Par Martin Robert

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CHAUVAUD, Frédéric. Histoire de la haine. Une passion funeste, 1850-1950. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, 336 p.

Frédéric Chauvaud[1] est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Poitiers. Ses travaux portent principalement sur l’exercice de la justice pénale, sur le corps et la violence et sur l’histoire des femmes criminelles. En 2014, il signait Histoire de la haine. Une passion funeste, 1830-1930, livre paru aux Presses Universitaires de Rennes. Parmi ses autres publications figurent en 2014 Au voleur! Images et représentations du vol dans la France contemporaine, qu’il codirigeait avec Arnaud-Dominique Houte, parue aux Publications de la Sorbonne, ainsi que Le corps empoisonné. Pratiques, savoirs et imaginaire de l’Antiquité à nos jours, en codirection avec Lydie Bodiou et Myriam Soria, parue chez Classique Garnier[2].


Martin Robert : Comment expliqueriez-vous votre intérêt d’historien envers les relations entre le crime, l’image et le corps?

Frédéric Chauvaud : Cela vient peut-être de mes travaux initiaux. J’ai été l’un des premiers à entreprendre une thèse d’histoire contemporaine fondée sur une lecture de dossiers judiciaires, plus particulièrement ceux produits par la justice pénale. Il existait déjà d’autres travaux, mais qui s’inscrivaient dans le sillage d’une histoire quantitative, autrement dit, on comptait les délits et les crimes, mais on n’ouvrait pas les dossiers. Quand on les lit, on se rend compte qu’ils peuvent servir de supports et de matériaux à de multiples approches puisqu’il devient possible de proposer une histoire de la criminalité, une histoire de la vie quotidienne, de l’enquête judiciaire, des rôles masculin et féminin, etc. À l’intérieur des dossiers on trouve des descriptions corporelles et des rapports d’autopsie, mais aussi des dessins, des relevés ou des croquis de la scène de crime. Dans les affaires d’incendies ou de vols avec effraction, des plans sont dressés, avec parfois l’échelle et les directions (nord, est…), des bâtiments sont représentés; dans celles de crimes de sang, des victimes sont figurées, les corps crayonnés à la hâte, la photographie s’imposant plus tardivement, à partir des années 1890.