Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

Catégorie : Jean Bélanger

Regard historique sur la réforme annoncée des commissions scolaires. Deuxième partie

Par Jean Bélanger, enseignant et candidat à la maîtrise en histoire à l’Université du Québec à Rimouski

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Crédit : Juan Carlos Mejía (Flickr).

Crédit : Juan Carlos Mejía (Flickr).

Au moment de la rentrée scolaire 2012, Paul Gérin-Lajoie, ancien député du Parti libéral du Québec (PLQ) et premier titulaire du ministère de l’Éducation (1964-1966), réagissait à la proposition de la Coalition Avenir Québec (CAQ) d’abolir les commissions scolaires dans le but de réaliser des économies en la qualifiant d’« idée sans bon sens », de « chimère », de « faux-fuyant » [1]. D’abord relayée à la rentrée 2013 par un Parti québécois (PQ) élu après neuf ans de gouvernance libérale[2], l’option de l’abolition suit toujours son cours depuis la réélection d’un gouvernement libéral en avril 2014. Après une rentrée scolaire 2015 marquée par un bras de fer à finir entre le gouvernement et les enseignants qui doivent renouveler leur convention collective, une réforme majeure du cadre de gestion scolaire est imminente. Le 4 décembre dernier, le ministre de l’Éducation, Enseignement supérieur et Recherche, François Blais, a déposé le projet de loi no 86, intitulé « Loi modifiant l’organisation et la gouvernance des commissions scolaires en vue de rapprocher l’école des lieux de décision et d’assurer la présence des parents au sein de l’instance décisionnelle de la commission scolaire », qui vise en effet à réformer les structures locales de gouvernance scolaire.

Dans un article précédent, nous avons retracé l’histoire des commissions scolaires, de leur naissance au milieu du XIXe siècle à la Grande réforme de l’éducation des années 1960. Nous y expliquions notamment en quoi les commissions scolaires constituaient l’ossature de cette réforme et devaient permettre la réalisation des objectifs suivant : 1) faire des gains d’efficacité; 2) démocratiser le système d’éducation; 3) redéfinir le rôle de l’État en matière d’éducation. Alors que des changements importants sont sur le point d’être introduits, ils prennent place dans un contexte politique conditionné par la volonté de réduire la taille de l’État et s’inspirent d’un certain discours qui propose l’abolition des commissions scolaires. Nous soutenons que les objectifs généraux que nous avons identifiés font toujours partie du discours politique, mais qu’ils prennent aujourd’hui une signification particulière, distincte de l’esprit original qui avait inspiré la réforme des années 1960. Le présent article cherche donc à expliquer comment a bien pu s’opérer, dans l’intervalle des cinquante dernières années, un tel retournement de sens.

Regard historique sur la réforme annoncée des commissions scolaires. Première partie

Par Jean Bélanger, enseignant et candidat à la maîtrise en histoire à l’Université du Québec à Rimouski

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Le vent d’austérité qui souffle sur le Québec frappe l’éducation de plein fouet. Les négociations en vue du renouvellement de la convention collective des enseignants piétinent et la menace d’une loi spéciale pour mettre unilatéralement fin aux tergiversations a plané tout au long de l’automne. La plupart des enseignants estiment que les conditions de leur pratique se détériorent dangereusement et octroient des mandats de grève à leur syndicat. Tous les jours, ils vivent la pression des compressions budgétaires imposées aux commissions scolaires. Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, affirme pour sa part que les enseignants devraient se rallier à la position du gouvernement, « s’ils ont vraiment à cœur l’intérêt des enfants et non pas une augmentation de salaire »[1]. La tension entre le gouvernement et les acteurs du réseau de l’éducation est palpable. Le groupe Je protège mon école publique estime qu’ « environ 20 000 parents et enfants se sont donné la main autour de 270 écoles partout au Québec, quelques minutes avant la rentrée scolaire »[2] du 1er septembre 2015, afin de dénoncer les effets de l’austérité en éducation. Le ministre de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, François Blais, a vite fait de dénoncer la situation, jugeant qu’il s’agissait d’une « utilisation des enfants »[3], eux qui ne « devraient pas être mêlés à la politique »[4].

L’idée d’abolir les commissions scolaires actuelles circule quant à elle depuis 2007, et la réforme qui s’annonce s’inscrit dans la logique d’austérité du gouvernement. Les commissions scolaires se trouvent entre l’arbre et l’écorce : d’une part, on exige d’elles des performances desquelles dépendent leur survie, et d’autre part l’ampleur des coupes rend difficile l’atteinte de leur mission éducative. Le projet de loi no 86, déposé à l’Assemblée nationale le 4 décembre 2015, propose d’importantes modifications à la gouvernance des commissions scolaires. Si leur abolition pure et simple n’est pas chose faite, la transformation du réseau est bel et bien en cours.

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