Mise en récit et explication historique dans l’enseignement de l’histoire au Québec : enjeux épistémologiques et perspectives critiques*

Publié le 2 mai 2019

Par Adèle Clapperton-Richard, candidate à la maîtrise en histoire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et membre du comité éditorial d’HistoireEngagee.ca

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Livres rouges. Crédit : Betty B (Flickr).

Résumé

L’enseignement de l’histoire au Québec a fait l’objet de virulents débats qui ont récemment animé l’espace public et médiatique. La querelle, qui divise les tenants d’une histoire nationale et ceux qui prônent une histoire plus sociale ou culturelle, a soulevé les enjeux de la mise en récit de l’histoire et de la manière avec laquelle la raconter et l’enseigner. Malheureusement, les contributions apportées à ce « faux débat » ont trop souvent délaissé les enjeux épistémologiques au profit de la question identitaire. Nous souhaitons ainsi revenir sur l’intelligibilité du récit en histoire et sur sa valeur explicative, pour énoncer la possible réconciliation entre une histoire-récit et une histoire dite scientifique. C’est ultimement l’adoption d’une méthode ethnographique, qui suppose un double processus descriptif et analytique, qui permettrait la construction d’une « histoire-récit-scientifique » critique.

Mots-clés

enseignement de l’histoire; didactique de l’histoire; mise en récit; épistémologie; récit ethnographique

Introduction

Nous souhaitons ici proposer une analyse critique qui puisse contribuer à démêler certains enjeux d’un débat qui a récemment occupé l’espace public et médiatique : celui sur l’enseignement de l’histoire au Québec. Les éléments déclencheurs qui ont fait naître cette réflexion se trouvent dans certains des – très nombreux, soulignons-le – textes publiés depuis 2011 dans Le Devoir principalement[1], et La Presse. Ce débat « classique », entre les partisans d’une histoire nationale et ceux qui préconisent une approche sociale, a été réintroduit sur le plan médiatique en parallèle, d’abord, des critiques adressées à la réforme ministérielle de 2006, puis face à la volonté gouvernementale de remanier les programmes d’enseignement de l’histoire au secondaire depuis 2014. Elle n’a toutefois pas créé de grande surprise, du moins du côté de la communauté historienne habituée à ces confrontations idéologiques depuis la fin des années 1950. Nous ne nous engagerons pas ici à décortiquer les positions de l’École de Montréal ni de celles de Laval; ce travail a déjà été exécuté, notamment, dans les articles de Jocelyn Létourneau, « Quelle histoire d’avenir pour le Québec[2] », et de François-Olivier Dorais, « Classifier et organiser la production historiographique au Québec[3] », de même que dans l’ouvrage collectif L’histoire nationale à l’école québécoise. Regards sur deux siècles d’enseignement[4]. Il ne s’agira pas non plus de présenter une analyse qui risquerait trop facilement de tomber dans la critique morale, voire moralisatrice, de la manière avec laquelle s’enseigne l’histoire au Québec actuellement. Le but est plutôt de chercher à éclaircir ce qui semble être parfois un ensemble quelque peu confus d’idées et d’idéologies qui contribuent à alimenter un débat qui, loin d’être résolu, continue de mobiliser des intervenants et intervenantes tant dans les médias que les milieux scientifiques et universitaires. 

La présente analyse vise donc à soulever certains des enjeux épistémologiques quant à la polémique sur l’enseignement de l’histoire; des enjeux qui, s’ils ont été considérés par des chercheurs dans le domaine de l’histoire et tout spécialement celui de la didactique[5], ont peut-être été quelque peu délaissés dans certains discours médiatiques et médiatisés. Sans trop nous attarder sur la querelle essentiellement idéologique qui confronte l’histoire nationale à l’histoire sociale, nous nous concentrerons plutôt sur une question autre : celle de « l’impossible » réconciliation entre l’histoire-récit et l’histoire scientifique. Nous soutenons que la possibilité de faire une histoire scientifique n’élimine pas de facto l’orientation narrative qui peut modeler ses composantes; de même, le schéma narratif constitue, en histoire, une forme d’explication non seulement pertinente, mais souvent essentielle à l’agencement des faits historiques[6]. Nous nous concentrerons d’abord sur le cadre théorique afin de situer et de définir épistémologiquement le récit historique, pour ensuite en cerner les critères de son intelligibilité. Ceci nous permettra de voir en quoi le récit peut constituer une forme d’explication historique non seulement utile, mais potentiellement critique.

Bien que des enjeux épistémologiques aient été pris en considération par divers agents dans le débat sur l’enseignement de l’histoire – qui se sont d’ailleurs aussi exprimés dans les journaux[7] –, nous constatons que certaines visions négligent ces questions sur les modes de connaissance et de pensée historiques au profit de la promotion des seules questions identitaires. Nous souhaitons ainsi exposer les limites de certains discours médiatisés. Bien qu’ils ne s’en tiennent pas qu’à la promotion des questions identitaires, ceux-ci ont omis d’intégrer des enjeux épistémologiques ayant pourtant été mis de l’avant dans le champ de la didactique de l’histoire, principalement quant aux possibles et potentiels du récit historique scientifique. Nous terminerons avec la proposition d’une méthode qui permettrait de concilier les théories narrativistes aux exigences d’une rigueur scientifique et historique : celle qu’on pourrait appeler ethnographique. Cette méthode rendrait compte des sociétés passées en suivant un double processus descriptif et analytique; la présentation d’un portrait global des systèmes socioculturels par le moyen d’une « description dense[8] », combinée à l’élaboration d’une recherche analytique qui suppose la distanciation du chercheur par rapport à son objet d’étude.

