Par Philip Rieder et Alexandre Wenger, Université de Genève, iEH2 et CineMed[1]
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The Knick (États-Unis, réal. Steven Soderbergh, 2 saisons : 2014/2015).
L’importance que prennent le corps et la santé dans nos sociétés constitue une explication possible à la récurrence de thèmes et de situations médicales dans les productions culturelles contemporaines. La médecine scientifique redéfinit sans cesse les frontières du possible et par conséquent les limites de la vie, suscitant à la fois espoirs et désillusions dans le public. Auteurs de fictions, autobiographes, philosophes, chroniqueurs et cinéastes, entre autres, questionnent le corporel, le biologique voire le biomédical et trouvent régulièrement un public réceptif. Au sein de cette production, les séries de qualité ne sont pas en reste. L’envolée récente et spectaculaire de Emergency room, Grey’s anatomy, Night Shift, Remedy, Call the Midwife, Masters of Sex, Chicago Med, pour ne citer que les plus connues, démontre que les enjeux médicaux et les questions les plus techniques trouvent aujourd’hui un public jusque sur le canapé familial.
La décision de Cinemax de produire The Knick (États-Unis, réal. Steven Soderbergh, 2 saisons : 2014/2015), une série portant sur un hôpital de New York, n’est donc a priori pas radicalement originale. Son réalisateur, Steven Soderbergh, avait déjà démontré sa capacité à aborder des problématiques médicales, notamment dans Contagion (2011), un film profondément ancré dans la médecine contemporaine et porteur de messages de santé publique clairs. L’originalité du scénario de The Knick réside dans le fait de placer l’action dans les premières années du 20e siècle. Les auteurs du scénario, Michael Begler et Jack Amiel, auparavant connus pour l’écriture de sitcoms comiques, expliquent leur volonté de travailler sur un scénario à la fois médical et historique. Michael Begler rapporte avoir été inspiré par sa propre expérience. Étant malade, il avait essayé des soignants alternatifs avant de se décider pour les médecins allopathes : « j’ai alors commencé à réfléchir à quelles auraient été mes options il y a quelque 100 ans », explique-t-il[2]. Si la période choisie relève du hasard, il s’agit d’un hasard judicieux : en 1900, grâce à leur récente maîtrise de l’asepsie et de l’anesthésie, les chirurgiens avaient réuni les outils leur permettant d’intervenir sur les tissus et les organes intérieurs du corps dans de bonnes conditions. En revanche, ils ne savaient pas encore comment faire : les procédures demandaient encore à être inventées. Il y avait là de nouveaux territoires de la connaissance à conquérir, et une abondante matière pour une série épique sur les progrès de la chirurgie.