Déclaration au sujet de la fête du Canada. L’histoire de la violence contre les peuples autochtones justifie pleinement l’utilisation du mot «Génocide».

Publié le 30 juin 2021
Steven High

7 min

Par la Société d’histoire du Canada

La Société historique du Canada, qui représente 650 historiens professionnels de tout le pays, y compris les principaux spécialistes de la longue histoire de violence et de dépossession des peuples autochtones dans ce qui est aujourd’hui le Canada, convient que cette histoire justifie pleinement l’emploi du mot génocide.

La récente confirmation de la présence de centaines de tombes non marquées sur le site d’anciens pensionnats indiens en Colombie-Britannique et en Saskatchewan s’inscrit dans une histoire plus vaste d’effacement physique des peuples autochtones au Canada. Malheureusement, les récentes nouvelles en provenance de Kamloops et de Marieval ne seront pas les dernières et nous nous attendons à ce que d’autres annonces soient faites d’un bout à l’autre du pays.

Le génocide, en tant que concept, a été utilisé pour la première fois par l’avocat des droits de la personne Raphael Lemkin pour décrire « la destruction d’une nation ou d’un groupe ethnique » par « des actions dirigées contre des individus, non pas en leur capacité individuelle, mais en tant que membres du groupe national ». Il a été désigné pour la première fois comme un crime de droit international en 1946 par les Nations unies, dans le sillage immédiat de l’Holocauste. Deux ans plus tard, il a été officialisé dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, qui a été ratifiée par 149 États, dont le Canada. Selon l’article 2 de cette convention, le génocide est défini comme pouvant être l’un des actes suivants, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe de personnes (et nous citons le site https://www.un.org/fr/genocideprevention/genocide.shtml) :

  • le meurtre de membres du groupe
    • des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe
    • la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle
    • des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe
    • le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe

Comme le démontre clairement cette définition, le génocide ne fait pas simplement référence à des massacres commis sur une période relativement courte. Il peut prendre d’autres formes et se prolonger dans le temps. Si l’on considère la longue durée de l’occupation coloniale européenne et de la dépossession des Autochtones, nous maintenons que l’intention génocidaire a été amplement établie dans la recherche historique et par les propos des décideurs de l’époque. Ce point fait l’objet d’un large consensus parmi les experts historiques, comme en témoigne le vote unanime de notre conseil d’administration en faveur de cette déclaration sur la fête du Canada.

Les études historiques existantes, fondées sur des recherches approfondies dans les archives gouvernementales, les documents relatifs aux œuvres missionnaires, les études archéologiques et les témoignages écrits et oraux des survivants des pensionnats, de la Rafle des années 60 et des familles de femmes et de filles autochtones assassinées ou disparues, rendent cette conclusion on ne peut plus claire. Le fardeau des politiques génocidaires du Canada est disproportionnellement tombé sur les femmes et les enfants autochtones. Les gouvernements colonisateurs, qu’ils soient coloniaux, impériaux, fédéraux ou provinciaux, ont œuvré, et sans doute œuvrent-ils encore, à l’élimination des peuples autochtones en tant que culture distincte et groupe physique. Même lorsque des « améliorations » sont apportées, elles sont souvent paternalistes et mal adaptées aux cultures autochtones. Dans les cas où elles ne le sont pas, bon nombre des systèmes établis dans le passé continuent de désavantager les peuples autochtones et d’avoir un impact négatif sur eux.

À mesure que l’entreprise coloniale dans ce qui est devenu le Canada passait du colonialisme d’extraction des ressources au colonialisme de peuplement, les peuples autochtones étaient de plus en plus perçus comme une menace pour la modernité et le progrès. La Loi sur les Indiens de 1876 a regroupé les politiques « indiennes » antérieures de toute l’Amérique du Nord britannique visant à légitimer la saisie des terres autochtones ainsi que le contrôle et la surveillance accrus des peuples autochtones et de leur corps en tant que race supposément en voie de disparition. Les pensionnats indiens étaient la conclusion logique de cette horrible perspective et, bien que les derniers établissements aient fermé leurs portes en 1996, de nombreux chercheurs affirment qu’à partir du milieu du XXe siècle, leurs objectifs ont été repris par différents services provinciaux de protection de l’enfance qui ont vu le jour à cette époque. Le fait qu’un grand nombre des croyances utilisées pour justifier ces actions soient toujours présentes au Canada aujourd’hui, et qu’elles coexistent souvent avec des stéréotypes complètement faux et ridicules sur les peuples autochtones et leurs droits, n’aide pas.

La Commission de vérité et de réconciliation du Canada, et la Commission royale sur les peuples autochtones avant elle, ont largement documenté la manière dont la violence du colonialisme de peuplement s’est propagée dans les communautés autochtones. Il en va de même pour le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Il y a également eu un grand nombre d’enquêtes provinciales à travers le pays. La récente enquête du coroner sur la mort Joyce Echaquan, une femme atikamekw âgée de 37 ans et mère de sept enfants, dans un hôpital du Québec, a suscité l’indignation face au racisme de notre système de santé. Malheureusement, les archives sont remplies d’histoires comme celle-ci.

S’il est crucial de mieux comprendre comment les peuples autochtones ont été affectés, pendant plus d’un siècle, par ces systèmes génocidaires, il est également essentiel de reconnaître que les Canadiens non autochtones ont bénéficié de ces politiques coloniales. Nous sommes tous intégrés dans les structures de la dépossession des Autochtones dans ce qui est maintenant connu comme le Canada et nous comprenons que, bien que ces conversations difficiles doivent avoir lieu, ce sont nos actions qui définissent qui nous sommes et quel type de communautés nous voulons bâtir et renforcer et quels types d’histoires nous recherchons.

Enfin, nous reconnaissons que les historiens, dans le passé, ont souvent été réticents à convenir que cette histoire est un génocide. En tant que profession, les historiens ont donc contribué de façon durable et tangible au refus canadien de s’attaquer à l’histoire de la colonisation et de la dépossession de ce pays. Notre incapacité, en tant que société, à reconnaître cette histoire pour ce qu’elle est, et les façons dont elle se perpétue dans le présent, a servi à perpétuer la violence. Il est temps pour nous de briser ce cycle historique. Nous encourageons les Canadiens à reconnaître cette histoire pour ce qu’elle est : un génocide.

Approuvé à l’unanimité par le conseil d’administration de la Société historique du Canada, avec la contribution d’experts autochtones et non autochtones de cette histoire. Si les membres des médias ont des questions à propos de cette déclaration, veuillez contacter le Dr Daniel Sims à dsims@unbc.ca.