En histoire, si cette distanciation est d’abord fixée temporellement, elle doit également être envisagée méthodologiquement et épistémologiquement, à travers les paramètres de l’explication causale. L’accès à un savoir historique scientifiquement valide et objectivement critique passerait ainsi par la reconnaissance d’une pluralité d’interprétations, qui, sans entraîner l’histoire du côté d’un relativisme radical et risqué, permettrait d’éviter le piège d’un récit téléologique. Nous souhaitons finalement que puissent se rencontrer l’histoire savante et l’histoire scolaire, enseignée par le biais du récit ethnographique. Il s’agit de faire emprunter à l’histoire et à la manière de l’enseigner une voie qui éviterait la production d’une simple apologie de la mémoire collective, plutôt que d’une compréhension et d’une explication critiques du passé.

Théories narrativistes en histoire : le récit comme explication historique

La valeur explicative du récit en histoire, occultée par la recherche d’une validité et d’un statut scientifiques par une partie de la communauté historienne au cours du XIXe siècle (surtout en France avec l’école méthodique[9]) a retrouvé ses lettres de noblesse dans les années 1970 et 1980 avec la recrudescence de l’intérêt de certains historiens et philosophes de l’histoire pour les théories narrativistes. En 1983, avec Temps et récit, Paul Ricœur apporte une contribution quasi incontournable à la compréhension du récit[10]. Son ouvrage a le mérite de présenter à la fois un résumé des théories narrativistes et une réflexion pertinente sur l’importance, voire la nécessité, du récit en histoire. Il ne s’agit pas ici de faire une critique du livre en tant que tel, mais bien de relever certains aspects qui apparaissent nécessaires au présent argumentaire pour situer l’intelligibilité du récit historique et sa capacité explicative.

Ricœur revient d’abord sur le rôle du modèle nomologique, qui, en se concentrant uniquement sur la recherche et l’énonciation de lois historiques, aurait contribué au rejet de la narration et du récit. L’éclipse de la dimension narrative dans l’histoire a été fortement critiquée par certains auteurs soucieux de remettre l’emphase sur l’intrigue dans l’analyse et la description historiques. Face à « l’affaiblissement et à l’éclatement du modèle nomologique », se serait donc déployée une « réévaluation du récit et de ses ressources d’intelligibilité[11]. » Ricœur souligne les contributions de trois auteurs : Arthur Danto[12], Louis O. Mink[13] et Hayden White[14], sans oublier de mentionner aussi les écrits de Paul Veyne[15] et de Michel de Certeau[16]. Il sera pertinent de présenter brièvement en quoi leurs différents apports aux théories narrativistes mettent l’emphase sur le caractère explicatif du récit historique.

Chez Danto, l’essentiel de l’explication et de la description historiques réside dans la « phrase narrative », dont la principale caractéristique serait de référer à « at least two time-separated events though they only describe (are only about) the earliest event to which they refer[17]. » C’est-à-dire que la phrase narrative, dans sa description d’un événement, réfère aussi, implicitement, à un ou plusieurs autres événements qui permettent de le comprendre en en faisant ressortir les causes. Cela sous-entend que l’explication et la description, liées à une temporalité et une causalité inscrites à la fois dans le présent et le passé, sont en fait « indiscernables[18]. » La narration, comprise à la fois comme rapport à la temporalité et forme selon laquelle l’histoire s’écrit, participe ainsi de la fondation d’une démarche explicative. On ne pourrait chercher à expliquer sans effectuer un ordonnancement au moyen de la forme narrative. Selon Louis O. Mink, si « un récit qui échoue à expliquer est moins qu’un récit; un récit qui explique est un récit pur et simple[19]. » Cette conception narrativiste stipule que les récits produisent une forme particulière de la compréhension historique : en tant que « totalités hautement organisées » les récits exigeraient un acte compréhensif « de la nature du jugement »[20]. La mise en récit de l’histoire est nécessairement « capable d’un “ effet explicatif ” », dans la mesure où elle implique un « mode d’organisation » qui crée l’ordonnancement des sous-ensembles qui la composent – les événements – en fonction de catégories causales. Cette « explication catégoriale » est propre à l’une des principales fonctions à l’œuvre dans le récit : l’intrigue[21]. L’intrigue est cet ordonnancement de la suite des événements qui ne fait pas que donner du sens à ceux-ci, mais à l’histoire elle-même. C’est donc la mise en intrigue, entendue comme l’opération de configuration temporelle et narrative, qui serait le « pivot » de la structure même du récit et qui permettrait, selon Hayden White, de « [faire] la transition entre raconter et expliquer[22] » en lui donnant sa cohérence.

Paul Veyne partage sensiblement la même perspective, en énonçant que « ce qu’on nomme explication n’est guère que la manière qu’a le récit de s’organiser en une intrigue compréhensible[23]. » Il s’avance peut-être plus prudemment que White en posant que l’histoire, en tant que récit, « n’est rien qu’un récit véridique[24]. » La véracité du récit historique repose d’une part sur ce qui est arrivé, mais aussi, d’une certaine manière, sur ce qui n’est pas arrivé, et même, sur ce qui aurait pu arriver. Veyne insiste sur ce caractère probabiliste qu’il attribue aux événements historiques; c’est pour lui un fondement essentiel qui permet d’éviter une histoire-genèse qui aboutit nécessairement dans une voie téléologique. Il insiste sur la spécificité de chaque fait historique et sur les limites de la démarche historienne, qui ne peut évidemment pas tenir compte de l’ensemble des causes inclues dans le déroulement de l’histoire. Ricœur part de ce principe pour ajouter une variable épistémologique à son exposé sur les théories narrativistes : l’imputation causale singulière, entendue comme « la procédure explicative qui fait transition entre la causalité narrative […] et la causalité explicative[25]. » Dans la mise en récit que propose Ricœur, cette imputation causale est entendue comme singulière, puisque la causalité qu’elle met en jeu est spécifique à l’événement raconté; elle n’est pas la manifestation d’une loi universelle de l’histoire. Cette imputation est aussi le processus avec lequel l’historien jette un double regard temporel, sur le passé et le présent – à la manière de la « phrase narrative » chez Danto – et s’engage dans un raisonnement qui questionne la singularité d’un événement en imaginant l’avènement d’autres conditions historiques, de développements différents, de possibles non-advenus. C’est de cette manière que l’historien « […] décide de la signification historique dudit événement[26]. » Cette conception probabiliste, qui sous-tend une démarche contrefactuelle, est en fait le « corollaire de la capacité qu’a l’historien de découper librement le champ des événements[27]. »

