Chronique éditoriale 1. Les formes de l’histoire engagée

Publié le 19 janvier 2017

Par Bernard Ducharme, membre du comité éditorial

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HistoireEngagee.ca souhaite profiter de ce début d’année 2017 pour inaugurer une nouvelle rubrique éditoriale. L’éditorial a pour but d’offrir des repères aux lectrices et aux lecteurs; l’éditorialiste, quant à lui, informe sur l’état des publications, sur les liens de celles-ci avec l’actualité, puis en propose une synthèse. Afin d’adapter cette formule au format d’HistoireEngagee.ca, nous souhaitons offrir des éditoriaux récapitulatifs qui seront publiés à trois occasions durant l’année.

Ce n’est pas une mince tâche pour moi que de me commettre pour cette première. En effet, l’année 2016, en général, et l’automne en particulier, ont été des périodes fastes pour HistoireEngagee.ca : notre rythme de publication n’a jamais ralenti et c’est d’une vingtaine de publications qu’il me faut aujourd’hui rendre compte. Ce bon rythme de publication s’explique par plusieurs facteurs. En premier lieu, HistoireEngagee.ca a, au cours de la dernière année, partiellement renouvelé son comité de rédaction, combinant le sang neuf et l’expérience. Elle a également lancé, le 8 février 2016, une section dédiée à notre équipe de collaborateurs et de collaboratrices réguliers et régulières, qui a récemment connu une nouvelle addition en la personne d’Adèle Clapperton-Richard dont nous reparlerons bientôt. Cela a contribué à fournir de nombreux textes, tandis que nos membres les plus expérimentés ont pu faire en sorte que les procédures d’organisation se maintiennent. Un second motif du succès de cet automne est la formule des dossiers thématiques, qui existait auparavant, mais qui a été employée plus systématiquement au cours de l’année qui vient de s’écouler. Par le biais d’appels à contributions, nous sommes parvenus à obtenir une série de textes sur des thèmes communs. Ces dossiers sont souvent pilotés à la fois par des membres internes et externes à notre équipe régulière, ce qui contribue à diversifier nos compétences et à enrichir notre capacité à gérer les textes reçus. Les dossiers d’HistoireEngagee.ca demeurant toujours ouverts, il n’est pas exclu que nous ajoutions des textes à ces dossiers, et ce, même si l’appel à contributions d’origine est dépassé.

Cet automne, pas moins de quatre dossiers ont été activement nourris de nouvelles contributions:

  • Le dossier « Les héritages de la Révolution tranquille », piloté à l’externe par Marie-Andrée Bergeron et Vincent Lambert, propose une série de textes nous amenant à réfléchir sur la place occupée par le phénomène mémoriel de la Révolution tranquille, de même que sur notre manière d’appréhender notre présent et notre futur.
  • Le dossier « Où sont les femmes ? », piloté à l’interne par Christine Chevalier-Caron, Stéphanie Lanthier, Pascal Scallon-Chouinard et notre collaboratrice Camille Robert, puis à l’externe par Margot Blanchard et Camille Gauvin, est un dossier qui vise à apporter de nouvelles contributions à la lutte contre l’invisibilisation des femmes en histoire.
  • Le dossier « Afro-Amériques: résistances, histoires et mémoires », piloté à l’interne par Christine Chevalier-Caron et Pascal Scallon-Chouinard, puis à l’externe par Alexandre Aubé-Côté, Jacqueline Garriss et Thomas Gariss, a pour objectif d’éclairer les répercussions et les persistances des phénomènes liées à l’esclavage et à l’oppression des communautés noires des Amériques.

