Hommage à l’historien : Ramsay Cook (1931-2016)

Publié le 20 juillet 2016

Par Serge Miville, professeur adjoint et titulaire de la Chaire de recherche en histoire de l’Ontario français au département d’histoire de l’Université Laurentienne

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L'historien Ramsay Cook (1931-2016).

L’historien Ramsay Cook (1931-2016).

Le décès de Ramsay Cook, le 14 juillet, a créé une onde de choc chez ses anciens étudiants et l’ensemble de la communauté des historiens du pays. En effet, le pays a perdu un des ambassadeurs de l’histoire canadienne à l’âge de 84 ans. Originaire d’Alameda en Saskatchewan, Cook a exercé son métier d’historien pendant trente-six ans dans la Ville-Reine après avoir obtenu son doctorat de l’Université de Toronto sous la supervision d’un autre géant de l’histoire canadienne : Donald Creighton. Ce dernier a souvent indiqué qu’il admirait le travail de son protégé, bien qu’ils étaient souvent en désaccord.

Cook est connu au Canada anglais notamment en raison de sa conception des « limited identities », soulignant l’importance de la classe sociale, du genre et de l’ethnicité non seulement comme facteurs fondamentaux dans la construction des identités canadiennes, mais comme des cadres d’analyse en histoire. Il est un des pionniers de la Nouvelle histoire sociale au pays. Il a également dirigé 39 doctorants – tant canadiens que québécois – dont plusieurs ont mené de longues carrières dans les universités du pays. Il était un des artisans du Dictionnaire biographique du Canada, une entreprise massive entre les universités de Toronto et Laval, a été directeur de la Canadian Historical Review en plus d’assurer la présidence de la Société historique du Canada pour l’année 1983-84.

Cook a été un grand ambassadeur de l’histoire canadienne à l’étranger. Il a fait des séjours aux universités Havard (1968-69) et Yale (1978-79; 1997), et a multiplié les séjours à l’étranger, visitant des universités dans l’ancienne Union soviétique, en Chine, en Inde, en Australie et au Japon. Bref, nous venons de perdre un bâtisseur.

Un interprète du Québec

Grand francophile, il faisait partie des intellectuels du Canada anglais qui cherchaient à comprendre le Québec et à le réconcilier avec le Canada. Il était un lecteur assidu du Devoir et y a signé de nombreux articles pour André Laurendeau et Claude Ryan qu’il comptait au nombre de ses bons amis. Il croyait fermement aux bienfaits du bilinguisme et a inscrit ses enfants à la Toronto French School. Sa fille, Margaret Michèle Cook est d’ailleurs devenue une écrivaine et poétesse franco-ontarienne décorée à Ottawa.

Cook était un intellectuel, largement engagé dans les débats entourant l’unité nationale et la place du Québec dans le Canada. On peut dire qu’il occupait le rôle « d’interprète » du Québec pour le Canada anglais, notamment par ses livres Canada and the French Canadian Question (1966) et l’anthologie des principaux textes nationalistes québécois, French Canadian Nationalism (1969). Il a réfléchi aux conséquences du nationalisme au Canada dans Maple Leaf Forever (1971), œuvre qui a consolidé son rôle comme intellectuel.

L’historien a également tenu une impressionnante correspondance avec de nombreux intellectuels et historiens du Québec, ayant correspondu avec Fernand Dumont, Michel Brunet, Jacques-Yvan Morin, Fernand Ouellet et d’autres encore. Il a donné plusieurs cours sur l’histoire québécoise et canadienne-française en plus de diriger de nombreuses thèses à ce sujet.

Cook ne laissait personne indifférent. Homme de principe, il rappelait à plusieurs reprises que les livres de Georges Orwell étaient une inspiration pour sa pensée. En tant que tel, il défendait farouchement les droits individuels, comme Pierre-Elliot Trudeau qu’il a vigoureusement appuyé lors de la course au leadership du Canada en 1968. Antinationaliste, il se situait dans la tradition de Lord Acton. Grand batailleur, il aimait d’ailleurs mettre au défi les intellectuels nationalistes du Québec comme Michel Brunet.

Le legs de Cook est énorme. Il cherchait à pousser les historiens et les intellectuels du pays à s’améliorer et à communier à l’excellence dans leur travail. Il a participé à bousculer les frontières de la discipline à l’extérieur de sa zone de confort. Il était l’archétype de l’historien engagé par son œuvre d’intellectuel, par sa recherche, par son enseignement et par la formation de toute une génération d’historiennes et d’historiens du Canada et du Québec.

Bibliographie sélective des œuvres de Ramsay Cook

COOK, Ramsay. The Politics of John W. Dafoe and the Free Press. Toronto, Univesity of Toronto Press, 1963, 305 p.

COOK, Ramsay. Canada and the French-Canadian Question. Toronto, The Macmillan Company of Canada, 1966, 219 p.

COOK, Ramsay. French-Canadian Nationalism : an Anthology. Toronto, The Macmillan Company of Canada, 1969, 336 p.

COOK, Ramsay. The Maple Leaf Forever. Essays on Nationalism and Politics in Canada. Toronto, The Macmillan Company of Canada, 1971, 253 p.

COOK, Ramsay et Robert T. CRAIG. Canada 1896-1921. A Nation Transformed. Toronto, McClelland & Stewart, 1976, 412 p.

COOK, Ramsay et Michael BEHIELS, dir. The Essential Laurendeau. Toronto, Copp Clark Publishing, 1976, 256 p.

COOK, Ramsay. The Regenerators. Social Criticism in Late Victorian English Canada. Toronto, University of Toronto Press, 1985, 291 p.

COOK, Ramsay. Canada, Quebec, and the Uses of Nationalism. Toronto, McClelland and Stewart, 1986. 224 p.

COOK, Ramsay. Watching Quebec: Selected Essays. Montréal/Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2005, 225 p.

COOK, Ramsay et Réal BÉLANGER, dir. Les premiers ministres du Canada de Macdonald à Trudeau. Biographies écrites pour le Dictionnaire biographique du Canada. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 200, 526 p.

Pour en savoir plus

BEHIELS, Michael D. et Marcel MARTEL. Nation, Ideas, Identitenties: Essays in Honour of Ramsay Cook. Toronto, Oxford University Press, 2000, 320 p.

COOK, Ramsay. « Réponse de Ramsay Cook à Yvan Lamonde ». Mens : revue d’histoire intellectuelle de l’Amérique française, vol. 11, n° 1 (2010), p. 99-101.

LAMONDE, Yvan. « À propos d’une lecture du citoyen Cook ». Mens : revue d’histoire intellectuelle de l’Amérique française, Vol. 11, n° 1 (2010), p. 95-99.