Par Martin DONLEFACK, Université de Yaoundé I (Cameroun)

Résumé

Dans de nombreux États africains sub-sahariens d’obédience religieuse chrétienne et musulmane, il s’est développé une vision politique qui a divisé les territoires nationaux en zones d’influence chrétienne et musulmane. Ce nouveau climat politique est intimement lié à l’expansion de l’islam au début du XIXe siècle et à l’avènement de la colonisation à la fin du même siècle. Après le départ du colonisateur vers la moitié du XXe siècle, ce clivage politique a favorisé une effervescence des conflits islamo-chrétiens. Aujourd’hui, le dialogue islamo-chrétien est devenu un impératif pour promouvoir la paix et la stabilité sociales. Toutefois, jusqu’à la fin du XIXe siècle, les Grassfields du Cameroun étaient encore un milieu incognito à l’islam et au christianisme. L’ironie du sort a voulu que les deux religions y pénètrent au même moment et pratiquement dans le même contexte. À travers une analyse critique de la littérature écrite faite d’ouvrages généraux, d’articles universitaires et autres documents portant sur l’islam et le christianisme, nous proposons d’évaluer les rapports entre l’islam et le christianisme dans les Grassfields du Cameroun entre 1895-1990. Il s’agit de déterminer l’impact des dynamiques socio-politiques et économiques sur la transformation des mentalités, des perceptions et des préjugés religieux.

Mots clés 

christianisme ; méfiance ; dialogue ; Grassfields ; islam. 

Introduction

Selon les musulmans, la croyance à un seul Dieu est ce qui distingue radicalement leur religion des autres, et même du christianisme qui se caractérise par son dogme de la Trinité. L’expansion de l’islam a toujours inquiété les chrétiens. Cette inquiétude est liée à l’arrivée tardive et aux volontés expansionnistes de l’islam. Elle rappelle aux consciences européennes et surtout chrétiennes les affres de la pénétration musulmane en Europe, la prise de Jérusalem en 1076 et la bataille de Vienne en 1683[1].

En Afrique, les grands épisodes de l’histoire de la colonisation et de l’islam n’ont pas permis d’identifier une véritable rupture entre les faits religieux et socio-politiques qui ont à un moment donné pris le devant de l’actualité sur ce continent. Au niveau du Cameroun, l’influence des lamibé[2] a négativement affecté les conquêtes et l’administration coloniale au Nord et par conséquent l’expansion du christianisme dans cette partie du pays[3]. Contrairement au Sud Cameroun, l’administration de cette partie du territoire a connu, pour les grandes étapes de l’occupation coloniale, une administration dite indirecte. Le choix de ce système d’administration est lié à la rigidité des sociétés musulmanes par opposition aux autres groupes socio-culturels présents au Cameroun et à la difficulté des impérialistes européens d’y imposer de véritables bases de la politique d’assimilation.