Ce découpage subjectif et volontaire participe justement des distinctions entre différents modes de narration, mais aussi intrinsèquement, d’explication; de là découlerait une diversité de « style[s] historiographique[s][28]. » Si certains soutiennent que « l’histoire […] a comme unique tâche de déterminer exactement ce qui s’est passé[29] », on peut ajouter qu’elle a aussi pour but de démontrer que les événements ne sont pas le fruit du hasard, et que malgré l’infini des probables qui caractérisent la réalité humaine, il est possible d’expliquer – et éventuellement de faire comprendre – des contingences historiques particulières « au moyen d’un exposé intégral[30] » qui non seulement décrit, mais ordonne les données en jeu – les événements et les entités ou agents historiques. Les implications épistémologiques de l’imputation causale singulière représentent le point pivot – au même titre que la mise en intrigue dans le récit – de la concordance possible entre une histoire-récit et une histoire scientifique. Étant à la fois trame narrative et recherche des causalités, et fonctionnant sur des principes à la fois imaginatifs et scientifiques, la démarche d’imputation causale singulière qui repose sur la démarche contrefactuelle vient en quelque sorte annuler l’irréconciliable dichotomie entre une histoire qui explique – selon une méthode propre à la science – et une histoire qui simplement décrit un enchaînement linéaire de faits marquants. Le récit historique explique ainsi en ordonnant la trame des événements, pour les penser non pas comme déterminés, mais bien pour les situer dans des contingences singulières qui auraient pu conduire à des développements autres[31].

Histoire-récit et histoire scientifique : impossible réconciliation?

En simplifiant un peu, on pourrait cerner l’opposition de deux visions générales dans le débat sur l’enseignement de l’histoire : celle des tenants d’une (re)valorisation du récit, qu’on pourrait dire liée à l’édification d’une histoire plus nationalisante, et celle des partisans d’une histoire sociale, qui insisterait plutôt sur le fait que l’histoire est un construit social et qu’elle ne doit pas s’en tenir qu’à l’unique (re)présentation de mythes fondateurs. Il peut sembler normal que l’histoire, et plus particulièrement son enseignement, puisse susciter de forts émois; ce sont des composantes fondamentales de la formation d’une identité collective. Cette rhétorique identitaire est employée, presque à l’excès, par les agents de la polémique sur l’enseignement de l’histoire. Si cette question de l’identité nous semble bien importante, nous préférons ne pas l’approfondir pour nous concentrer prioritairement et presque exclusivement sur les problématiques épistémologiques. Rappelons qu’il s’agit ici avant tout de montrer qu’une narration historique n’écarte pas de facto le déploiement d’une rigueur scientifique; la question qui nous intéresse va bien au-delà de l’attribution du caractère soit social soit nationaliste de cette « histoire-récit-scientifique » que nous croyons possible.

Les « pro-récit » se sont exprimés à plusieurs reprises depuis les commencements du débat. Dans le cadre de la présente analyse, nous n’avons retenu que les textes nous paraissant les plus pertinents par rapport à notre réflexion, mais parfois aussi les plus critiquables. Parmi les nombreux défenseurs du modèle narratif, nous avons choisi d’en présenter deux qui ont avancé leurs idées dans les journaux, d’abord dans La Presse du 25 février 2014 puis dans Le Devoir du 6 février 2016. Stéphane Lévesque, professeur agrégé à l’Université d’Ottawa et directeur du Laboratoire d’histoire virtuelle et récits historiques, écrit que « […] les programmes d’histoire du Québec […] n’enseignent plus l’histoire sous forme de récits [et même que] l’orientation, l’imagination et la mise en intrigue des événements pourtant si essentielles à l’histoire sont curieusement absents de nos programmes scolaires[32]. » Selon lui, l’intégration du récit est souhaitable dans l’enseignement de l’histoire, non pas pour « retourner à la transmission d’un grand récit national [mais plutôt pour] faire appel aux ressources de la “ pensée narrative ”, c’est-à-dire la capacité de produire, sous forme de narration, une interprétation valide du passé[33]. » Presque exactement deux ans plus tard, François-Xavier Delorme, enseignant au secondaire, va dans le même sens dans un texte publié dans Le Devoir. Il y défend le retour à « […] l’histoire-récit, celle qui captive, celle qui fait naître un imaginaire véritable dans l’esprit de nos élèves[34]. » Pour lui, la réconciliation entre une histoire scientifique et une histoire-récit « est fortement souhaitable ». Si les élèves veulent « qu’on leur raconte une histoire », cette histoire « [n’est] pas une fable, non [plus] une légende, mais leur histoire devenue vivante grâce aux vertus du récit[35]. »

