« Les textes marquants des relations franco-québécoises (1961-2011) » lu par Louise Beaudoin

Publié le 23 juillet 2012

Louise Beaudoin, Ministre québécoise des Relations internationales (1998-2003) et actuelle députée du  Parti Québécois dans la circonscription de Rosemont

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Les textes marquants des relations franco-québécoises (1961-2011), sous la direction d’André Dorval et. al.,  est un ouvrage réalisé avec une minutie remarquable, résultant d’une recherche qui me paraît tout à fait rigoureuse. Certes, probablement quelque peu ardu à lire et à comprendre pour le profane — en raison de son exhaustivité et de la complexité du détail qui rend, parfois, la lecture un peu décousue —, le recueil s’impose, en revanche, comme un précieux outil de référence pour l’initié.

En construisant leur ouvrage sur une base chronologique, les auteurs ont choisi de mettre en exergue huit aspects ou thèmes jugés principaux des relations franco-québécoises constituant, chacun, un chapitre. Ceux-ci sont ensuite subdivisés en sous-aspects plus précis puis, finalement, chacun des textes sélectionnés y est présenté. Cette organisation et ce choix des thèmes m’apparaissent justes et à propos, dans la mesure où l’histoire en courtepointe des relations entre la France et le Québec ne permet pas une distinction franche entre différentes « périodes », par décennies par exemple, et impose souvent de faire des aller-retour dans le temps pour être bien expliquée. Ceci dit, ce sont précisément ces allers-retours temporels qui, bien qu’un peu inévitables, exigent, à mon sens, une attention indéfectible de la part du lecteur afin de bien suivre le fil des événements.

Par ailleurs, le style de l’oeuvre, qui réunit à la fois l’analyse, le commentaire et même, parfois, le témoignage plus personnel, facilite largement la compréhension et est particulièrement intéressant en ce sens qu’il offre au lecteur la possibilité d’une incursion plus intime dans les coulisses de l’histoire des relations franco-québécoises, trop souvent racontée et rapportée de manière institutionnelle. Ici, André Dorval et ses collègues ont savamment su allier l’officiel et l’officieux en intégrant une « présentation » pour chacun des documents présentés. Ces petites mises en contexte — pour lesquelles j’ai d’ailleurs contribué deux fois — sont rédigées sur une note beaucoup plus personnelle par des témoins ou des acteurs privilégiés du moment, et donnent une singularité appréciée à l’œuvre en permettant une saisie plus fine de la pertinence historique du texte présenté.

D’autre part, la variété des supports textuels utilisés — allant du discours, à l’avis juridique en passant par la lettre officielle,  les photos de « une » et les textes d’ententes ou d’accord bilatéraux — mérite d’être soulignée car une recension si vaste est, à ma connaissance, la première du genre (sinon parmi les premières) à être réalisée. Cette diversité de matériel est, aussi, à mes yeux, indispensable dans la mesure où elle se veut le reflet de la diversité des formes de collaboration qui existent entre le Québec et la France.

L’ouvrage accorde d’ailleurs une importance estimable à la couverture complète du large spectre des relations franco-québécoises qui s’appliquent, aujourd’hui, à presque tous les domaines de la vie en société. La coopération bilatérale entre nos deux pays s’exprime dorénavant autant par des ententes politiques, économiques, culturelles, sociales et linguistiques que scientifiques, juridiques, professionnelles, universitaires et autres. Dorval et al. le démontrent admirablement.

Évidemment, la doctrine Gérin-Lajoie sur le prolongement externe des compétences internes du Québec demeure la pierre d’assise de ces différentes formes de coopération et c’est un incontournable (aujourd’hui peut-être même plus que jamais) que d’en fournir une explication et une analyse approfondie afin que le lecteur, néophyte ou aguerri, comprenne bien l’apport incommensurable de cette doctrine et du rôle primordial que la France a joué dans la création et le développement des relations internationales du Québec moderne. En effet, c’est en grande partie la France qui a su donner ses lettres de noblesse à la doctrine Gérin-Lajoie en s’engageant, la première, dans des ententes bilatérales avec le Québec. C’est aussi grâce au soutien de la France que le Québec a pu obtenir le droit de parler de sa propre voix au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie. Et c’est finalement toujours en partenariat avec la France que le Québec a participé aussi activement à la création de la Convention sur la promotion et la protection de la diversité des expressions culturelles. Tous ces événements marquants de l’histoire des relations entre la France et le Québec moderne, André Dorval et ses acolytes ont habilement su les expliquer, les détailler et leur donner un sens, et c’est précisément là que repose la force de cet ouvrage.