent la guerre, celui de ces jeunes combattants éclaire un autre aspect de ce conflit : celui du «désir de guerre[3]» et de l’efficacité du discours de mobilisation des gouvernements. Aux confluences de la microhistoire, des études psychologiques et de l’anthropologie historique, Manon Pignot nous propose un portrait «au ras du sol[4]» de ces ado-combattant.e.s qui ne sont pas en «crise» comme on le laisse croire durant la Première Guerre mondiale, mais plutôt dans une transgression volontaire et un «désir de sens» inhérent à cet âge[5]. Pour donner une voix à ces dernier.e.s, l’historienne utilise des mémoires et des récits de guerre qu’ils et elles ont laissés[6], des archives gouvernementales (principalement françaises) et finalement des photos qui sont les éléments centraux de sa recherche, parce que ce sont elles qui font «littéralement exister le sujet[7]». Loin de simplement ornementer le texte de l’historienne, les photos ont pour Pignot une véritable fonction heuristique, elles permettent à l’historienne «d’écouter les morts avec les yeux[8]».