Par Jules Racine St-Jacques, candidat au doctorat  en histoire à l’Université Laval

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Le père Georges-Henri Lévesque, o.p., lorsqu'il était membre de la Commission Massey. Division des archives de l’Université Laval – P151/D/5/5,4 Fonds Georges-Henri Lévesque – Photos relatives à la Commission royale d’enquête sur l’avancement des arts, lettres et sciences au Canada. – The National Film Board - 1949.

Le père Georges-Henri Lévesque, o.p., lorsqu’il était membre de la Commission Massey.
Division des archives de l’Université Laval, P151/D/5/5,4, Fonds Georges-Henri Lévesque, 1949.

Selon toute apparence, la Charte des valeurs québécoises retiendra l’attention des élus cet automne. Et il semble bien que le nœud du problème repose dans l’article qui traite des signes ostentatoires des employé-e-s de l’appareil étatique et paraétatique (écoles, hôpitaux, CEGEP, universités, etc.). On ne s’étonnera pas de ce que la lutte pour la laïcité publique ait des racines fort anciennes au Québec et qu’il se soit trouvé, parmi les catholiques des XIXe et XXe siècles, des laïques[1] plus hardis qui aient souhaité que l’Église manifeste sa présence au monde de manière moins oppressante. Ne pensons qu’aux querelles entre catholiques libéraux et ultramontains durant la seconde moitié du XIXe ou, sur un registre plus radical, aux vilipendes anticléricales des T-D Bouchard, Eugène L’Heureux ou Jean-Charles Harvey au siècle suivant. En revanche, on sera peut-être surpris d’apprendre que l’idée d’un espace public déconfessionnalisé revient notamment à des hommes d’Église.

Au mois de décembre 1945 paraît dans la revue de coopération Ensemble! un court texte du père Georges-Henri Lévesque intitulé « La non-confessionnalité des coopératives ». Fondateur en 1938 de l’École des Sciences sociales de l’Université Laval, fondateur en 1940 du Conseil supérieur de la coopération, cet intellectuel engagé porte de nombreux chapeaux. Lorsqu’il publie son article, cependant, c’est en sa qualité de religieux qu’il se prononce. En ces années, comme il s’en souviendra plus tard, « ça prend un curé[2] » pour affirmer les choses qu’il a à dire. Son propos est fort simple. Invoquant la Somme théologique de saint Thomas, le père Lévesque rappelle que la confessionnalité – entendu ici comme la manifestation extérieure de la foi intérieure – est un « principe affirmatif » qui, bien qu’il oblige toujours le croyant, ne l’oblige pas à tout instant[3]. Il est des circonstances où elle n’est pas de mise. Il faut confesser sa foi lorsque, par exemple, ne pas la confesser pourrait porter à croire qu’on n’en a pas. À l’inverse, si la manifestation de sa foi trouble l’ordre de la Cité, alors il convient de ne pas la confesser.