Pour évaluer ces propos, il est pertinent de revenir s’appuyer sur l’importance de l’imputation causale non seulement dans la définition du modèle narratif en histoire, mais dans l’approche scientifique qu’elle suppose. Au plan méthodologique, l’imputation causale est connexe à la démarche contrefactuelle. Le rôle du contrefactuel en histoire est lié à la formulation d’hypothèses d’une part, mais aussi et surtout à la recherche des causalités. La démarche de reconstitution des causalités ne doit pas simplement se limiter à des raisonnements post hoc et cum hoc, encore moins se restreindre à l’établissement d’une relation causale unique[36] – de type si A, alors B –  mais plutôt s’engager dans le procès analytique de la pluralité des causes[37]. La reconnaissance d’une pluralité des causes pose inévitablement l’enjeu du continuum qui les relie. Si le récit linéaire a longtemps dominé l’écriture de l’histoire, il subit un ensemble de critiques qui fondent de nouvelles manières de penser la continuité, ou plutôt la discontinuité historique. Se positionnant contre la linéarité d’un récit qui suppose de facto une forme de déterminisme, l’historien de l’école des Annales Fernand Braudel élabore un découpage de la temporalité en trois temps – court, moyen, long – qui déconstruisent « l’idée [même] de succession linéaire des faits historiques[38]. » L’analyse des discontinuités en histoire, en rompant avec une vision que se restreint à l’étude de contingences déterminées, permet ainsi de mettre au jour des « processus [qui] n’ont pas de linéarité et [qui] donc ne relèvent pas d’une logique causale mécaniste[39]. »

Penser la discontinuité historique ouvre ainsi la voie à la matrice contrefactuelle de l’analyse causale. Il est ici pertinent de se pencher sur ce que dit Weber à ce sujet. Le sociologue développe un modèle d’analyse contrefactuelle véritablement scientifique. Si l’un des fondements disciplinaires de l’histoire est la recherche des causes des événements passés, Weber ajoute à cela la recherche de la « signification historique » d’un événement[40]. Cette signification historique se trouve au moyen non seulement d’un processus de hiérarchisation dans l’analyse causale, mais surtout par le biais du Gedankenprozess, qui est le « processus de pensée qui permet de concevoir l’imputation causale[41]. » L’élément épistémologique central de cette analyse relève du travail imaginatif – comme nous l’avons mentionné précédemment – de l’historien, qui (re)crée un tableau historique des faits, en dégageant de l’infini des probables certaines possibilités spécifiques, singulières, qui permettent l’extraction et la mise en évidence des causalités d’un événement. Bien sûr, il est entendu que ces constructions d’« hypothèses alternatives » prennent en compte les « régularités empiriques » attachées au réel – les « consécutions conformes aux généralités connues », pour reprendre les mots d’Aron[42]. Au-delà du déterminisme et de la hiérarchisation des causes, la démarche contrefactuelle permet donc l’ouverture du domaine des causalités à celui des probabilités.

Il reste à montrer comment l’apport de ces probabilités dans l’analyse causale permet de construire une narration de l’histoire qui soit véritablement scientifique. Pensons à la structure même du récit historique. La transcription des contingences historiques suit une logique séquentielle qui repose sur des « turning points », principes des aléas de l’histoire. Ces « turning points » ne sont pourtant qu’un « produit du paradigme historique, du modèle narratif et de la vision du monde du chercheur[43]. » La contingence d’un événement n’existant pas per se, les moments pivots sont ainsi dépendants de la spécificité des systèmes d’explication qui les englobent. C’est le même principe organisationnel qui sous-tend l’ordonnancement « subjectif », produit par l’historien, des faits et des entités historiques, et qui l’amène à bâtir une intrigue qu’il souhaite convaincante parce que vraisemblable. Un récit historique empruntant cette perspective, celle de l’analyse contrefactuelle liée à l’imputation causale, permet ainsi d’offrir non seulement cette « interprétation valide du passé » pour laquelle plaide Stéphane Lévesque, à travers l’acceptation de la multiplicité des possibles historiques, mais aussi de fournir un modèle d’explication scientifique qui sache passer par un effort d’imagination. Les « vertus du récit » qui rendent « l’histoire vivante » selon François-Xavier Delorme, retrouvent sous cet angle non seulement une légitimité méthodologique, mais une pertinence épistémologique, qui devraient donc pouvoir se transposer dans le cadre didactique de l’enseignement de l’histoire.

Si le point de vue défendu dans ces deux textes, qui ne présentent qu’un aperçu partiel du débat, (re)valorise le récit et ne nous semble pas particulièrement problématique, il a été fortement critiqué et remis en question par des partisans d’une vision plus constructive que narrative de l’histoire. Le 11 février 2016, la doctorante Chantal Rivard, chargée de cours au Département de didactique de l’Université de Montréal et enseignante au collège Beaubois, signe un texte qui se veut une réplique directe à celui de François-Xavier Delorme. Pour elle, « ce n’est pas le rôle de l’enseignement de l’histoire que d’entretenir les mythes fondateurs de notre identité. L’enseignement de l’histoire doit [au contraire] développer une pensée critique qui permet de construire l’identité[44]. » Le développement de cette pensée critique ne repose pas sur une narration, comme elle le sous-entend, « à la Fred Pellerin », qui conçoit des cours d’histoire en « admett[ant] que les élèves ne passeront que de bons moments[45]. » L’enseignement qu’elle préconise en serait un qui ne « sacrifie [pas] les outils cognitifs qu’apporte la pratique de l’histoire au prix d’une appartenance sociale » et qui saurait « admett[re] des perspectives différentes [pour] admettre que l’histoire est un construit social [;] un construit[,] pas un livre saint[46]. »