Tâchons maintenant de présenter brièvement les textes publiés depuis le 1er septembre. Nous ne procèderons ni par ordre chronologique de publication ni par classement en dossiers, mais bien en tentant de dégager sommairement les types de raisonnement qui sous-tendent « l’histoire engagée » chez nos auteurs et autrices. La question se pose en effet: qu’est-ce qu’une histoire « engagée »? L’une de nos autrices de cet automne, Andrée Rivard, soulignait avec pertinence que le qualificatif entraîne trop souvent le soupçon sur l’histoire. Elle revendiquait l’héritage de Marc Bloch, « conscience et contrôle dans l’observation des phénomènes valent cent fois mieux que le joug de l’inconscience de la soumission aux évidences, mirages d’une certaine neutralité ». Suivant cette réflexion, je maintiendrai, pour ma part, que toute histoire est engagée du simple fait qu’elle existe. En effet, en produisant un savoir sur le monde, l’histoire façonne notre vision du monde, comme le fond également la mémoire et les mythes. Elle influe par conséquent sur notre manière de vivre et d’agir. Les histoires les plus pointues sur les sujets les plus obscurs peuvent nous paraître bien éloignées de nos préoccupations quotidiennes, elles n’en seront pas moins lues, utilisées et citées par les historiens.nes et autres intellectuels.les qui écriront des textes plus proches de nos préoccupations. Mais si toute histoire est une histoire engagée, pourquoi alors y consacrer, spécifiquement toute une revue ? J’avancerai ici que ce qui fait la spécificité d’une histoire que nous qualifions d’engagée est sa capacité à expliciter son engagement, autrement dit à formuler clairement le rapport entre son objet d’étude et les préoccupations actuelles. Ces stratégies d’explicitations apparaissent dans tous nos textes, et nous tâcherons maintenant d’en montrer les principales familles.

Nous retrouvons d’abord ce que je qualifierais de « raisonnement par analogie », dans lequel nos inquiétudes nous renvoient à une époque que nous percevons comme similaire à la nôtre. Ce procédé repose sur le rapprochement entre le présent et une époque passée sur la base de similitudes. La mise en valeur de ces similitudes comporte une part de subjectivité qui pourrait susciter la critique, mais l’intérêt principal du procédé est ailleurs. L’époque étudiée permet une « heuristique », c’est-à-dire qu’elle permet de soulever des questions et des pistes de réflexion auxquelles nous n’aurions peut-être pas pensé sans recours à l’analogie. Par ailleurs, en situant la réflexion à une époque reculée, dont nous connaissons bien les antécédents et les suites, elle permet également de nous rappeler que nous vivons nous aussi dans une situation en constante évolution. Elle permet ainsi de formuler quelques « pronostics » au sens que l’historien allemand Reinhardt Koselleck donne à ce mot: un engagement politique qui nous projette dans un futur que nous cherchons à faire advenir[1].

C’est ce type de démarche que nous retrouvons chez Patrick Lacroix, dans son texte « Ce que les années 1850 peuvent nous enseigner », qui rapproche l’économisme actuel à celui des années 1850.  Il souligne que ces périodes dominées par l’économisme ont toutes deux suivies des crises majeures du nationalisme et ont toutes deux connu de grands scandales de corruption. Il nous rappelle que l’économisme n’implique pas forcément la stérilité intellectuelle et qu’il finit toujours par passer. On peut également ranger parmi ces démarches la réflexion que Marin Sorasso-Bluem nous a offert sur la place du sport dans la Grèce antique. L’analogie ne doit rien au hasard, puisque, comme ne manque pas de le souligner l’auteur, c’est la Grèce antique qui a inspiré à Pierre de Coubertin l’idée des Jeux olympiques. Mais davantage que le processus de traduction que ce dernier a pu opérer entre les deux époques, ce qui intéresse notre auteur est d’étudier le rapport grec au sport pour lui-même. En montrant les liens étroits entre la culture du corps, le sport, l’aristocratisme et la pratique de la guerre, il renvoie à nos contemporains un questionnement sur notre propre rapport au sport: que penser de la mise sur un piédestal de nos élites sportives? Que penser de l’organisation nationale des Jeux olympiques? L’analogie soulève ici des questions délicates qu’il appartient à chacun de tenter de résoudre.

