Relations de genre dans le projet insurrectionnel colombien : le cas des combattantes des FARC-EP et du M-19

Publié le 10 mars 2020

Par Frédérique Montreuil, candidate à la maîtrise en histoire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM)

Résumé : Cet article s’intéresse à l’expérience des combattantes au sein de la gauche insurrectionnelle colombienne à la fin du XXe siècle, et plus spécifiquement au sein de deux guérillas, les Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple (FARC-EP) et le Mouvement du 19 avril (M-19). En s’interrogeant sur l’articulation des rapports de genre au sein de ces groupes, il met en lumière la tension entre les potentialités d’émancipation et la perpétuation de dynamiques de domination qui se déploient dans l’espace révolutionnaire.

Mots clés : Colombie; conflit armé; combattantes; Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple (FARC-EP); Mouvement du 19 avril (M-19); genre


Des pourparlers de paix entre le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple (FARC-EP) se sont déroulés à La Havane, Cuba entre 2012 et 2016. Ces négociations se sont distinguées par la mise sur pied, en septembre 2014, d’une sous-commission chargée de s’occuper spécifiquement des questions de genre. Il s’agit d’une première mondiale dans le cadre de négociations entre un groupe armé et un État. L’accord final, signé le premier décembre 2016, reconnaît «que les femmes font face à davantage de barrières sociales et institutionnelles dans l’exercice de leur participation politique»[1]. Des dispositions sont ainsi prévues pour la réincorporation et la participation citoyenne des ex-combattantes[2]. L’inclusion d’une perspective de genre dans le processus de justice transitionnelle n’allait pas de soi: elle est le fruit d’un long combat, mené de front par des activistes féministes et organisations de femmes colombiennes. Dès les débuts des négociations, la coalition Mujeres por la Paz dénonçait l’absence de femmes dans le processus, et condamnait le filtre masculin d’analyse des questions de paix et de justice, critique matérialisée par le slogan «La paz sin mujeres ¡no va!»[3].

La participation des Colombiennes au conflit armé ne s’est pas confinée au militantisme pour la paix. Elles ont également pris les armes. Le recensement socioéconomique mené par l’Université Nationale de Colombie auprès d’ex-combattant-e-s, en 2017, révélait une proportion de 23% de femmes dans les effectifs totaux des FARC-EP, dont une proportion de 33% dans le corps guérillero armé[4].

La relation entre le genre et le conflit armé en Amérique latine attire l’intérêt des chercheuses depuis la fin des années 1990. Un champ de cette littérature étudie les violences spécifiques qui affectent les femmes en contexte de conflits armés[5], alors qu’un autre analyse plutôt la participation des femmes à ces conflits[6]. Ce second champ a déstabilisé la tendance à confiner les femmes au statut de victimes, car étudier leur participation au conflit armé, c’est aussi reconnaître leur usage de la violence.

Comme le mettent de l’avant Coline Cardi et Geneviève Pruvost, «la violence féminine se présente sous le mode d’une présence/absence»[7]. D’une part, parce que cette violence est taboue, elle est souvent passée sous silence. À titre d’exemple, Camille Boutron a identifié, dans le cas du conflit armé péruvien, le contraste entre l’importante présence des femmes dans les comités d’autodéfense et l’effacement de leurs contributions à la lutte contre-subversive dans la mémoire collective[8]. Dans l’historiographie du conflit armé colombien, encore peu d’attention est portée aux combattantes des guérillas, exception faite des études qui font appel à l’histoire orale et placent les entrevues avec d’ex-combattantes au centre de leur analyse[9]. D’autre part, quand elle n’est pas rendue invisible, la violence politique des femmes est hypertrophiée «pour en stigmatiser la démesure»[10]. Parce qu’elle entre en contradiction avec les représentations de la douceur et de la vulnérabilité féminine, la violence au féminin est alors interprétée comme une déviance, une aberration, une monstruosité, comme l’ont montré les travaux de Caron Gentry et Laura Sjoberg[11]. Ces cadres interprétatifs nient à la fois l’agentivité et la responsabilité des femmes qui ont recours à la violence, tout en neutralisant la dimension politique de cette violence.    

