Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

Catégorie : Adèle Clapperton-Richard

Où sont les femmes?

Christine Chevalier-Caron, Stéphanie Lanthier, Camille Robert, Adèle Clapperton-Richard, Camille Gauvin, Catherine Larochelle et Marilou Tanguay responsables du dossier thématique[1]

Appel à contributions

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Depuis la fin des années 1960 et le début des années 1970, moment où des historiennes ont commencé à montrer que « les femmes sont dans l’histoire, les femmes ont une histoire et les femmes font l’histoire » (Dumont, 2001), le champ de l’histoire des femmes et du genre a grandement évolué. Après avoir publié un premier dossier visant à contrer l’occultation des femmes des récits historiques, nous souhaitons aujourd’hui poursuivre la discussion sur l’histoire des femmes, du genre et des féminismes, en abordant les défis et enjeux – épistémologiques, méthodologiques, archivistiques, institutionnels, etc. – propres à ces champs d’étude.

Malgré l’effort de nombreuses chercheuses qui ont montré l’importance de questionner à nouveau les postulats historiques au prisme de nouvelles grilles méthodologiques et conceptuelles, des défis restent à surmonter. En effet, l’occultation des femmes des récits historiques, particulièrement éloquente en ce qui a trait aux femmes non-blanches, qui en plus d’être invisibilisées et silenciées, sont souvent instrumentalisées au profit de l’histoire des femmes blanches (Éwanjé-Épée et Magliani-Belkacem, 2012; Vergès, 2017), le manque de visibilité des travaux des historiennes[2] ainsi que les obstacles que l’on peut rencontrer dans la recherche en histoire des femmes (rareté des sources, manque d’outils et de soutien institutionnels), sont toujours omniprésents au sein de la discipline.

L’histoire des femmes et du genre et l’histoire des féminismes ne sont pas que des manières d’étudier le passé, ce sont des outils qui permettent de poser un regard critique sur le présent et des avenues pour imaginer l’avenir autrement. Nous croyons que ces histoires doivent être problématisées à l’aune d’enjeux divers liés aux rapports de pouvoir, rapports genrés, évidemment, mais aussi raciaux et économiques. Les pistes de réflexion que nous souhaitons investir sont larges et diversifiées et elles s’inscrivent dans des champs spatio-temporels variés. Voici une liste non-exhaustive de thématiques pouvant être envisagées :

  • Nouvelles perspectives en histoire des femmes/histoire du genre/histoire genrée;
  • Histoire des féminismes;
  • Femmes et éducation(s);
  • Femmes et mouvements sociaux;
  • Femmes et immigration(s);
  • Femmes autochtones;
  • Femmes et sports;
  • Femmes et médias;
  • Dialogues entre plusieurs générations d’historiennes féministes;
  • Représentations de figures féminines et/ou féministes historiques dans la culture populaire (télévision québécoise, télé-séries, films, jeux-vidéos, musique, littérature…);
  • Mémoire(s) de l’histoire des femmes;
  • Vulgarisation de l’histoire des femmes;
  • Féminisme et université;
  • Enjeux méthodologiques et épistémologiques de l’histoire des femmes et/ou de l’histoire des féminismes

HistoireEngagee.ca vous invite à proposer une contribution concernant l’histoire des femmes et du genre et/ou l’histoire des féminismes. Ces contributions peuvent prendre plusieurs formes : des articles de fond (évalués par les pairs, à l’aveugle), de courts textes, des prises de position, des recensions ou des entrevues.

Nous attendons vos propositions de textes (200-350 mots) à l’adresse suivante : contributions@histoireengagee.ca. La mise en ligne des contributions est prévue pour l’automne 2018 et l’hiver et le printemps 2019. Le dossier demeurera toutefois ouvert aux propositions de contributions. Vous trouverez de l’information sur nos balises de rédaction et directives de soumission en cliquant ici.


[1] Ont aussi participé à la coordination de ce dossier : Pascal Scallon-Chouinard et Margot Blanchard.

[2] À ce sujet, voir une critique parue à l’automne 2017 « Chercher l’absence des femmes » (en ligne) http://histoireengagee.ca/chercher-labsence-des-femmes/  et la récente initiative Women Also Know History (en ligne) https://womenalsoknowhistory.com/, dédiée à la promotion du travail et des recherches des historiennes spécifiquement.