Pourtant, si le raisonnement par analogie s’avère assez efficace pour soulever des questions sur le présent et permet de recadrer certains débats actuels, il rencontre assez rapidement ses limites. Cela, nos auteurs le savent bien et toute analogie s’accompagne généralement de balises qui en marquent les limites. L’analogie est un détour qui met la réflexion en marche, mais elle finit toujours par rappeler, en guise de leçon finale, l’une des grandes leçons de l’histoire : l’histoire ne se répète jamais à l’identique. La nouveauté n’est jamais absolue, mais toute situation comporte une part de nouveauté.

Un autre raisonnement que nous retrouvons est celui de la mise à jour de mécaniques sociales. Osire Glacier en offre un bon exemple en montrant que le Maroc souffre d’immobilisme culturel, mais que celui-ci, loin d’être une fatalité inhérente à la culture maghrébine ou à la religion musulmane, est le produit de politiques qui ont été appliquées par l’État. Cette mise à jour des mécaniques sociales, en particulier de leurs racines politiques, permettent de penser l’action collective et son adversaire, tout en nous libérant des préjugés qui contribuent, eux aussi, à nous enfermer dans l’immobilisme. Dans un autre ordre d’idée, le compte-rendu que Cédrik Lampron nous a offert de la journée d’étude « Pouvoir et territoire au Québec – acteurs, enjeux et processus, de 1850 à nos jours » permet d’expliciter comment penser le territoire revient à formuler un système de pouvoir. Il permet alors, à force d’exemples de ce mécanisme, de rappeler que chaque fois que nous parlons de notre territoire, nous mettons en jeu la liberté de ceux qui l’habitent. Andrée Rivard rappelle aussi que l’histoire de l’accouchement permet quant à elle d’observer des pouvoirs se former, l’un médical, l’autre patriarcal. L’observation de la genèse des phénomènes, notamment des pôles de pouvoir, est devenue l’une des spécialités des sociohistoriens.nes, qui se donnent ainsi les moyens de leur enlever leur aura « naturelle » et de les politiser[2].

Une variante de ce procédé est d’analyser les mécanismes de la mémoire elle-même. Ainsi Jean-Philippe Warren nous explique-t-il l’origine et les motifs du succès de l’expression « Révolution tranquille ». Ce faisant, il permet à la fois d’inscrire l’histoire du Québec dans l’histoire du monde, mais aussi de montrer que notre mémoire se construit sur des mécanismes contradictoires, qui permettent à des groupes très différents de s’en emparer pour nourrir leur propre vision du monde. C’est aussi le sens de la recherche d’Alexandre Turgeon sur les « mythistoires » du Québec. Cet historien, devenu ces dernières années l’un des analystes les plus actifs de la mémoire québécoise, offre aux lecteurs et aux lectrices les moyens de comprendre comment nous construisons une mémoire au gré de nos intérêts, par des effets de sélection, de récupération et d’adaptation. Moins strictement orienté sur l’analyse des mécaniques mémorielles, Daniel Letendre nous offre cependant, à travers l’analyse de trois romans récents, une réflexion intéressante sur l’état actuel de la mémoire de la Révolution tranquille, qui à travers le regard de nos écrivains.nes semble bien être une sorte de trompe-l’œil, où ce qui qui se cache dans l’oubli semble davantage intéresser que ce qui nous vient de l’éclat de la période. Voilà, sans doute, un indice de la transformation profonde de la société québécoise actuelle, obligée de repenser tout son rapport au passé.