Les représentations genrées de la guerre, en catégorisant presque exclusivement les femmes comme victimes des conflits, et en rendant anormale leur participation active dans les groupes armés, ont pour conséquence bien réelle que les programmes de démobilisation ignorent ou minimisent souvent les besoins des combattantes[12]. Les recherches en sciences sociales sur ces femmes démontrent qu’elles vivent souvent le processus de réincorporation à la société comme un traumatisme et/ou une déception, entre autres parce qu’elles font face à une marginalisation disproportionnée par rapport à leurs pairs masculins[13]. Comme l’explique Luisa Maria Dietrich, dans ce processus, les anciennes combattantes passent d’actrices politisées et affirmées (au sein des guérillas) à figures déviantes qui menacent une version idéalisée de la féminité (dans la société civile)[14]. Un contraste apparaît nettement entre le rôle des combattantes au sein des guérillas et celui que la société civile entend leur assigner dans l’ère post-conflit.

Pourrait-on croire, alors, que le cadre (organisationnel, idéologique) de la guérilla ait servi de vecteur d’émancipation pour les combattantes? Comment les rapports de genre sont-ils modifiés dans l’espace révolutionnaire, et en quoi ces rapports définissent-ils l’expérience des combattantes?

Dans le présent article, nous proposons une analyse historique de la présence des femmes et des relations de genre dans deux guérillas colombiennes, soit les FARC-EP et le Movimiento 19 de Abril (M-19). L’attention portée à ces deux groupes permettra de mettre en lumière l’articulation du projet révolutionnaire autour de la complémentarité des rôles entre les fronts de combats ruraux et les structures urbaines, les FARC-EP ayant exercé un contrôle marqué en milieu rural, alors que le M-19 concentrait son recrutement dans les universités, dans les villes. Nous retracerons d’abord l’apparition de ces deux guérillas dans le contexte du conflit armé colombien, pour ensuite nous pencher sur leur évolution respective en termes de recrutement féminin. À partir de ces considérations historiques, nous analyserons la nature des changements dans les rapports de genre au sein de ces groupes insurrectionnels armés.

Émergence de la guerre irrégulière en Colombie

La Violencia et ses prolongements spatio-temporels

Les premières guérillas, actrices de premier plan du long conflit armé colombien, naissent au milieu des années soixante. Elles puisent leurs origines dans la période appelée la Violencia (1946-1958), qui correspond à l’apogée des violences politiques entre les deux partis traditionnels colombiens, libéraux et conservateurs. En 1946, le parti conservateur au pouvoir exerce une répression brutale des mouvements paysans, syndicaux et étudiants. Les idéaux libéraux progressistes desquels se réclamaient ces mouvements seront portés par un populiste libéral, Jorge Éliecer Gaitán. Son assassinat le 9 avril 1948 déclenche une fureur populaire d’une rare intensité, donnant lieu au saccage de la capitale Bogota, événement aujourd’hui connu sous le nom de Bogotazo. Les hostilités s’ouvrent alors entre les partisans de l’un ou l’autre des partis. Dans les milieux ruraux émergeront des groupes armés: d’un côté, des bandes armées au service de chefs locaux d’allégeance conservatrice; de l’autre, des guérillas libérales se réclamant de l’héritage de Gaitán et des groupes d’autodéfense communistes. L’appellation Violencia fait écho à la radicalisation et à la dégradation de cette confrontation politique bipartite, alors qu’environ 180 000 personnes perdent la vie en douze ans de conflit[15]. Une paix relative se consolide en 1958, quand libéraux et conservateurs institutionnalisent une alternance de pouvoir sous une entente appelée Front National (1958-1974). Toutefois, cette union, en consacrant le règne des élites traditionnelles, exclut de facto toute force politique distincte des deux grands partis. Suite à une décennie d’instabilité politique, le pouvoir n’entend pas tolérer la contestation sociale.

Le contexte révolutionnaire des années soixante prend donc forme dans les prolongements spatio-temporels de la Violencia, et ce projet se structure dans une interdépendance entre la ville et la campagne, comme l’explique le sociologue Daniel Pécaut, spécialiste de l’histoire de la Colombie :

Le surgissement des guérillas en 1960 se produit de manière simultanée par référence au monde urbain et au monde rural. Il est porté par le radicalisme de secteurs urbains, fréquemment issus des classes moyennes, qui en appellent à la destruction d’un régime qui leur semble entraver l’avènement de la modernité dans tous les domaines, sociaux, politiques, culturels. De l’autre, il met à profit la persistance de la violence dans les zones rurales et la disponibilité relative d’une partie de la population paysanne pour s’associer à une mobilisation armée [16].

