La guerre des Tsilhqot’in de 1864

Publié le 15 octobre 2020

Affiche et texte : Gord Hill et Sean Carleton Traduction : Marie-Laurence Rho

La guerre des Tsilhqot’in de 1864 est l’un des conflits les plus importants de la période initiale de colonisation à s’être produit dans le territoire qui correspond aujourd’hui à la « Colombie-Britannique ». Elle illustre, à bien des égards, le processus de colonisation qui implique des maladies dévastatrices, des conflits pour le territoire et les ressources, ainsi que la trahison des peuples autochtones par les colons.

La guerre des Tsilhqot’in implique des membres de la nation Tsilhqot’in qui ont voulu s’opposer à la construction d’une route par des colons sur leur territoire ancestral, qui se situe à l’intérieur de la colonie de la Colombie-Britannique. La route a été initiée par Alfred Waddington, un fonctionnaire du gouvernement colonial et homme d’affaire qui a fait pression auprès du gouvernement et de ses compagnons d’affaire pour qu’une route soit construite entre Bute Inlet et Fort Alexandria. Cette route devait être reliée à la route Cariboo pour se poursuivre jusqu’aux champs aurifères de Bakerville. C’est sans consultation adéquate des Tsilhqot’in que le gouvernement a décidé d’approuver la construction de la route.

Les Tsilhqot’in avaient été frappé·e·s par une épidémie de variole amenée par les colons en 1862, ce qui a fait en sorte que certains chefs de guerre se soient chargés de prévenir tout autre intrusion indésirable sur leur territoire. Cela dit, lorsque la construction de la route a débuté dans la zone près de Bute Inlet, les guerriers Tsilhqot’in ont réagi au moyen d’une série d’attaques au cours des mois d’avril et de mai 1864, celles-ci ayant tué 19 colons.

Craignant un soulèvement général des peuples autochtones de la colonie, le gouvernement, dirigé par le gouverneur Frederick Seymour, a immédiatement envoyé deux expéditions militaires qui avaient pour mission de trouver et de punir les Tsilhqot’in, mais les deux ont échoué. Prétendant avoir été trompé, le commissaire de l’or, William Cox, a fait savoir aux Tsilhqot’in qu’il souhaitait les rencontrer pour en venir à un accord de paix. Or, lorsque cinq des dirigeants Tsilhqot’in – Klatsassin, Piell, Tellot, Tahpit, and Chessus – sont arrivés, ils ont été faits prisonniers, puis ont été condamnés à mort par le juge Matthew Baillie Begbie, connu sous le nom du « juge pendeur » dans l’histoire de la Colombie-Britannique. Les guerriers ont été exécutés le 26 octobre 1864 et un sixième chef Tsilhqot’in – Ahan – a été pendu en juillet 1865. Lors du procès, Klatsassin a déclaré que les Tsilhqot’in avaient participé à une guerre « et non à un meurtre ». Néanmoins, les guerriers Tsilhqot’in ont été exécutés, puis assimilés à des meurtriers impitoyables dans le récit historique (colonial) de la Colombie Britannique.

Cent cinquante ans plus tard, en octobre 2014, le gouvernement de la Colombie-Britannique s’est excusé pour la pendaison des chefs Tsilhqot’in. La Première ministre Christy Clark a déclaré : « Nous confirmons sans réserve que ces six chefs Tsilhqot’in sont pleinement exonérés de quelconque crime ou acte répréhensible. En mars 2018, le gouvernement fédéral du Canada a également absous les chefs lors d’un événement public. Le Premier ministre Justin Trudeau a proclamé : « Nous honorons et reconnaissons les six chefs Tsilhqot’in – des hommes qui ont été traités et jugés en criminels alors que les procédures judiciaires n’ont pas respecté les droits inhérents au peuple Tsilhqot’in ».

Plusieurs ont considéré les déclarations des gouvernements provincial et fédéral comme des étapes significatives de la « réconciliation », or il est certain qu’il est dans l’intérêt de l’État de tenir de tels propos. Les gouvernements ont en effet présenté leurs excuses dans le cadre d’une stratégie visant à gagner la confiance des peuples autochtones de la Colombie-Britannique et à atténuer leur résistance persistante vis-à-vis de l’extraction capitaliste de ressources à grande échelle. Afin de protéger les terres et les cours d’eau pour les générations futures, les nations autochtones et leurs alliés organisent présentement une mobilisation sans précédent afin d’empêcher les projets d’oléoducs qui traverseraient des territoires autochtones non-cédés, plus particulièrement le projet de l’oléoduc Kinder Morgan Trans Mountain, ainsi que les mines de charbon, de cuivre et d’or. Dans ce contexte, les excuses nationales de 2014 et 2018 confirment ce que Klatsassin et d’autres savaient déjà il y a 150 ans, c’est-à-dire que les Tsilhqot’in luttaient pour la défense de leur souveraineté territoriale contre les menaces extérieures, un enjeu qui est encore bien actuel.

Texte sur l’affiche :

Dans le haut : « Nous parlions d’une guerre, pas d’un meurtre »

Au bas : En 1864, les guerriers Tsilhqot’in, dirigés par le chef Klatsassin, sont entrés en guerre contre les colons envahisseurs qui ont amené la mort, la maladie, et la dépossession en territoire Tsilhqot’in. La colonie de la Colombie-Britannique a piégé, puis capturé les guerriers en leur promettant un accord de paix afin d’arrêter et d’exécuter six des guerriers par la pendaison. Avant qu’il soit soumis à la peine de mort, Klatsassin a précisé : « Nous parlions d’une guerre, pas d’un meurtre ».

Biographies

Gord Hill est un membre de la nation Kwakwaka’wakw de la côte du Nord-Ouest. Écrivain, artiste et militant, Gord est impliqué dans la résistance autochtone, anti-coloniale et les mouvements anti-capitalistes depuis plusieurs années. Il utilise souvent le pseudonyme Zig Zag.

Sean Carleton est activiste, artiste et éducateur. Il habite à Calgary en Alberta, sur le territoire du Traité no 7.

Pour en savoir plus

Coulthard, Glen Sean. Red Skins, White Masks: Rejecting the Colonial Politics of Recognition. Minneapolis: University of Minnesota Press, 2016.

Glavin, Terry, Gary Fiegehen, and Rick Blacklaws. Nemiah: The Unconquered Country. Vancouver: New Star, 1992.

Hill, Gord. 500 Years of Resistance. Portland: PM Press, 2002.

Lutz, John. Makúk: A New History of Aboriginal-White Relations. Vancouver: UBC Press, 2008.

Williams, Judith. High Slack: Waddington’s Gold Road and the Bute Inlet Massacre of 1864. Vancouver: New Star, 1996.