Une autre variante de ce procédé est de chercher à dégager des « lois historiques », soit à l’échelle du monde, soit à l’échelle d’une nation dont il s’agirait de définir l’âge ou de diagnostiquer la maladie. À l’échelle occidentale, cette démarche s’est surtout épanouie lors de la grande époque de la « philosophie de l’histoire », qui s’est amorcée lors de la crise du monde chrétien et est née du besoin de produire un cadre spirituel de substitution[3]. Dans son commentaire critique du livre Remettre à demain, essai sur la permanence tranquille du Québec, de Jonathan Livernois, Vincent Lambert insiste beaucoup sur ce procédé consistant à explorer l’histoire à la recherche d’un inconscient collectif susceptible d’éclairer nos actes actuels et d’orienter nos actes futurs. Livernois, par son travail sur Papineau et le patriotisme, montrait déjà sa volonté de penser notre rapport à l’histoire pour favoriser, chez ses compatriotes, un état d’esprit qui incite à s’engager dans de nouveaux projets collectifs. Pour lui, analyser le « grand cycle du même » reviendrait à se donner les moyens d’en sortir. Lambert montre que la démarche de Livernois s’inscrit dans les démarches qui furent engagées par les intellectuels.les de la Révolution tranquille, mais il propose aussi des réflexions sur les limites de celle-ci et les exigences auxquelles elle nous soumet.

Un troisième type de raisonnement d’histoire engagée est l’histoire de l’engagement. Nous offrons alors à voir des gens qui, par le passé, se sont engagés envers diverses causes et leur évolution. Ces exemples donnent le goût de l’engagement. Mais cette forme d’histoire ne risque-t-elle pas de tomber dans le travers d’une histoire « héroïque », où de « grands hommes » inégalables auraient façonné l’histoire à eux seuls? D’une histoire aristocratique prêchant la soumission aux fortes personnalités? Nos auteurs et autrices évitent cet écueil en faisant le plus souvent l’histoire de mouvements d’ensemble, plus que de personnalités singulières. Ils et elles situent également ces mouvements dans leurs déterminants sociaux, donnant à réfléchir sur les conditions du changement. On en retrouve deux superbes exemples lorsque nous voyons, dans les textes d’Adeline Darrigol et de Pierre Cras, les écrivains.nes et les artistes noirs.es lutter contre leur marginalisation du domaine des arts. Les congrès internationaux étudiés par Adeline Darrigol ont contribué à valoriser une culture noire marginalisée par l’eurocentrisme, tandis que Cras nous montre l’évolution de la représentation des Noirs.es dans le genre super-héroïque. Nous trouvons ainsi la manière dont des artistes engagés s’emparent de formes d’arts classiques ou populaires pour fournir des modèles à l’engagement et rendre leur dignité aux dominés.es. Nous pouvons aussi considérer que deux des textes de notre dossier sur les héritages de la Révolution tranquille s’inscrivent dans une démarche similaire. Ainsi, par son examen des lectures que les acteurs et actrices de la Révolution tranquille ont fait du Refus Global, Sophie Dubois, montre comment la littérature influence l’histoire, tandis que celle-ci marque notre lecture de la littérature. C’est aussi à une histoire de l’engagement que nous convie Rachel Nadon, qui fait l’histoire de Liberté, mais croisée avec une réflexion sur les processus de mémoire. En effet, ce que son analyse particulière permet de faire ressortir, c’est que l’exercice de mémoire auquel se livrent les équipes tardives de Liberté est déterminant lorsqu’il s’agit d’orienter leur engagement. En nous tournant vers la Chine, nous pouvons également fournir l’exemple d’un historien engagé dans un contexte différent du nôtre. C’est l’opportunité que nous offre Carl Déry, qui nous fait connaître Qin Hui et, à travers lui, une tradition intellectuelle qui demeure largement inconnue du public occidental et qui, pourtant, s’avère fortement évocatrice dès lors qu’on prend le soin de la mettre en valeur. À travers une démarche d’histoire comparative, l’historien met en valeur la manière dont la lutte des factions dites de « gauche » et de « droite » crée une dynamique que nous admirons comme un « succès » chinois, mais où s’accumulent les tensions non résolues. Qin Hui invite à une histoire qui prenne en compte les choix auxquels sont confrontés les acteurs et actrices, car il croit que celle-ci nous libère de toute croyance envers un déterminisme culturel qui nous immobiliserait. Elle responsabilise ainsi nos contemporains.nes face à leur choix tout en leur enseignant leur capacité d’action. Je mentionnerai ici à nouveau Andrée Rivard, qui indique que son propre engagement dans l’histoire de l’accouchement a participé à un mouvement qui a réintroduit la question des violences obstétricales dans le débat public.