Dans le sillage de la révolution cubaine, le projet insurrectionnel prend une dimension continentale. Le marxisme s’enracine fermement, des courants intellectuels radicaux se côtoient dans les universités, et face à ce qui est vu comme un pouvoir illégitime, la lutte armée s’impose comme idéal de rupture avec l’ordre établi. Les gouvernements qui s’alternent utilisent un État de siège permanent pour justifier la censure de la presse et la restriction des droits civils : entre 1949 et 1990, la Colombie vécut plus de 30 ans sous des décrets d’État de siège[17]. Les guérillas marxistes ont non seulement pu renaître des cendres des anciennes guérillas communistes et libérales de la Violencia, et ainsi profiter de conditions structurelles bien établies, mais ont également pu renflouer leurs rangs avec les anciens leaders, activistes et intellectuels des mouvements sociaux mis en échec par la répression étatique.

Guérilla rurale, guérilla urbaine

Les FARC-EP s’inscrivent dans la continuité des autodéfenses paysannes constituées pendant la Violencia. Elles bénéficient dès leurs débuts de la tutelle du parti communiste colombien. En 1964, le gouvernement lance l’attaque sur les «Républiques indépendantes», de vastes territoires au sud de Bogota soustraits à l’autorité de l’État et sur lesquels la guérilla exerçait un contrôle complet. Véritable mythe fondateur, cet épisode permet aux insurgés d’«affirmer que l’État leur impose la guerre»[18], et leur confère une forme symbolique de légitimité. Le mouvement d’autodéfense devient ainsi une guérilla offensive, position consolidée en 1966 lors de leur deuxième conférence, où la dénomination des FARC est adoptée. L’organisation prend de l’expansion géographique par le biais d’une «colonisation armée», soit de grands déplacements paysans visant à occuper des zones rurales où l’emprise de l’État est ténue, voire inexistante. Sans nécessairement adhérer aux idéaux révolutionnaires, plusieurs paysan-ne-s acceptent l’encadrement et la protection offerts par les FARC comme stratégie d’accès à la terre. La genèse de cette guérilla va donc de pair avec une identité fortement paysanne et un programme qui fait de la justice agraire son cheval de bataille, dans un pays où la propriété est concentrée en quelques mains. Puisant leurs bases idéologiques dans un marxisme orthodoxe, les FARC constituent le bras armé du parti communiste colombien, ce dernier participant aux confrontations électorales en milieu urbain et privilégiant la lutte sur tous les fronts et dans la longue durée[19]. Jusqu’en 1978, les FARC ne comptent qu’environ mille combattants répartis en six fronts, et son expansion géographique est très graduelle[20].

Le Movimiento 19 de Abril (M-19), formé en 1973, devient connu du grand public lorsqu’il procède au vol spectaculaire de l’épée de Simón Bolívar dans un musée de Bogota, en janvier 1974. Sa création est le fruit de la réflexion politique qui accompagna les importantes mobilisations étudiantes des années 1960 et 1970, et une partie importante de ses membres étaient de jeunes intellectuel-le-s issu-e-s de la classe moyenne. Le programme politique du M-19 se différencie des autres guérillas par ses postulats démocratiques : il entend avant tout articuler une critique politique contre le régime en place. Le M-19 prône une revalorisation de la démocratie comme idéal politique, cette dernière ayant été galvaudée et vidée de son sens, selon eux, par le régime colombien. Cette perversion démocratique justifierait la voie militaire de récupération du pouvoir par et pour le peuple[21]. La guérilla urbaine du M-19 mettra en place nombre d’actions spectaculaires, comme l’occupation de l’Ambassade dominicaine en 1980, pour exiger la libération de plusieurs de leurs prisonniers politiques. Dans les premières années de leur existence, elle concentre ainsi son action dans les villes. Toutefois, à partir de 1979, le M-19 se replie en zone rurale, en raison de la répression qui les cible : plusieurs de ses fondateurs sont alors en prison[22]. L’action la plus tragique de son histoire, qui marque aussi le début de son déclin, est la prise en otage du palais de Justice de Bogota en 1985, insurrection qui sera écrasée par l’armée et fera une centaine de morts.

Ainsi, face à la fermeture démocratique et à la répression sous le Front National, la confrontation militaire s’impose comme mode de résolution des conflits. Toutefois, dans les années 1970, la portée de la lutte armée est limitée : les guérillas sont confinées à des zones périphériques et restent faibles, militairement et politiquement. Ce n’est que dans les années 1980 que les guérillas, par leur expansion à la fois géographique et démographique, commencent à exercer une réelle menace sur l’État colombien. Comme l’explique Pécaut, «c’est surtout l’essor de l’économie de la drogue qui commence à altérer le contexte de la confrontation en faisant de la corruption une dimension importante du fonctionnement politique et en offrant à certaines organisations armées les moyens de renforcer leur potentiel militaire»[23].

