Par Mathieu Lapointe, Université McGill

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L’actualité politique québécoise a été agitée, ces dernières années, par une recrudescence des soupçons vis-à-vis des gouvernants et de leur gestion de la chose publique, à Montréal comme ailleurs en province. Pas une semaine ne semble passer sans que les limiers des médias ou les partis d’opposition ne reniflent des odeurs de corruption ou ne révèlent des affaires franchement scandaleuses, dans un registre assez large allant de l’éthique douteuse aux malversations criminelles, avec l’implication parfois visible du crime organisé.

Comme Montréal semble au cœur de ces affaires scandaleuses, plusieurs intervenants évoquent la «ville ouverte» d’avant l’ère Drapeau et l’enquête Caron qui aurait lancé un grand ménage de la politique dans la métropole. Les débats publics actuels rappellent d’ailleurs l’effervescence scandalisée des années 1950, dans laquelle se sont préparées les réformes de la politique québécoise qui paraissent actuellement mises à mal par diverses tactiques de contournement. Avec une rare quasi-unanimité à travers la société québécoise, des représentants des mondes policier, judiciaire, syndical, patronal, politique, intellectuel et associatif réclament une enquête complète pour aller au fond des choses, même si les avis divergent sans surprise sur la définition de son mandat (liens entre la politique et le milieu de la construction, financement du Parti libéral, etc.). Malgré les scandales successifs et le mécontentement de l’opinion publique, le gouvernement Charest résiste et se retranche derrière la prérogative légale qui réserve à l’exécutif le pouvoir de déclencher une enquête et de délimiter son mandat. Comme néanmoins il est de mauvaise politique de sembler s’obstiner à ne rien faire, un gouvernement assiégé peut être tenté d’instituer une commission d’enquête sur un enjeu périphérique, histoire de détourner l’attention du public et de gagner du temps. C’est, de l’avis de plusieurs, ce qu’a fait le gouvernement Charest en instituant en 2010 la Commission d’enquête sur le processus de nomination des juges (présidée par l’honorable Michel Bastarache).