Un autre type de raisonnement d’histoire engagée consiste à réfuter des lieux communs qui reposent sur des « temporalités fictives ». Lorsque nous pensons, de manière erronée qu’à une certaine époque « c’était mieux » ou « c’était pire », notre rapport au présent s’en retrouve faussé. Parmi nos textes de l’automne, celui qui exprime le mieux cette démarche est sans doute le texte d’Émilie Malenfant sur l’histoire des femmes âgées. Elle nous apprend que, contre une croyance persistante, l’histoire de la vieillesse a montré qu’il n’existait pas d’âge d’or où les personnes âgées auraient été vénérées et bien soignées. Au contraire, le vieil âge aurait été périodiquement relégué à la marginalité, essentiellement en raison de la perte de pouvoir et d’autonomie qui l’accompagne. Plus largement, Émilie Malenfant nous offre un panorama de ce que nous savons sur l’histoire des femmes âgées, doublement discriminées comme femmes et comme personnes âgées.

Enfin, faire de l’histoire engagée, c’est aussi s’engager pour l’histoire. L’histoire devient une force agissante à partir du moment où on la connaît et qu’on tente de faire connaître l’histoire et les historiens.nes. C’est pourquoi HistoireEngagee.ca publie différents textes en ce sens. Nous avons depuis longtemps un dossier sur l’enseignement de l’histoire au Québec, qui s’est enrichi cet automne d’une contribution de notre nouvelle collaboratrice, Adèle Clapperton-Richard. Dans son texte, elle montre qu’il existe une tension entre le modèle historiographique qui a inspiré le programme ministériel et celui d’un manuel utilisé en troisième secondaire. Cette tension historiographique se fait en occultant les débats qui divisent les spécialistes sur le sujet. Il y a lieu alors de se demander dans quelle mesure le programme d’enseignement de l’histoire au secondaire permet à l’élève de développer une réflexion autonome sur l’histoire et sur sa propre citoyenneté.

Toujours dans la perspective de l’engagement pour l’histoire, nous avons publié une prise de position officielle de la Société historique du Canada contre une loi rigoureusement révisionniste récemment passée en Pologne.

Pour finir, afin de donner de la visibilité au dévouement des historiens.nes d’ici, HistoireEngagee.ca a été honorée de publier un hommage à Jean-Pierre Kesteman, historien de Sherbrooke et l’Estrie, sous la plume de Karl Bourassa: Hommage à Jean-Pierre Kesteman, l’historien.

Indiquons maintenant quelques thèmes peu ou pas traités. Une telle démarche ne peut être que partielle et partiale, bien entendu, puisque ce qu’on ne traite pas est pratiquement infini. Indiquons cependant quelques surprises. Ainsi, malgré la croissance des inégalités socioéconomiques, nous avons publié peu de textes sur cette histoire. Deux recensions viennent malgré tout partiellement combler cette lacune.  Le blogueur Darwin, du blogue Jeanne Émard, nous a autorisé à reproduire le compte-rendu qu’il a fait de l’ouvrage Imposer les riches, touchant au problème très actuel de la justice fiscale. Par ailleurs, Simon Tremblay-Pépin a fait à notre demande une lecture critique détaillée de l’ouvrage Le Québec emprunte, qui soulève la question, tout aussi actuelle, de l’histoire de la dette des États. Autre absence, complète cette fois, nous n’avons (encore) rien publié qui permet d’apporter un éclairage historique sur les enjeux ayant été soulevés par la dernière élection américaine: participation des femmes en politique, comportement des médias et rapport à la vérité, émergence du populisme américain (bien que nous ayons, par le passé, traité de l’histoire de l’extrême-droite), histoire des débats sur le système politique américain, entre autres angles d’approche possibles. Autre grande absence, que nous espérons pouvoir combler à l’avenir, la rareté des textes traitant d’histoire ancienne. À l’exception du texte sur le sport en Grèce antique de Martin Sorasso-Bluem, tous les textes publiés par HistoireEngagee.ca cet automne traitaient d’histoire contemporaine. Cela tient sans doute au fait que l’explicitation des liens entre une histoire plus ancienne et l’actualité est plus complexe qu’avec l’histoire récente. C’est néanmoins regrettable, car la genèse de notre société plonge ses racines dans une histoire qui a bien plus que deux siècles, et nous nous privons d’éclairages essentiels en nous cantonnant à la seule histoire contemporaine. Nous encourageons donc les historiens.nes de l’Antiquité, du Moyen-Âge et de l’Époque moderne à nous envoyer davantage de textes. Quant aux contemporéanistes, nous serons toujours ravis de les lire!

