La relève au cœur de l’histoire

Publié le 7 novembre 2012

Par Évelyne Laflamme, directrice générale de la Fondation François-Lamy et chargée de projets dans le collectif Le Cabinet des Curieuses

VERSION PDF

J’ai terminé mes études il y a maintenant deux ans. Un baccalauréat en histoire de l’art et un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en muséologie en poche, je pouvais enfin travailler et mettre en pratique ces notions et théories apprises, mais surtout travailler dans un domaine qui me passionne depuis si longtemps!

Bien sûr, il y a la crainte de ne pas avoir d’emploi. Le monde muséal au Québec est petit, les offres d’emploi dans ce domaine ne pleuvent pas. Pourtant, il faut savoir saisir les opportunités et foncer! Ce texte vise donc à vous présenter, cher lecteur, deux emplois que j’occupe actuellement : directrice générale de la Fondation François-Lamy et chargée de projets dans le collectif Le Cabinet des Curieuses.

 La Fondation François-Lamy

Maison de nos Aïeux, 2011

Située au cœur de la municipalité de Sainte-Famille à l’île d’Orléans, la Fondation François-Lamy est un organisme à but non lucratif fondé en 1978 par des passionnés d’histoire et de généalogie. Si au départ la mission de l’organisme était de préserver et de mettre en valeur le patrimoine religieux de la paroisse de Sainte-Famille, elle a changé au fil des ans. Depuis 1997, la mission de la Fondation vise à préserver et mettre en valeur le patrimoine historique, culturel et naturel de Sainte-Famille et de l’île d’Orléans.

Maison Drouin, 2010 (Crédit photo : Perry Mastrovito)

L’organisme gère deux lieux historiques, soit la Maison de nos Aïeux et la Maison Drouin. Acquise en 1998, la Maison de nos Aïeux est située dans l’ancien presbytère de Sainte-Famille. Ce lieu d’interprétation permet au visiteur de comprendre le développement de l’île d’Orléans par l’entremise d’expositions thématiques. De plus, ils ont l’occasion d’en apprendre davantage sur l’histoire des familles souches de l’île d’Orléans grâce à un service de généalogie offert sur place[1]. Le Parc des Ancêtres-de-l’île-d’Orléans, situé à l’arrière de la Maison de nos Aïeux, offre un magnifique panorama sur la Côte-de-Beaupré. Inauguré en 2001, il est voué à la commémoration des familles souches.

Le Parc des Ancêtres-de-l’île-d’Orléans, 2012

Construite vers 1730, la Maison Drouin est le deuxième lieu historique appartenant à la Fondation. Cette maison, qui a été habitée jusqu’en 1984, n’a subi que très peu de transformations. Elle est ouverte au public depuis 1997 et des visites guidées y sont offertes durant la saison estivale. L’organisme propose également une programmation annuelle comprenant plusieurs activités culturelles diversifiées (soirées de contes, conférences, etc.). Les lieux historiques gérés par la Fondation sont fréquentés essentiellement par une clientèle individuelle touristique très nombreuse au cours de l’été. À elles seules, les deux maisons attirent plus de 12 000 visiteurs par année.

Les défis du patrimoine

Cette rubrique est dédiée à faire connaître les pratiques de l’histoire en dehors du monde universitaire. La pratique de l’histoire comme je la vie au sein de la Fondation François-Lamy est reliée à l’histoire de l’établissement des familles et de leur mode de vie, mais également reliée à une histoire locale. L’histoire est mise en pratique par la diffusion de recherches réalisées par les historiens, par la sensibilisation de la population envers l’importance de préserver notre patrimoine, mais aussi par l’idée de soulever des questions, pousser le visiteur à être curieux.

Par exemple, en plus des expositions, des conférences, nous travaillons actuellement à développer des activités éducatives pour les jeunes pour les initier aux différentes notions du patrimoine (culturels, architecturales, immatériels, etc.).