Nous avons déjà mentionné que les enjeux identitaires de la pratique et de l’enseignement de l’histoire ne seraient être abordés de front. Il demeure quand même pertinent de souligner que si Chantal Rivard insiste sur le fait que la construction identitaire ne doit pas passer par l’enseignement de mythes historiques fondateurs, mais plutôt par le développement d’une pensée critique, elle ne précise en rien les modalités épistémologiques ni même méthodologiques de ce cogito. Du moins précise-t-elle seulement que ce n’est pas le modèle narratif, celui de l’histoire simplement racontée, qui permettrait d’y accéder. Bien qu’il n’est pas nécessairement complètement erroné, son propos à cet effet mérite d’être quelque peu nuancé. Si le modèle du récit qu’elle semble dénoncer, avec raison, en est un qui se fonde sur une logique linéaire et déterministe et qui ne présente qu’une vision unidimensionnelle et téléologique de l’histoire, il nous semble à ce stade-ci de notre réflexion, quelque peu absurde de supposer l’existence d’un seul type de récit en histoire. Nous avons explicité que la narration en histoire institue déjà une forme d’explication, et que la poursuite d’une démarche contrefactuelle dans cette mise en récit explicative permet non seulement d’éviter de tomber dans le piège du déterminisme, mais aussi de soulever la multiplicité des interprétations historiques débouchant sur des avenues historiographiques plurielles. C’est précisément cette perspective qui malheureusement manque à son plaidoyer. Sa critique ne s’attaque pas à l’utilisation du récit en histoire, comme outil explicatif, mais à son instrumentalisation à des fins politiques.

C’est ici qu’il semble pertinent de présenter les apports de certains discours « proprement » scientifiques sur l’enseignement de l’histoire, particulièrement celui rattaché au courant du « Historical Thinking » alimenté par les recherches de Peter Seixas, Penney Clark, Carla Peck, Sam Wineburg et Jörn Rüsen, pour ne nommer que ceux et celles-là[47]. Nous voulons présenter certaines perspectives qui se sont centrées sur des questions spécifiquement épistémologiques, touchant non seulement le récit, mais surtout les modes de connaissance et d’apprentissage dans la transmission de l’histoire. Le « Historical Thinking Project », dirigé par le professeur émérite de l’University of British Columbia Peter Seixas, s’est élaboré à travers la promotion de six concepts de la pensée historique : la pertinence historique, les causes et les conséquences, les points de vue historiques, la continuité et le changement, les éléments de preuve et la dimension éthique de l’histoire. Leur intégration dans les programmes-cadres s’est réalisée dans plusieurs provinces du Canada, notamment en Colombie-Britannique et en Ontario. Au Québec, ces repères de la pensée historique (Benchmarks of Historical Thinking[48]), ne font pas tout à fait partie des contenus élaborés par le Programme d’histoire et éducation à la citoyenneté; ils agissent plutôt comme des « series of key reference points for evaluating what students should be able to accomplish in learning history. Collectively, they represent structural, cognitive concepts of historical thinking[49]. » Ils favorisent des méthodes et des modes de connaissance qui permettent d’éviter que l’apprentissage de l’histoire ne s’en tienne qu’à l’accumulation de « facts-to-be-remembered[50] », priorisant au contraire l’agencement causal des faits historiques dans la trame de la continuité, de la durée.

En ce sens, la narration historique, bien que critiquée par les tenants d’une histoire plus constructiviste, apparaît comme un mode de transmission des savoirs « indissociable d’une saine pratique de l’histoire et de la “ pensée historique ”[51]. » Il nous semble que le modèle du Historical Thinking permet de satisfaire aux exigences de « la responsabilité scientifique et éthique [dans l’enseignement de l’histoire, en plus de permettre une] compréhension des sociétés [qui] repose précisément sur une mise en scène de la complexité et du changement dans la durée, dont le récit demeure […] le siège principal[52]. » À ce titre, les positions de Jocelyn Létourneau s’inscrivent dans les mêmes perspectives. Pour l’historien, il apparaît pertinent d’ouvrir l’enseignement de l’histoire « à autre chose qu’au récit unique, linéaire et achevé [pour déployer des interprétations plurielles et amener] le développement de compétences cognitives et de réflexes interrogatifs chez les jeunes[53]. » La pertinence d’une démarche contrefactuelle trouve ici aussi des échos : il apparaît évident que la complexité des sociétés passées « ouvre objectivement la porte à la possibilité de plusieurs histoires de ce qui fut[54] », permettant de situer le présent historique dans une trame qui n’a rien de téléologique, bien au contraire. S’il semble impossible de ne pas considérer ces questions et ces propositions qui relèvent des discours scientifiques et universitaires, elles n’ont pourtant pas été relayées dans les médias à leur juste valeur. Leur approfondissement ne rend que plus évidentes les limites de certaines positions dans le débat, qui ne s’en tiendraient qu’aux aspects purement politiques ou identitaires de l’enseignement de l’histoire, et qui omettraient ainsi de prendre en considération les problèmes liés à l’établissement et la transmission d’une connaissance historique critique et scientifique.

Proposition d’une méthode intermédiaire et critique : le récit ethnographique

Cette trop faible représentation médiatique des enjeux épistémologiques dans le débat sur l’enseignement de l’histoire, combinée à la (sur)valorisation d’une rhétorique identitaire, a peut-être contribué à masquer les réels enjeux liés à la construction d’une histoire qui serait le vecteur de cette pensée critique tant réclamée par certains agents de la polémique. Nous avons vu avec Ricœur que « le récit historique constitue la forme la plus habituelle des écrits des historiens, en vertu du “ caractère ultimement narratif de l’histoire ”[55]. » Supposer que le récit historique est à la fois narration et argumentation, ou plutôt explication, revient à « poser les particularités de la causalité historique[56]. » Nous avons cherché à montrer que la mise en récit de l’histoire ne se restreint pas uniquement à l’énonciation d’une linéarité événementielle, mais qu’elle peut plutôt prendre la forme d’une description narrative et explicative du passé par un ordonnancement des temporalités et des entités historiques qui les confrontent à leurs possibles non-advenus par le biais de la démarche contrefactuelle. Ce type de récit, mis à contribution dans la diversité des interprétations historiographiques qui composent le domaine de l’histoire savante, n’est pas celui qui est enseigné, ni même celui qui campe les positions principales du débat actuel. La différence entre le récit des ouvrages historiques et celui à vocation scolaire n’a pas été abordée dans cette réflexion. Toutefois, si l’importance et la pertinence du récit en histoire ont été exposées, nous voulons montrer que sa transposition dans l’enseignement de l’histoire peut se faire, et que cette adaptation du schéma narratif aux buts pédagogiques et didactiques ne se fait pas au prix du statut ni de la validité scientifique de cette histoire.