Le projet révolutionnaire et le recrutement féminin

Quelle présence prennent les femmes dans ces groupes révolutionnaires? Examinons d’abord l’évolution du recrutement féminin pour les deux organisations.

Pour ce qui est des FARC, le modèle de la guérilla mobile marque l’organisation des débuts du groupe. Cette mobilité comme condition de survie, qui lui permit de faire d’importants gains territoriaux dans les années 1960 et 1970, contraint les combattants à laisser leur famille derrière. Les quelques femmes qui suivent le groupe sont principalement responsables de la cuisine et de l’entretien des uniformes. Les FARC ont entretenu cette vision exclusivement masculine de la guerre jusqu’à la fin des années 1970. À ce moment, les pressions idéologiques du parti communiste, qui entrevoyait la participation de tous les secteurs de la population dans la révolution prolétaire, imprègnent le haut commandement de la guérilla. À sa sixième conférence, en 1978, la direction des FARC autorise ses différents détachements à prélever des rentes de l’économie de coca, décision qui lui confère d’énormes ressources, et véritable tremplin pour son expansion. Si l’on ne connait pas avec certitude le moment auquel les FARC commencent à recruter des femmes en tant que combattantes, il apparaît clair que la transition vers un modèle militaire, entériné en 1982 par l’adoption de l’appellation «armée du peuple» (FARC-EP, Ejercito Popular), a alimenté ce phénomène, comme l’expliquent Francisco Guttiérez et Francy Carranza:

The transformation of the FARC from a peasant self-defence organization into a people’s army (as stated by its 1982 7th conference) triggered a set of organizational mechanisms that in turn created the incentives and conditions to include large numbers of women adopting direct military roles. Furthermore, such an army organizational blue print – a historically contingent product – and female recruitment reinforced each other[24].

Ainsi, le nouveau modèle hautement hiérarchisé met de l’avant des principes comme l’adhésion à vie, une stricte discipline, une éducation idéologique, une pleine séparation entre les combattant-e-s et la population civile, ainsi qu’un contrôle accru sur les activités quotidiennes des membres. Le besoin d’assurer une expansion démographique et les impératifs de cohésion au sein du groupe, le tout pour favoriser le combat offensif, auraient ainsi justifié le début du recrutement féminin. Au début des années 1990, l’organisation compte entre quinze et vingt-mille soldat-e-s[25].

En ce qui concerne le M-19, ses origines ancrées dans les courants contestataires de l’université des années 1960 et 1970 expliquent l’intérêt des étudiantes et intellectuelles pour ce projet révolutionnaire. D’ailleurs, à la grande différence des FARC, plusieurs femmes font partie du noyau fondateur du groupe : elles ont donc contribué à l’élaboration de la structure organisationnelle et de l’orientation idéologique du M-19. En 2002, douze ans après la signature d’un accord de paix entre le gouvernement colombien et le M-19, environ 5000 individus apparaissaient sur la liste des démobilisé-e-s, dont 1300 femmes[26]. Si ce portrait n’est pas précis, car plusieurs ancien-ne-s combattant-e-s se démobilisent sans souscrire au programme gouvernemental, il nous donne une idée du ratio de femmes présentes au sein du M-19.

Quelles raisons sont invoquées par les combattantes pour justifier leur choix de la lutte armée? D’abord, dans le contexte bouillonnant des années ‘70, plusieurs femmes joignent les guérillas par conviction politique. Dans ses entrevues avec d’anciennes combattantes du M-19, une dizaine d’années après leur désarmement, Elvira Sánchez-Blake note combien l’adhésion des combattantes au projet politique du groupe est profonde[27]. L’accès à l’éducation supérieure et la proximité avec les courants radicaux universitaires expliquent l’importance de la composante idéologique dans l’enrôlement féminin au sein du M-19. D’ailleurs, plusieurs de ces femmes furent recrutées alors qu’elles s’impliquaient et militaient déjà au sein du mouvement étudiant ou d’autres groupes de gauche, comme la Juventud Comunista (JUCO) ou le Movimiento Obrero Independiente y Revolucionario (MOIR). Lelièvre et al. notent également, dans leur analyse d’entrevues réalisées avec 27 anciennes combattantes de diverses guérillas, que la majorité de ces femmes, sauf celles recrutées à l’adolescence, avaient de l’expérience dans diverses formes de travail social et politique antérieurement à leur liaison au groupe[28]. Elles ont tendance à se remémorer cette période (les années ‘70 et ‘80) avec nostalgie, à décrire cette dernière comme effervescente, bouleversante et transformatrice. Elles expriment qu’elles avaient à l’époque l’impression de participer à un moment historique majeur, en raison de leur croyance envers l’avènement de la révolution. «Dans cet environnement, ma ferveur pour la cause a grandi. […] j’ai compris que la violence agissait comme la sage-femme de l’histoire dans le domaine de la lutte des classes. J’étais avide de participer plus directement à la révolution» [29], raconte dans ses mémoires María Eugenia Vásquez, ex-combattante du M-19. Les voies de participation institutionnelles en Colombie étant fermées aux exclu-e-s, la prise des armes devenait, pour ces combattantes, non seulement légitime, mais nécessaire pour s’arroger un statut de sujet politique.

