Par Rafael Lavergne, étudiant à la maîtrise en Histoire à l’Université de Montréal

Un enfant à l’asile, Vie de Paul Taesch (1874-1914) est un ouvrage qui multiplie les voix et regards sur la vie d’une seule personne, Paul Taesch, pour donner une vision complète et complexe de l’histoire de psychiatrie infantile de la fin du XIXe siècle en France. En partant du cas de Paul Taesch, un illustre inconnu, Anatole LeBras désenclave une histoire de la psychiatrie qui souffre d’être trop institutionnelle en faisant intervenir les humains dans son récit de l’internement asilaire. Spécialiste de l’internement dans les asiles d’aliénés dans la seconde moitié du XIXe siècle en France, Le Bras s’intéresse ici à l’histoire de la psychiatrie infantile au travers du parcours d’un enfant qui fut interné. Cette œuvre réussit à se détacher de la figure de l’aliéné comme marginalisé par excellence, cela sans tomber dans un misérabilisme pathétique. Ainsi, il en découle l’écriture d’une histoire de la psychiatrie et de l’enfance marginale qui bourgeonne de nouveauté par le renouvellement historiographique que le livre représente grâce à son côté immanquablement humain. Paul Taesch est un prétexte pour approfondir notre connaissance de la seconde vague d’intérêt de la psychiatrie française pour l’enfance[1] et d’un moyen narratif de revendiquer une nouvelle histoire de la folie qui sera le plus près possible de l’expérience des interné.e.s. Ainsi, par cette biographie à plusieurs voix, Le Bras fait entrer Paul Taesch, ce quidam qui aurait très bien pu rester à jamais inconnu, dans le récit historique, se refusant à le confiner dans son exceptionnalisme pédopsychiatrique.