De même, le projet d’une histoire qui puisse mettre de l’avant les composantes d’une pensée historique critique, qui chercherait à dépasser le « faux problème » opposant l’histoire politique à l’histoire sociale ou culturelle[57], en serait un qui mette « l’histoire au service de la vérité et non pas d’un quelconque projet […] qu’il soit nationaliste ou visant à la construction d’une société multiculturelle et consensuelle[58]. » Ainsi, à l’instar de Létourneau, nous ne partageons pas la vision de ceux et celles pour qui « le risque est grand d’ouvrir […] la porte à d’autres trames et à d’autres interprétations de l’histoire du Québec[59] »; trames qui s’éloigneraient du récit nationalisant, justement. Nous proposons au contraire le développement d’une méthode intermédiaire qui établisse des perspectives interprétatives critiques : celle d’une mise en récit ethnographique. En sciences sociales, la méthode ethnographique consiste en une étude à la fois descriptive et analytique des systèmes socioculturels d’un ensemble – sociétal, collectif, civilisationnel – donné. Appliquée à l’histoire, l’approche ethnographique prend un visage quelque peu différent. L’immersion du chercheur dans le contexte du phénomène étudié n’est pas proprement envisageable dans la recherche historique. Le « fieldwork », souvent indispensable à l’ethnographe ou à l’anthropologue, se voit en fait complètement écarté de la démarche de l’historien. Il ne peut en effet, la plupart du temps, que se contenter d’une immersion dans les traces, documents et autres archives témoignant de son objet d’étude – à moins de s’engager dans une enquête auprès de témoins, et dans ce cas de poursuivre une méthode d’histoire orale.

Si la recherche ethnographique vise une compréhension globale de systèmes culturels éloignés, il nous semble plus que pertinent de dresser un parallèle avec la discipline historique, laquelle s’intéresse à des systèmes culturels éloignés dans le temps. Le parallèle est d’autant plus évident que la démarche ethnographique suppose un processus de distanciation par rapport à la réalité analysée; de même, si cette distance en histoire est d’abord obligatoirement temporelle, elle doit ensuite être volontairement méthodologique et épistémologique. L’historien qui poursuivrait une étude de type ethnographique ne chercherait pas à expliquer un phénomène uniquement en fonction du point de vue des agents historiques impliqués, ni à interpréter leurs agissements en fonction de catégories pré-déterminées; il dégagerait plutôt un ensemble de variables permettant de comprendre tant « la singularité des contenus qu[e] leurs enchevêtrements, […] pénétr[ant] la complexité des époques passées et invit[ant] au décentrement comme à la remise en cause de ses catégories d’analyse[60]. » En d’autres termes, il s’agit de produire une « connaissance des sociétés passées par une tentative d’imprégnation nourrie des sources, par l’analyse du point de vue des acteurs et par l’interprétation du chercheur[61]. » En tenant compte de l’ensemble des variables qui composent un phénomène historique et en procédant à une triple combinaison de l’analyse des sources, de la perspective des agents historiques et de sa propre interprétation, l’historien qui s’engage dans l’étude ethnographique peut parvenir à penser les événements comme « des ensembles de possibles historiquement contraints et mouvants[62]. »

C’est ici que se retrouve à nouveau en jeu la recherche des causalités : une analyse qui juxtaposerait l’imputation causale singulière – fonctionnant de pair avec la méthode contrefactuelle – à la méthode ethnographique, permettrait d’établir une compréhension et une explication des faits historiques en les liant à « une généralité porteuse de sens[63] », en les considérant comme « encodés dans le processus social, fruit des interdépendances spécifiques à une société donnée[64]. » Cette perspective met en place un double principe de causalité : d’abord une causalité narrative, qui met en récit les faits et les entités historiques et qui permet de considérer dans leur totalité, et une causalité explicative fondée sur la poursuite d’une démarche contrefactuelle, qui permet d’imaginer les phénomènes historiques étudiés autrement, dans leurs possibles non-advenus. Le présent ainsi compris n’est pas une catégorie déterminée; de même le passé n’est pas entendu comme un objet figé. Il nous semble évident que la construction d’une histoire qui se combine à l’ethnographie doit alors passer par un mode d’énonciation narratif : la méthode ethnographique supposant d’abord une description d’un système socio-culturel envisagé dans sa totalité, on peut énoncer que cette proposition d’un « tableau descriptif » n’est aboutie que dans le déploiement d’une mise en récit analytique, celle qui suit non pas le principe d’un déterminisme linéaire, mais bien celui d’une explication au moyen de l’imputation causale singulière et de la méthode contrefactuelle. Le récit historique ethnographique en serait donc un qui puisse remplir les critères d’une validité scientifique, d’abord parce qu’il présente la recherche des causalités dans la reconstitution de l’histoire des peuples et des sociétés, mais aussi parce qu’il sous-tend un processus de distanciation et d’objectivation par rapport aux objets et phénomènes étudiés.