En ce sens, il est crucial d’introduire une différenciation entre les combattant-e-s qui ont rejoint les guérillas avant les années 1990, et celles et ceux qui l’ont fait après[30]. Dès les années 1980, tel que mentionné plus tôt, la nature du conflit est altérée par la narcotisation des organisations armées. Cela se traduit par le recrutement de combattant-e-s de moins en moins idéologisé-e-s, l’exemple ultime étant celui du recrutement d’enfants. En effet, les FARC-EP et d’autres groupes armés, dans une «politique méthodique, systématique, délibérée et dirigée contre une population en situation d’extrême vulnérabilité»[31] ont massivement enrôlé des enfants pour atteindre leurs objectifs d’expansion. 

La volonté de rejoindre la guérilla peut également découler d’un désir d’émancipation de l’autorité masculine, surtout dans le cas du recrutement rural des FARC-EP. Comme le soulignent Natalia Herrera et Douglas Porch, «the organization allows females a relative autonomy and a control over their lives – including sexual freedom – unimaginable in the patriarchal rural societies from which the vast majority are recruited»[32]. Plusieurs femmes expriment d’ailleurs avoir rejoint la guérilla pour se soustraire à la vie de travail domestique imposé par une figure d’autorité masculine du foyer, ou alors pour fuir la violence  subie dans la sphère privée[33].

En outre, plusieurs d’entre elles ont rejoint les groupes armés par nécessité. Une ancienne combattante des FARC-EP, nous éclairant sur la vulnérabilité socio-économique de la population rurale, raconte :

Quand on entre dans la guérilla, on cherche à avoir de quoi manger que nous n’avons pas à la maison, des vêtements, et que si l’on tombe malade, qu’on s’occupe de nous et qu’on nous donne des médicaments […] ; c’est seulement par après qu’on se forme et qu’on comprend que cette lutte est pour que se termine la pauvreté et qu’il n’y ait pas tant de riches[34].

L’éveil idéologique et politique peut ainsi survenir bien après l’entrée dans le groupe, comme nous le fait comprendre ce témoignage. Ainsi, la pauvreté, l’absence de perspectives d’avenir et la nécessité de fuir la violence de certains groupes armés, notamment les paramilitaires, font partie des raisons qui ont poussé des individus à rejoindre les guérillas révolutionnaires. Ces dernières, en plus de satisfaire leurs besoins de base, leur ont également offert un minimum d’éducation. Ces organisations se sont constituées, en milieu rural, comme des espaces d’inclusion sociale et des refuges face à la pauvreté et à la marginalisation. La décision de rejoindre la guérilla ne s’accompagne donc pas toujours de considérations idéologiques, et a été dans plusieurs cas une réponse à une situation de vulnérabilité.

Ce bref portrait du recrutement féminin dans les guérillas colombiennes n’a aucune prétention d’exhaustivité[35] : les motifs d’enrôlement sont multiples, complexes, et ne sont pas nécessairement genrés. La féminisation des guérillas doit être comprise comme le résultat d’une interaction entre les décisions organisationnelles de ces dernières, leur cadre idéologique, et les circonstances ayant mené les femmes à s’y joindre[36]. Sans souscrire à une binarité rigide dont les deux pôles seraient la ville et la campagne, les FARC-EP ayant pu compter sur de solides bases urbaines tout au long de leur histoire, et les effectifs du M-19 n’ayant jamais été exclusivement universitaires, une tendance se dessine tout de même. Il apparaît que le modèle de la guérilla rurale, en partie en raison du milieu socioéconomique d’origine des combattantes, a favorisé des motivations de survivance et d’émancipation de la tutelle masculine : rejoindre la guérilla s’impose alors comme une opportunité de changer radicalement sa vie[37]. Il semble qu’une guérilla urbaine comme le M-19, pour sa part, en puisant sa base militante dans les universités, aurait plutôt attiré des combattantes habitées de motivations de nature idéologique.

La lutte révolutionnaire émancipe-t-elle les femmes?