Il n’y a néanmoins pas de quoi rougir de notre production de l’automne. Comme je l’ai souligné au début de cet éditorial, elle a été particulièrement prolifique. Nous ne pouvons que souhaiter continuer à recevoir des textes d’aussi bonne qualité à l’avenir et encourager les historiens.nes dans leurs démarches d’engagement. Qu’il s’agisse de procéder par les formes identifiées dans cet article ou par d’autres formes de raisonnements, la démarche intellectuelle de l’engagement par l’explicitation des liens entre le travail universitaire et l’actualité est un exercice salutaire pour l’historien.ne et profitable à toute la communauté. Donner les moyens de faire le lien entre les travaux savants et les préoccupations premières des gens revient à offrir des médiations entre « culture première » et « culture seconde » dont la production était, pour le sociologue Fernand Dumont, l’une des grandes responsabilités des intellectuels.les[4].

Je m’en voudrais de terminer cet éditorial sans un hommage à Pascal Scallon-Chouinard, vétéran de notre comité de rédaction. La quantité de travail qu’il a abattu au cours de la dernière année, incluant les révisions de texte, la coordination du processus d’évaluation par les pairs, les mises en ligne, la participation à l’organisation de plusieurs dossiers, relève de l’emploi à temps plein. Pascal a eu le bonheur de se trouver un poste au Musée canadien de l’Histoire et, s’il reste présent sur le comité de rédaction d’HistoireEngagee.ca, y consacrera moins d’heures. Au nom de l’équipe d’HistoireEngagee.ca, je lui offre tout à la fois nos plus sincères félicitations et nos plus chaleureux remerciements.

Textes publiés lors de l’automne 2016

Marie-Andrée Bergeron et Vincent Lambert, « Les héritages de la Révolution tranquille », 12 septembre 2016.

Jean-Philippe Warren, « L’origine d’un nom. D’où vient l’expression ‘’Révolution tranquille’’ ? », 14 septembre 2016 (article de fond, dossier « Les héritages de la Révolution tranquille ».

Alexandre Turgeon, « Au-delà des faits : la Grande Noirceur et la Révolution tranquille en tant que mythistoires. Entretien avec Alexandre Turgeon », 21 septembre 2016 (entrevue écrite, dossier « Les héritages de la Révolution tranquille).

Marin, Sorasso-Bluem, « Sport, culture et enjeu militaire en Grèce antique », 12 octobre 2016 (texte de blogue, dossier « Le sport est ses pratiques de l’Antiquité à nos jours : dimensions socioculturelles et usages politiques).

Osire Glacier, « La fabrication de l’immobilisme culturel dans les pays arabo-musulmans : le cas du Maroc », 18 octobre 2016 (article de fond).

Sophie Dubois, « ‘’Refus global’’ à l’aune de la Révolution tranquille, ou comment la littérature écrit l’histoire et est écrite par elle », 20 octobre 2016 (article de fond, dossier « Les héritages de la Révolution tranquille).

Simon Tremblay-Pepin, « L’émancipation ne s’emprunte pas », 25 octobre 2016 (recension).