Finalement, un tel récit appliqué dans l’enseignement de l’histoire permettrait non seulement le dépassement de l’opposition entre une histoire nationaliste ou sociale, mais il concrétiserait la possibilité d’une « histoire-récit-scientifique » : il ne s’agirait pas de simplement faire l’histoire des vaincus, et encore moins celle des vainqueurs, mais plutôt de dégager l’ensemble des variables contenues dans l’étude des phénomènes passés et de les envisager comme inscrites dans des contingences particulières et des structures fluctuantes. Si le débat actuel sur l’enseignement de l’histoire est diversifié et ne se réduit certainement pas à l’unique opposition entre histoire nationaliste et histoire sociale, il est dommage de constater que les analyses épistémologiques de plusieurs intervenants et intervenantes ont été moins mises en valeur dans les médias. Les discours du champ scientifique, qui s’est pourtant intéressé au potentiel du récit en histoire, et surtout qui s’est penché sur les enjeux épistémologiques des modes de connaissance de la pensée historique, n’ont peut-être pas eu le même poids dans l’espace public et médiatique que les seules questions identitaires liées à l’enseignement de l’histoire; il n’en demeure pas moins que c’est précisément à l’aune de ces avancées que nous devrions penser et évaluer les contenus et la forme du programme d’Histoire et éducation à la citoyenneté, pour y retrouver une emphase renouvelée sur un récit qui soit véritablement critique.

Cet article a été publié pour une première fois sur histoireengagée.ca le 19 septembre 2017.

Pour en savoir plus

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[1] Le Devoir présente en fait le dossier « L’enseignement de l’histoire, un enjeu », qui réunit les principaux textes concernant le débat sur l’enseignement de l’histoire au Québec publiés depuis 2011.

[2] Jocelyn Létourneau, « Quelle histoire d’avenir pour le Québec? », Histoire de l’éducation, no 126, 2010, p. 97-120.

[3] François-Olivier Dorais, « Classifier et organiser la production historiographique au Québec : réflexion autour de la notion d’’école historique’ », Bulletin d’histoire politique, vol. 24, no 3, 2016, p. 158-176.

[4] Félix Bouvier, Michel Allard, Paul Aubin et Marie-Claude Larouche, dir., L’histoire nationale à l’école québécoise. Regards sur deux siècles d’enseignement, Québec, Septentrion, 2012, 552 p.

[5] Voir tout spécialement : Marc-André Éthier, Jean-François Cardin et David Lefrançois, dir., Manuels, enseignants et élèves, Québec, Presses de l’Université Laval, 2011, coll. « Formation et profession », 472 p.; Félix Bouvier, Philippe Chamberland, Marie-Line Belleville, « L’enseignement de l’histoire au Québec instrumentalisé par l’éducation à la citoyenneté? », Bulletin d’histoire politique, vol. 21, no 3, 2013, p. 115–133.

[6] Voir : Maurice Lagueux, Actualité de la philosophie de l’histoire : l’histoire aux mains des philosophes, Québec, Presses de l’Université Laval, 2001, 229 p.

[7] Voir notamment ces contributions parues dans Le Devoir, regroupées dans le dossier précédemment mentionné : Christian Laville et Michèle Dagenais, « Enseignement de l’histoire – la vraie nature d’un mouvement d’opposition », Le Devoir, 5 mars 2012, en ligne; Marc-André Éthier, « Contre la Coalition pour l’histoire. Les élèves doivent apprendre à analyser », Le Devoir, 11 mars 2013, en ligne; Jean-François Cardin, « De la supposée ‘’dénationalisation’’ des programmes d’histoire », Le Devoir, 11 mars 2013, en ligne.

[8] Clifford Geertz, « La description dense. Vers une théorie interprétative de la culture », Enquête, no 6, 1998, p. 73-105.

[9] Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, Paris, Éditions du Seuil, 1996, 330 p.

[10] Paul Ricœur, Temps et récit. I. L’intrigue et le temps historique, Paris, Éditions du Seuil, 1983, 404 p.

[11] Ibid., p. 255.

[12] Arthur Danto, Analytical Philosophy of History, London, Cambridge University Press, 1965, 318 p.

[13] Louis O. Mink, « The Autonomy of Historical Understanding », dans William Dray, Philosophical Analysis and History, New York, Harper and Row, 1966, p. 24-47.

[14] Hayden White, Metahistory. The Historical Imagination in Nineteenth-Century Europe, Baltimore et Londres, The Johns Hopkins University Press, 1973, 462 p.

[15] Paul Veyne, Comment on écrit l’histoire, Paris, Éditions du Seuil, 1971, 349 p.

[16] Michel de Certeau, L’écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 1975, 376 p.

[17] Arthur Danto, « Narrative Sentences », History and Theory, vol. 2, no 2, 1962, p. 146.

[18] Paul Ricœur, Temps et récit…, p. 263.

[19] Ibid., p. 264.

[20] Ibid., p. 276.

[21] Ibid., p. 293.

[22] Ibid., p. 301. Il est à noter que les théories de White sur le fait que l’histoire et le récit de fiction aient la même structure narrative ont été fortement critiquées et jugées trop relativistes. Nous sommes d’avis que même si la structure narrative de l’histoire puisse s’apparenter à celles des récits de fiction, il n’en demeure pas moins que son contenu se doit d’être fondé sur des faits, des événements, réels, dont les traces persistent à travers des documents, des archives, des témoignages, etc.

[23] Paul Veyne, Comment on écrit…, p. 111.

[24] Ibid., p. 13. Nous soulignons.

[25] Paul Ricœur, Temps et récit…, p. 322.

[26] Ibid., p. 325.

[27] Ibid., p. 305.

[28] Ibid., p. 297.