La Fondation est un organisme très actif au sein de sa communauté. Depuis mon arrivée, il y a plus d’un an, je ne peux qu’être impressionnée par le travail des bénévoles! La grande majorité étant Orléanais, ils ont à cœur la préservation de leur patrimoine et en retirent une grande fierté. Une relève doit cependant être assurée. La plupart de ces bénévoles prennent de l’âge et souhaitent que leur travail se poursuive. C’est un des défis auquel nous devrons faire face dans quelques années.

Depuis l’ouverture des lieux d’interprétation, la Fondation François-Lamy entreprend une autre phase de son développement. Cette année s’est déroulée l’inauguration d’une nouvelle exposition permanente Orléans Gourmand, des racines à l’assiette, qui présente l’évolution de l’agroalimentaire à l’île d’Orléans, un aspect central de son développement.

Mais un des projets majeurs auquel la Fondation travaille depuis près de dix ans est la sauvegarde et la restauration de la Maison Drouin. Cette maison est un trésor caché, les traces laissées par le temps et les quelques modifications qu’elle a subites nous laissent entrevoir une évolution lente, un mode de vie qui n’est plus le nôtre, mais que nos ancêtres ont vécu. Cette « capsule temporelle » est classée monument historique par le Ministère de la Culture et des Communications du Québec en 2010, et une subvention a été octroyée en août dernier afin de mener à terme ce projet de restauration.

Le concept du projet est de réaliser un travail minimaliste, laissant la maison parler d’elle-même. Le but ici n’est pas de reconstituer la Maison Drouin à une époque précise, mais de laisser parler toutes ces familles qui l’ont habitée, les Canac-dit-Marquis et les Drouin. Une exposition permanente relatera l’histoire de ces habitants sans pour autant dénaturer le lieu. L’utilisation des technologies (tablettes électroniques) sera dans ce cas très intéressante. Ce travail de restauration et de mise en valeur devrait être terminé pour l’été 2013.

Le Cabinet des Curieuses

Le Cabinet des Curieuses, c’est quatre jeunes muséologues, Ariane Blanchet-Robitaille, Claire Cousson, Amélie Demers et moi-même, avec des formations et des intérêts multidisciplinaires (muséologie, histoire, histoire de l’art, ethnologie et patrimoine, archivistique, administration, tourisme).

L’exposition Le Grand Théâtre, d’hier à demain, 2011

Diplômées en muséologie de l’Université Laval, nous souhaitions mettre en pratique la passion qui nous animait pour le monde muséal. La gestion de projet culturel nous permet ainsi de comprendre l’histoire, mais également de la diffuser, de la vulgariser.Le Grand Théâtre de Québec nous a mandatés pour nos deux premiers projets dans le cadre du 40e anniversaire de la création de l’établissement. Le Grand Théâtre, d’hier à demain retraçait 40 années de vie, d’histoire et de passions vécues au Grand Théâtre de Québec tandis que l’exposition Empreinte. Hommage à Jordi Boneta fait découvrir une trentaine d’œuvres de l’artiste, dont des œuvres inédites et des sculptures grandioses. Depuis, notre collectif continue à grandir grâce à des projets reliés à différents thèmes de l’histoire.

Une passion

Par l’entremise des musées, l’histoire vie! En tant que jeune professionnelle, je souhaite me tailler une place dans le milieu muséal afin de poursuivre le travail entamé par les précurseurs. Si je suis autant passionnée par ce travail de gestion d’organisme culturel et de chargée de projet, c’est qu’il m’est possible de mieux comprendre la société d’aujourd’hui par les événements passés et de pouvoir diffuser cette information! Mais surtout, ce travail est très stimulant, considérant les tâches multidisciplinaires reliées aux différentes facettes du musée (gestion, administration, collection, recherche, éducation), et donne l’occasion de travailler avec des gens vrais, passionnés eux aussi, qui ne veulent pas que l’on oublie.


[1] Près de 300 familles souches se sont établies à l’île d’Orléans lors de la colonisation de la Nouvelle-France.