Rachel Nadon, « La revue Liberté et l’ »art politique du contretemps » », 27 octobre 2016 (article de fond, dossier « Les héritages de la Révolution tranquille »).

Darwin, « Imposer les riches », 1er novembre 2016 (recension).

Andrée Rivard, « L’accouchement : une histoire nécessaire », 3 novembre 2016 (article de fond, dossier « Où sont les femmes? »).

Karl Bourassa, « Hommage à Jean-Pierre Kesteman, l’historien », 8 novembre 2016 (hommage).

Daniel Letendre, « Les labours de l’oubli. La Révolution tranquille dans le roman contemporain », 15 novembre 2016 (article de fond, dossier « Les héritages de la Révolution tranquille »).

Adèle Clapperton-Richard, « ‘’Histoire et éducation à la citoyenneté’’ : brève réflexion critique sur les contenus du programme et d’un manuel de 3e secondaire », 28 novembre 2016 (texte de blogue, dossier « L’enseignement de l’histoire »).

Carl Déry, « Par-delà la gauche et la droite dans la Chine contemporaine : l’historien Qin Hui et la liberté de penser, de dire et d’écrire », 1er décembre 2016 (texte biographique) .

Patrick Lacroix, « Ce que les années 1850 peuvent nous enseigner », 5 décembre 2016 (texte pour l’actualité en débat).

Adeline Darrigol, « Les congrès internationaux des écrivains et artistes noirs (1956 et 1959) », 8 décembre 2016 (texte de blogue).

Joan Sangster, « Lettre à la première ministre de la Pologne pour souligner l’opposition de la Société historique du Canada à la nouvelle loi qui prévoit des sanctions rigoureuses contre les historiens ou tout individu qui se réfèrent aux camps de la mort polonais », 10 décembre 2016 (prise de parole).

Cédrik Lampron, « ‘’Pouvoir et territoire au Québec’’ : s’approprier l’espace (et les gens) pour les gouverner », 12 décembre 2016 (recension).

Pierre Cras, « Super-héro.ïnes africain.es de Marvel à Comic Republic : politiques internationales de décolonisation des images et imaginaires (1934 – 2016) », 14 décembre 2016 (article de fond, dossier « Afro-Amériques : résistances, histoires et mémoires »).

Comité de rédaction, « Une nouvelle recrue pour l’équipe de collaboratrices et de collaborateurs », 16 décembre 2016 (Adèle Clapperton-Richard, collaboratrice).

Émilie Malenfant, « Vieillir sans laisser de trace : où sont les femmes âgées dans l’histoire ? », 19 décembre 2016 (texte de blogue, dossier « Où sont les femmes? »).

Vincent Lambert, « Le passé québécois en ruines circulaires », 21 décembre 2016 (recension, dossier « Les héritages de la Révolution tranquille »).

Pour en savoir plus

CANTIN, Serge. Ce pays comme un enfant. Essais sur le Québec, 1988-1996. Montréal, Hexagone, 1997, 209 p.

CHARLE, Christophe. Les intellectuels en Europe au XIXe siècle. Essai d’histoire comparée. Paris, Édition du Seuil, 2001, 464 p.

DUMONT, Fernand, Le lieu de l’homme, Montréal, Bibliothèque québécoise, 2005 [1968], 274 p.

KOSELLECK, Reinhart. Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques. Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1990, 334 p.

NOIRIEL, Gérard. Introduction à la socio-histoire. Paris, La Découverte, 2006, coll. « Repères – Histoire », 128 p.


[1] Reinhart Koselleck, Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1990, p. 28?29.

[2] Gérard Noiriel, Introduction à la socio-histoire, Paris, La Découverte, 2006, coll. « Repères – Histoire », 128 p.

[3] Christophe Charle, Les intellectuels en Europe au XIXe siècle. Essai d’histoire comparée, Paris, Éditions du Seuil, 2001, p. 89.

[4] Serge Cantin, Ce pays comme un enfant. Essais sur le Québec, 1988-1996, Montréal, Hexagone, 1997, p. 104.