Philippe Volpé, candidat à la maîtrise en histoire à l’Université Laval
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Hé! Regarde-moi donc ça : une pomme, deux oranges, une poignée de Klondykes, deux dix cents puis 5 cents en cents. Non, mais ça se peut-y-ça? Juste pour moi? Hé pis le matin de Noël à part de ça! […] Ça, c’est d’être heureux! Merci mon Ti-Jésus. […]
Par ces paroles, Nestor, personnage créé par l’acteur et le chanteur québécois Claude Blanchard, exprime bien ce que nombre de nostalgiques envient à un soi-disant Noël d’antan. Un Noël qui, selon eux, était bien éloigné de la commercialisation que la société moderne a faite de cette fête. Une commercialisation qui, toujours selon leurs dires, aurait détourné Noël des «vraies» valeurs traditionnelles et l’aurait amené à devenir synonyme d’abondance. Cela dit, ces derniers devraient toutefois se détromper puisque, comme l’affirmait le sociologue et historien Julien Massicotte dans l’une de ses chroniques du journal Le Madawaska en 2011, il est faux de croire que cet encouragement à la consommation qui prend place autour de la fête de Noël est de création récente.
C’est en effet au cours du deuxième quart du 19e siècle que la création d’un Noël nouveau et qu’une réinvention de la tradition s’est opérée par le biais de la presse et des marchands du temps. Comme le soutient le sociologue Jean-Philippe Warren dans son ouvrage Hourra pour Santa Claus!, cette modulation qu’a subie la fête de Noël s’est forgée autour de deux batailles au Canada français. D’une part, Noël en est venu à supplanter le jour de l’An comme fête par excellence des Canadiens français. D’autre part, «Santa Claus» s’est substitué au «petit Jésus» comme pourvoyeur des étrennes et comme figure emblématique du temps des fêtes.