Charles Roach : combattant, prince et serviteur de son peuple

Publié le 3 mars 2020

Affiche : Naomi Moyer
Texte : Barrington Walker
Traduction : Marie-Laurence Rho

En 1988, l’iconoclaste Charles Roach s’est lancé dans une bataille contre le gouvernement canadien pour abolir le serment à la Reine comme condition à l’obtention de la citoyenneté canadienne. En 1992, son cas avait été rejeté en Cour d’appel, mais en 2012, Roach, qui était alors gravement malade, s’est lancé à nouveau dans une procédure similaire : « Je ne me vois pas prêter serment à un symbole raciste… Ça va à l’encontre des libertés fondamentales », disait-il. La lutte de Roach pour les libertés fondamentales et son indignation face à l’idée de devoir prêter allégeance à un monarque britannique – une figure qui représente pour lui la colonisation et l’esclavage – caractérise le travail d’une vie pour celui qui est devenu l’un des activistes pour les droits civiques les plus importants au Canada.

Roach est arrivé au Canada en 1955, à une époque où la politique d’immigration canadienne, basée sur une échelle de sélection raciale et ethnique, ouvrait ses portes à un nombre restreint de personnes d’ascendance africaine, à moins qu’elles soient considérées comme présentant un « mérite exceptionnel ». L’arrivée de Roach au Canada coïncide avec la montée du militantisme pour les droits civiques en Amérique du Nord et avec les mouvements d’indépendance postcoloniaux qui ont touché l’Afrique, l’Amérique latine et les Caraïbes.

Roach a laissé sa Trinité natale à ce moment-là pour se diriger vers l’Université de Saskatchewan, suivant son envie d’étudier la théologie pour devenir membre du clergé. Peu de temps après son arrivée au Canada, ses plans ont changé. Roach avait finalement décidé que les tribunaux seraient un lieu plus efficace que l’Église pour œuvrer au changement social auquel il aspirait. Après avoir étudié les droits de la personne à l’Université de Toronto et en s’inscrivant dans une longue lignée de deux siècles d’activisme noir au pays, Roach s’est engagé, pour le reste de sa vie, à pousser le Canada à être fidèle à ses idéaux de « société juste ». Roach est devenu membre du barreau en 1963, a cofondé Caribana – un festival tenu à Toronto pour célébrer la culture caribéenne – en 1967, a commencé sa pratique en 1968 et est devenu membre du North American National Council of Black Lawyers (NCBL) en 1969.

Roach est aussi l’un des membres fondateurs du Black Action Defence Committee (BADC). Le BADC a été formé suite au meurtre de deux hommes noirs par la police de Toronto en 1978-1979 : Buddy Evans et Albert Johnson. Aux côtés d’autres figures phares du mouvement pour les droits civiques au Canada – Dudley Laws, Sherona Hall et Lennox Farrell – Roach a fondé le comité pour dénoncer publiquement la violence et la brutalité policières. Les pressions exercées par le BADC ont finalement mené à la formation de l’Unité des enquêtes spéciales de Toronto, un organisme de surveillance qui joue encore aujourd’hui un rôle important en ayant à l’œil la conduite de la police dans la ville.

Cette longue liste d’accomplissements ne parvient pas à rendre justice à la grandeur de cet homme et à son importance pour le Canada, pour la ville de Toronto et pour ses citoyens. Le 2 octobre 2012, à l’occasion de la mort de Charles Roach, plusieurs ont tenté d’exprimer tout ce qu’il représentait pour eux. Des mots comme « courageux », « brillant » et « gentil » étaient employés pour décrire Charles Roach, ce combattant, prince et serviteur de son peuple.

Texte sur l’affiche :

« Ne prêtez pas serment à la légère; vous devez y croire ».

Biographies

Naomi Michelle Moyer est une artiste et écrivaine multidisciplinaire autodidacte dont le travail explore souvent les thèmes de la communauté, des perceptions reliées au fait d’être noir.e, des histoires de la diaspora africaine et de la façon dont elles sont reliées à l’expérience noire. Naomi est connue pour son zine Black Women and Self Care : Thoughts on Mental Health, Oppression & Healing et, plus récemment, pour sa série d’impressions Black Women in Canada qui rend hommage à certaines des féministes noires canadiennes les plus radicales de 1793 à 2006. Le travail de Naomi découle d’une collaboration avec des organisations et des éditeurs locaux et de la conception d’affiches, de t-shirts et d’illustrations qui portent sur les thèmes de la résistance et de l’empowerment.

Barrington Walker est professeur associé au département d’histoire de l’Université Queen’s et historien en histoire canadienne qui s’intéresse aux Noir·e·s, à la race, à l’immigration et au droit. Son travail cherche à tracer les contours de la modernité canadienne en étudiant l’émergence du Canada comme un État racial par le biais de ses histoires de suprématisme blanc, d’esclavage, de colonisation/immigration, de ségrégation et d’application des lois Jim Crow.


Pour en savoir plus

Austin, David. Fear of a Black Nation: Race, Sex, and Security in Sixties Montreal. Toronto: Between the Lines Press, 2013.

Ligaya, Armina. “Activist doesn’t let tumour or stroke stop his battle to remove Queen allegiance oath as citizenship requirement.” National Post, May 30, 2012. http://nationalpost.com/news/activist-doesnt-let-tumour-or-stroke-stop-his-battle-to-remove-queens-allegiance-oath-as-citizenship-requirement.

Ontario Federation of Labour. “Charles Roach.” http://ofl.ca/charlesroach/.

Ryerson University. “50 Years of Black Activism.” Akua Benjamin Project. Video, 36:53. https://www.ryerson.ca/akua-benjamin-project/watch-50-years-of-black-activism/.

Walker, Barrington, ed. The History of Immigration and Racism in Canada: Essential Readings. Toronto: Canadian Scholars’ Press, 2008.