 

Femmes et/en histoire : savoirs et combats

Par Christine Chevalier-Caron et Adèle Clapperton-Richard,  candidates au doctorat et à la maîtrise en histoire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Andrée Lévesque, historienne et professeure émérite de l’Université McGill, Micheline Dumont, historienne et professeure émérite de l’Univeristé de Sherbrooke) et Magda Fahrni, historienne et professeure  à l’Université du Québec à Montréal (UQAM)

Cette table-ronde, qui s’est tenue à  la librairie Zone Libre le jeudi 8 mars 2018, dans le cadre de la Journée internationale des femmes, a réuni Christine Chevalier-Caron, candidate au doctorat en histoire à l’UQAM et coordinatrice au Groupe de recherche Histoire, femmes, genre et migrations, Adèle Clapperton-Richard, candidate à la maîtrise en histoire à l’UQAM, Micheline Dumont, historienne et professeure émérite de l’Université de Sherbrooke et Andrée Lévesque, historienne et professeure émérite de l’Université McGill. La discussion a été animée par Magda Fahrni, historienne et professeure en histoire à l’UQAM.

Re-visiter le récit colonial au musée et au théâtre : l’histoire de la conquête de l’Ouest et le western à Montréal

Par Adèle Clapperton-Richard, candidate à la maîtrise en histoire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et membre du comité éditorial

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Les commémorations publiques ont dernièrement fait l’objet de vives polémiques[1]. Ces débats ont pris une ampleur significative dans le cadre, notamment, des festivités du 150e anniversaire du Canada ou du 375e de la ville de Montréal. Des historien.ne.s, des militant.e.s, des artistes, entre autres, ont critiqué l’homogénéité des points de vue dans la sélection des faits et des événements publiquement commémorés[2]. Certain.e.s ont même proposé des façons d’envisager la commémoration autrement[3]. Tous ces débats sont issus d’un terreau commun : celui des questions identitaires, des représentations sociales et culturelles, et surtout, de leur poids dans la mémoire collective. Force est de constater que de nouvelles voies de remémoration des événements ou des personnages « importants » de l’histoire nous sont offertes. Les milieux culturels et artistiques sont sans aucun doute des espaces de diffusion et de transmission de contenus historiques. Ils participent directement, dans des registres ayant souvent une plus grande portée que ceux de la communauté historienne, au processus de médiation de l’histoire dans l’espace public. Les possibles dérives de telles médiations, qui parfois tombent dans la promotion d’une mémoire au service d’un récit historique biaisé et dominant, peuvent être à craindre. Il faut toutefois se réjouir lorsqu’elles permettent le déploiement d’une narration aux contenus diversifiés, critiques et hors des schèmes conventionnels.

À ce titre, deux espaces culturels distincts nous invitent – ou plutôt nous ont invité, dans l’un des cas – à revisiter l’histoire et l’imaginaire de l’Ouest : le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) et le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui (CTD’A). Le premier présente l’exposition Il était une fois… le Western : une mythologie entre art et cinéma jusqu’au 4 février 2018; la pièce Le Wild West Show de Gabriel Dumont était à l’affiche aux mois d’octobre et novembre derniers au CTD’A. En nous plongeant dans l’univers du western et des spectacles de type « wild west », le MBAM et le CTD’A remettent en question les grands récits nationaux américain et canadien, ainsi que les mythes qui les ont façonnés. Je me propose ici de présenter les perspectives critiques mises de l’avant tant par l’exposition que par la pièce. Non seulement ces propositions sont abordées à travers des thématiques similaires, mais elles permettent de mettre de l’avant une vision qui déboulonne la trame narrative d’une histoire nationale mettant en valeur les hommes blancs, leurs exploits militaires, et les événements politiques liés à l’idéologie coloniale. L’exposition du MBAM étant plutôt dense, la part d’analyse qui y est accordée ici est plus large.

Chercher l’absence des femmes

Par Adèle Clapperton-Richard, candidate à la maîtrise en histoire à l’UQAM et membre du comité éditorial, et Camille Robert, candidate au doctorat en histoire à l’UQAM et collaboratrice pour HistoireEngagee.ca

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Crédit: Pierre Guinoiseau (Flickr).