Changements dans les rapports de genre en contexte insurrectionnel

Les témoignages d’anciennes combattantes révèlent qu’une grande partie d’entre elles voient leur participation à un groupe insurgent comme un «gain»[38]. Une rupture claire est perçue entre les relations de genre au sein des guérillas et celles au sein de la société.

D’abord, les groupes révolutionnaires, de par leurs discours sur la lutte des classes, et par extension leur volonté de ne pas reproduire des constructions sociales «bourgeoises», ont éventuellement admis un discours sur l’égalité entre les genres. À ce titre, en 1985, les FARC-EP ajoutent formellement à leurs statuts et règlements l’égalité entre les combattantes et les combattants, annonçant ainsi que la discrimination de genre n’est pas admise[39]. Cela se traduit par un traitement d’apparence indifférencié entre les membres masculins et féminins : routines militaires, exercices et tâches sont les mêmes pour tous et toutes. Les combattantes portaient les armes et participaient aux combats. Une combattante des FARC-EP interviewée en 2007 expose ce contraste entre le rôle féminin traditionnel et celui au sein de la guérilla : «Here we have rights and responsibilities to live up to. A woman can find herself leading 50 to 60 men, just as a man can. She can give classes in politics and military strategy, and she can lead a team into combat»[40]. Gardons en tête que ces pratiques, qui s’appuient sur l’indifférenciation entre hommes et femmes, sont absolument fonctionnelles dans le contexte du combat insurrectionnel, car elles soutiennent les impératifs militaires de cohésion du groupe et d’expansion démographique.

En théorie, les positions hiérarchiques élevées étaient ouvertes aux femmes: plusieurs combattantes au sein des FARC-EP ont atteint le poste d’officière d’unités de combat[41]. Le M-19, pour sa part, avait plus de femmes parmi sa direction que dans toute autre guérilla[42]. Un exemple ayant marqué l’imaginaire du conflit armé est celui de la combattante Carmenza Londoño, alias ‘’La Chiqui’’, qui accapara l’attention médiatique quand elle assuma le rôle de négociatrice en chef et porte-parole de l’insurrection lors de la prise de l’ambassade dominicaine à Bogota en 1980.

La vie révolutionnaire a également signifié une forme de libération sexuelle pour certaines combattantes. Au sein des FARC-EP, ces dernières pouvaient choisir leurs partenaires sexuels et mettre un terme à toute relation, permissivité difficilement imaginable dans les milieux traditionnels. Le viol était d’ailleurs un crime capital selon les statuts des FARC-EP, parfois passible de la peine de mort sur certains fronts[43]. Le climat particulier de la guérilla, où clandestinité et danger font partie de la réalité quotidienne, semble aussi avoir un impact sur les relations affectives. Dans son étude sur la notion de plaisir dans l’expérience révolutionnaire, Yoana Nieto remarque que plusieurs ex-combattantes font mention du «rythme accéléré» auquel sont vécus tous les aspects de la vie humaine dans la guérilla, que ce soit la mort, le deuil, la sexualité ou l’amour[44]. Ainsi, l’expérience et la temporalité particulières de la guérilla a amené plusieurs combattantes à s’affranchir de certaines barrières morales, par exemple en adoptant une sexualité à plusieurs partenaires. Vásquez explique comment l’engagement politique a façonné sa conception de l’amour et de la sexualité :

En concevant ainsi l’amour, les relations sexuelles perdaient la transcendance que lui confère cette société et devenaient l’expression de la proximité entre personnes s’identifiant aux mêmes idéaux. […] accepter le défi des transformations sociales signifiait aussi assumer des rôles plus actifs et participatifs dans nos organisations et dans nos vies privées. Par exemple, être capable de prendre des décisions politiques qui compromettaient notre vie elle-même nous a conduits à prendre le contrôle de nos corps face à la sexualité et à la maternité[45].

L’action politique en contexte insurrectionnel fut donc un levier, pour cette militante, pour s’approprier sa sexualité et pour réfléchir à l’enjeu des droits sexuels et reproductifs, revendication à l’avant-plan des luttes féministes des années 1970.

Certaines combattantes ont en toute conscience utilisé les stéréotypes de genre: «[…] être femme me servait pour tromper, éviter les fouilles et obtenir des informations. En particulier, les plus machos, ceux qui nous sous-estimaient, ne nous accordaient pas le statut d’ennemies, avantage dont nous profitions»[46], raconte Vásquez. Mettre en scène des stéréotypes genrés avait donc une double utilité. Si cela pouvait s’apparenter à une tactique de guerre à l’avantage des guérillas, les femmes attirant moins la suspicion des autorités, il s’agissait également d’un moyen, pour les combattantes elles-mêmes, de renégocier les rapports de pouvoir au sein de ces organisations.