[29] William H. Dray, « La compréhension historique », dans La philosophie de l’histoire, Ottawa, Éditions de l’Université d’Ottawa, 1981, coll. « Philosophica », no 20, p. 14.

[30] Ibid., p. 18.

[31] Plus récemment, les questions de la validité du récit historique et de sa construction par le recours à la démarche contrefactuelle ont été abordées dans Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, Pour une histoire des possibles. Analyses contrefactuelles et possibles non advenus, Paris, Éditions du Seuil, 2016, 439 p.; et dans Ivan Jablonka, L’Histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales, Paris, Éditions du Seuil, 2014, coll. « Librairie du XXIe siècle », 339 p.

[32] Stéphane Lévesque, « L’importance d’enseigner la pensée narrative », La Presse, 25 février 2014, en ligne.

[33] Idem.

[34] François-Xavier Delorme, « Enseignement de l’histoire: à quand le récit? », Le Devoir, 6 février 2016, en ligne.

[35] Idem.

[36] Il est intéressant de souligner que les contenus et les connaissances à acquérir dans le programme d’Histoire et éducation à la citoyenneté de 2006 reposaient précisément sur de telles relations causales uniques.

[37] Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, « Des causes historiques aux possibles du passé? Imputation causale et raisonnement contrefactuel en histoire », Labyrinthe, vol. 39, no 2, 2012, p. 55.

[38] Ibid., p. 59.

[39] Idem.

[40] Ibid., p. 62.

[41] Idem.

[42] Raymond Aron, Introduction to the Philosophy of History. An Essay on the Limits of Historical Objectivity, Boston, Beacon Press, 1961, 351 p.

[43] Wolfgang Knöbl, Civilizational Analysis and the Problem of Contingency, repris dans Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, Pour une histoire..., p. 78.

[44] Chantal Rivard, « La compétence avant le récit », Le Devoir, 11 février 2016, en ligne.

[45] Idem.

[46] Idem.

[47] Mentionnons quelques contributions : Peter N. Stearns, Peter Seixas et Same Wineburg, dir. Knowing, Teaching and Learning History. National and International Perspectives, New York, New York University Press, 2000, 482 p.; Jörn Ru?sen, « Historical consciousness: narrative structure, moral function, and ontogenetic development », dans Peter Seixas, dir., Theorizing Historical Consciousness, Toronto, University of Toronto Press, 2004, p. 63-85; Peter Seixas et Carla Peck, « Teaching Historical Thinking », dans Alan Sears et Ian Wright, dir., Challenges and Prospects for Canadian Social Studies, Vancouver, Pacific Educational Press, 2004, p. 109-117; Peter Seixas, Benchmarks of Historical Thinking. A Framework for Assessment in Canada, Vancouver, Centre for the Study of Historical Consciousness, University of British Columbia, 2006, 12 p.; Sam Wineburg, Historical Thinking and Other Unnatural Acts. Charting the future of teaching the past, Philadelphia, Temple University Press, 2001, 280 p. Au Québec, dans les mêmes perspectives, voir notamment les contributions de Jocelyn Létourneau, « Transmettre la culture comme mémoire et identité : au cœur du débat sur l’éducation historique des jeunes québécois », Revue française de pédagogie, no 165, 2008, p. 43-54; Catherine Duquette, Le rapport entre la pensée historique et la conscience historique, Thèse en didactique, Université Laval, 2011, 312 p.; Christian Laville, « Que (re)viendrait faire la mémoire dans l’enseignement de l’histoire? », Encounters on Education, no 3, 2002, p. 5-25.

[48] Peter Seixas, Benchmarks of Historical

[49] David Lefrancois et Stéphanie Demers, « The Quebec History and Citizenship Education Curriculum and the Benchmarks of Historical Thinking (BHT) : Convergence and Divergence », en ligne.

[50] Peter Seixas, Benchmarks of Historical

[51] Jacques Beauchemin et Nadia Fahmy-Eid, dir., Rapport final à la suite de la consultation sur l’enseignement de l’histoire. Le sens de l’histoire. Pour une réforme du programme d’histoire et d’éducation à la citoyenneté de 3e et de 4e secondaire, Québec, Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, mars 2014, p. 22.

[52] Idem.

[53] Jocelyn Létourneau, « Quelle histoire d’avenir… », p. 19.

[54] Idem.

[55] Didier Cariou, « Les références à l’épistémologie de l’histoire et des sciences humaines dans deux recherches en didactique de l’histoire », communication au Colloque de didactique HGEC, Lyon, 2011, p. 3.

[56] Marc Deleplace, « Le récit en histoire », Carnet du réseau historiographie et épistémologie de l’histoire, 10 p., en ligne.

[57] Michèle Dagenais et Christian Laville, « Le naufrage du projet de programme d’histoire “nationale” : retour sur une occasion manquée accompagné de considérations sur l’éducation historique », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 60, n° 4, 2007, p. 524. Cet article a fait l’objet d’une controverse et s’est vu vivement critiqué par Robert Comeau et Josiane Lavallée, qui ont répliqué dans le numéro suivant de la RHAF. Pour ceux et celles qui souhaiteraient se replonger dans la controverse, voir Robert Comeau et Josiane Lavallé, « Réplique à l’article de Michèle Dagenais et Christian Laville », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 61, no 2, 2007, p. 253-259.

[58] Jean-Philippe Fortin, « L’histoire et la vérité », Le Devoir, 5 mars 2012, en ligne.

[59] Michèle Dagenais et Christian Laville, « Le naufrage du… », p. 526.

[60] Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, Pour une histoire..., p. 70. Nous soulignons.

[61] Idem.

[62] Idem.

[63] Didier Cariou, Les références à…, p. 4.

[64] Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, Pour une histoire..., p. 73.