Le 20 octobre dernier à la Grande Bibliothèque, une table ronde s’est tenue avec, pour thème, « Les défis de l’historien dans l’espace public ». Le masculin « historien », dans ce cas-ci, ne visait pas seulement à « alléger » le texte. Il se concrétisait par le fait que quatre hommes – dont les deux organisateurs de cette table ronde – ont pris la parole, devant une salle comble, pour réfléchir aux enjeux de l’histoire et de ses usages hors de la sphère universitaire. Si une femme a eu accès à cette séance plénière, c’est parce qu’on lui en a confié l’animation. Il n’a été question, à aucun moment, des défis des historiennes, et particulièrement des historiennes des femmes, dans la diffusion de connaissances à un large public. En plein cœur du Mois de l’histoire des femmes, et au terme d’une semaine forte en prise de parole féministe, cette omission était frappante. Force est de constater que la célébration de ce mois est passée pratiquement inaperçue.

À l’occasion du 150e de la Confédération, le ministère de la Condition féminine du Canada nous invitait à souligner le Mois de l’histoire des femmes, en mentionnant qu’il s’agissait de « l’occasion pour tout le pays de reconnaître les pionnières d’ici et de célébrer les réalisations des Canadiennes de tous âges qui ont contribué à faire du Canada ce qu’il est aujourd’hui ». Avec le mot-clic #prendresaplace, on souhaitait alors « célébrer les réussites des femmes et des filles qui ont profondément marqué notre pays et qui ont mérité leur place dans les livres d’histoire ». Ici, il n’était pas question d’histoire des femmes, mais de certaines femmes. Face à l’absence totale des historiennes d’un débat sur « l’espace public » et à la célébration de certaines pionnières exceptionnelles, nous avons identifié une série de problèmes liés à la pratique et à l’utilisation de l’histoire des femmes qui, selon nous, freinent sa juste valorisation.

« Histoire et éducation à la citoyenneté » : brève réflexion critique sur les contenus du programme et d’un manuel de 3e secondaire

Par Adèle Clapperton-Richard, candidate à la maîtrise en histoire à l’UQÀM et collaboratrice pour HistoireEngagee.ca

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Salle de cours vide. Crédit : Alexandre Laurin (Flickr).

Salle de cours vide. Crédit : Alexandre Laurin (Flickr).

On sait bien que l’histoire, particulièrement depuis son intégration officielle dans le champ des sciences sociales vers le milieu du XIXe siècle, a évolué en fonction de changements théoriques et épistémologiques majeurs. Corollaires d’un mode de pensée prôné par des courants historiographiques bien précis, ces renouvellements de la discipline historique ont orienté non seulement la manière de faire de l’histoire, mais aussi de l’enseigner. En Occident, particulièrement en France, la connaissance historique a été réfléchie dans les bureaux ministériels avant de se retrouver dans les salles de classe. On pourrait affirmer qu’il en a été sensiblement de même avec la réforme de l’école québécoise, amorcée au début du XXIe siècle et officiellement implantée dans la formation secondaire en 2005[1]. Ce renouveau pédagogique se voulait d’abord la concrétisation d’un projet éducatif national parrainé par l’État.

Par la priorisation des compétences et la valorisation des réalités sociales, le programme d’« Histoire et éducation à la citoyenneté » ainsi mis sur pied s’arroge la mission d’« […] aider les élèves à développer une éthique citoyenne considérée dans ses dimensions sociales et politiques[2]». Cet enseignement de l’histoire, à travers le primat de la pensée narrative, devient en quelque sorte une « […] propédeutique du social, de sa diversité, de ses structures et de son évolution[3]. » La mise en récit qui en découle semble parfois frôler l’apologétique, et cette apparence de consensus historiographique paraît obscurcir les réels débats entourant l’étude des phénomènes du passé. Cet énoncé polémique ne fait certes pas l’unanimité ; il n’en demeure pas moins qu’une réflexion critique à propos du contenu lié aux exigences dictées par le programme « Histoire et éducation à la citoyenneté » ne peut que soulever certains aspects problématiques, liés non seulement à des lacunes historiques dans la matière en tant que telle, mais également à la manière avec laquelle celle-ci est présentée.

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