Ainsi, les rapports de genre sont bel et bien remaniés au sein de la guérilla. En contraste avec leur vie avant le militantisme, les femmes combattantes ont plus d’opportunités en termes d’engagement politique et de mobilité hiérarchique, et jouissent souvent de relations plus égalitaires avec leurs pairs masculins. Comme l’avance Luisa Maria Dietrich, il apparait que les combattantes ont pu exercer leur agentivité dans un espace plus large qu’en société, notamment parce que le cadre idéologique de la gauche révolutionnaire, en tentant de minimiser les différences entre «camarades prolétaires», produit une identité militante partagée ainsi que des relations de genre plus nivelées que dans le cadre civil[47].

Reproduction des rapports de pouvoir dans l’espace révolutionnaire

Même si les groupes de la gauche révolutionnaire proposaient une remise en cause radicale de la société, ils n’étaient pas à l’abri de la reproduction des rapports de pouvoir de genre. Cela se constate, par exemple, dans les rares avancements significatifs faits par des femmes au sein des hiérarchies politico-militaires. S’il est vrai que plusieurs militantes des FARC-EP ont atteint le poste d’officière, une seule femme fut commandante d’un front, et aucune n’a atteint de poste au Secrétariat, le centre décisionnel de la guérilla. Du côté du M-19, le plus haut poste atteint par une femme, la combattante Vera Grabe, par ailleurs cofondatrice du groupe, a été celui de membre du commandement de Santander. Elle est toutefois la seule à s’être hissée aussi haut dans la hiérarchie. Ainsi, même pour le M-19, les cas connus de femmes leaders, comme Grabe et ‘’La Chiqui’’, constituent des exceptions plutôt que la règle. Lelièvre et al. relèvent, dans leur étude, que les tâches politiques et militaires les plus valorisées étaient dans la majorité des cas attribuées à des hommes. Elles remarquent également que les femmes au sein des guérillas ont fini par assumer les tâches qui correspondent à l’assignation traditionnelle de genre, et par occuper une position où elles répondaient à l’autorité masculine[48]. Ainsi, la division sexuelle du travail a subsisté dans ces milieux militants.

En outre, plusieurs ex-combattantes rapportent qu’il n’était pas rare de voir des hommes refuser d’être commandés par des femmes. Dans son autobiographie, Vásquez témoigne des difficultés qu’elle a rencontrées pour se faire respecter par les hommes sous son commandement[49]. Constamment remises en question, ses capacités devaient être prouvées beaucoup plus souvent que les hommes occupant le même rang qu’elle. Appelées «la femme de» quand elles entretenaient une relation amoureuse avec un compagnon, leurs idées discréditées par l’injure que «les femmes pensent avec leur vagin»[50] : voilà deux exemples tirés de témoignages avec d’anciennes combattantes du M-19 qui en disent long sur la misogynie sous-jacente au discours égalitaire officiel que ce groupe mettait de l’avant. Ce rejet masculin de l’autorité féminine génère en retour ce phénomène qui concerne les femmes dans les organisations à prédominance masculine, où ces dernières doivent mieux performer que les hommes pour être prises au sérieux. Ainsi, «de la même manière que dans la société traditionnelle, les femmes dans les mouvements révolutionnaires […] devaient faire plus et être meilleures pour être égales »[51].

Ensuite, si le passage au sein de la guérilla a pu s’accompagner d’une sexualité alternative pour certaines combattantes, un des piliers du patriarcat demeure néanmoins: le contrôle des corps féminins. Comme l’explique la sociologue Laeticia Bucaille, «lorsque les femmes endossent le rôle de combattantes, leur présence dans les rangs produit une situation de mixité qui débouche sur la nécessité d’une régulation de l’économie sexuelle»[52]. Cette observation est particulièrement vraie dans le cas des FARC-EP. Au lendemain de leur transformation en «armée du peuple» en 1982, et dès les débuts du recrutement féminin, le groupe implante une politique de contraception obligatoire pour les combattantes. L’incidence la plus violente de cette nouvelle politique est l’avortement forcé en cas de grossesse. Cette mesure était d’ailleurs l’une des principales causes de désertion des guerrilléras, l’enrôlement dans le groupe impliquant une adhésion à vie. Une ancienne combattante des FARC-EP témoigne de cette expérience :

Là bas, j’eus une grossesse, mais on me l’a enlevée. Grâce à Dieu je suis encore en vie, j’ai eu une hémorragie et j’ai failli en mourir. On sait qu’on ne peut pas tomber enceinte là-bas; même si on veut le bébé, ils ne te laissent pas le garder, ça ne se peut pas[53].

