Par Kathleen Durocher, Université d’Ottawa

Publié en 2019 aux éditions du Fleurdelysé, Femmes et toponymie paraît à une époque où l’enjeu de la parité homme-femme est dans l’air du temps. Parallèlement, la remise en question de la pertinence certains personnages masculins honorés dans l’espace public nous amène aussi à reconsidérer l’idée du mérite en ce qui a trait à la toponymie. Rédigé par Sarah Beaudoin, conseillère en communication, et Gabriel Martin, linguiste, une autrice et un auteur engagé.e.s dans différentes causes féministes, notamment liées à la toponymie[1], cet ouvrage assez bref de ses 125 pages est riche en contenu et en profondeur. Malgré l’intérêt grandissant pour la question, le travail de Beaudoin et Martin est le premier ouvrage offrant un tour d’horizon de la place des femmes au sein de la toponymie québécoise. Cette publication s’intéresse à la fois aux aspects historiques et contemporains de cet enjeu ainsi qu’à ses avancées et défis à venir. De manière agile et efficace, ce livre nous offre une vue d’ensemble accompagnée d’exemples précis et concrets à l’appui. Au final, Femmes et toponymie offre une première monographie entièrement dédiée à cette problématique, une publication qui « représente un jalon, qui contribue à consacrer l’importance d’un enjeu parfois négligé. (p. 3) »
Pour ce faire, cet ouvrage se divise en cinq sections distinctes. L’historique de la parité toponymique au Québec se fait d’entrée de jeu (chapitre 1), suivi d’un inventaire de mythes et de réticences face à l’intégration accrue de noms féminins (chapitre 2) puis de la proposition d’une banque de toponymes potentiels et la Charte pour une toponymie paritaire (chapitre 3 et 4). Le tout se conclut par un épilogue féministe rédigé par Sarah Beaudoin.
La perspective historique présentée s’attarde à deux cas particuliers, Montréal et Sherbrooke. Ceux-ci illustrent les progressions et les défis rencontrés pour une plus grande prise en compte des femmes dans la toponymie québécoise. Sans remonter le long parcours de l’évolution toponymique en sol québécois, l’auteur et l’autrice soulèvent les progrès observés depuis les années 1980, en particulier dans la dernière décennie.
Dans « Montréal est-elle bien une femme? », l’auteur et l’autrice nous invitent à revoir l’histoire récente du débat entourant la parité toponymique à Montréal, principalement à partir de 2014 lorsque les conseillères Érika Duchesne et Valérie Plante se sont emparées du dossier. Le 375e anniversaire de la Ville sert alors de contexte propice pour faire progresser la parité toponymique, notamment avec la banque Toponym’Elles qui voit le jour. Dès lors, Montréal « devient la première municipalité québécoise à s’attaquer vigoureusement et avec éclat à la question de la féminisation de sa toponymie (p. 19) ». D’autres projets s’ensuivent, par exemple avec les noms potentiels pour une éventuelle ligne rose dans le métro de Montréal. De plus, plusieurs noms de femmes se sont depuis ajoutés aux paysages urbains.