Ces combattantes ne disposaient donc pas du choix de la maternité : celles qui réussissaient à cacher leur grossesse et qui donnaient naissance à un enfant étaient forcées de le placer en adoption. Le M-19, quant à lui, n’exerçait pas un tel contrôle des rapports sexuels. Certaines femmes ont fait le choix de laisser leurs enfants à des membres de leur famille pour se dévouer entièrement à la cause révolutionnaire. D’autres, comme Alix, interviewée par Sánchez-Blake, amenaient leurs enfants aux activités et aux réunions du mouvement, et ce, malgré les réticences que la présence d’un enfant pouvait inspirer aux collègues masculins[54]. Si des conversations informelles sur la nécessité d’éviter d’avoir des enfants pendant la guerre circulaient au sein du groupe, le M-19 s’immisçait toutefois beaucoup moins dans la vie privée des combattant-e-s que les FARC-EP[55].

Par ailleurs, il subsiste dans les relations intimes des formes de violences qui affectent particulièrement les femmes. Ibarra Melo ainsi que Lelièvre et al. notent que les témoignages des ex-combattantes mettent en lumière nombre de violences conjugales, psychologiques et sexuelles, bien présentes au sein des groupes de la gauche révolutionnaire. Les cas de harcèlement sexuel étaient fréquents, que les femmes subirent souvent de la part d’hommes plus haut placés qu’elles dans la hiérarchie militaire[56]. Les relations de pouvoir dans ces organisations ont donc limité les possibilités décisionnelles des femmes en les contraignant à garder sous silence les actes violents perpétrés contre elles[57].

Finalement, il est intéressant de constater que, dans leurs premières réactions, la plupart des femmes passées en entrevue nient la présence de discrimination de genre dans le groupe, et soutiennent que l’égalité entre les hommes et les femmes était véritable. C’est plutôt par la conduite d’entrevues longues, alors que les ex-combattantes ouvrent la porte à l’intime dans leurs témoignages, et par l’analyse de leurs discours, que les chercheuses en sont venues à identifier la perpétuation des dynamiques de domination. C’est avec le recul, et en réfléchissant à partir d’une perspective de genre, que Vásquez identifie aujourd’hui ces relations de pouvoir au sein de la guérilla :

Être femme, dans un domaine masculin comme celui des armées, est très conflictuel. En racontant ma vie, j’ai appris à questionner le pouvoir à l’intérieur d’une organisation qui, malgré sa rupture avec les modèles sociaux en vigueur et son innovation, même dans la pratique politique de la gauche traditionnelle, a maintenu des contradictions sur le plan de l’équité envers les femmes, et dans le meilleur des cas, a renforcé en nous les valeurs en concordance avec les rôles féminins traditionnels[58].

Si l’espace d’agentivité est plus ample dans la sphère révolutionnaire, il apparaît clair que les limites de cet espace sont rigidement définies non pas par les combattantes elles-mêmes, mais par les besoins de la guérilla. Comme l’avance l’historienne Françoise Thébaud, une analyse genrée de la guerre «montre qu’hommes et femmes vivent des expériences différentes et non synchrones […]; que les rôles féminins restent toujours subordonnés aux rôles masculins […], que les identités sexuées sont bousculées, mais que les imaginaires sociaux restent arcboutés sur la différence des sexes»[59]. Ce même constat semble s’appliquer à la guérilla révolutionnaire. Malgré des règles et des décrets pour promouvoir la justice de genre dans ces groupes, la culture patriarcale a continué d’imprégner les comportements de ceux et celles qui y ont été socialisé-e-s. Autrement dit, si le projet insurrectionnel a permis aux combattantes de s’affranchir de certaines sujétions du patriarcat, de nombreuses formes de domination masculine se sont maintenues, notamment les relations de pouvoir dans la sphère privée. Pour reprendre les termes d’Ibarra Melo, «le personnel n’est pas politique dans la guérilla»[60].  

Conclusion

En s’intéressant aux FARC-EP et au M-19, qui s’inscrivent dans le contexte historique du conflit armé colombien, nous avons voulu interroger les rapports de genre dans les groupes armés révolutionnaires. Le passage dans la guérilla a-t-il été une expérience émancipatrice pour les combattantes?

Il apparait clair que la structure politico-militaire de la guérilla, par définition hiérarchisée, est demeurée centrée sur le pouvoir masculin et a reproduit nombre de violences de genre. Pour reprendre la formulation de l’historienne Nara Milanich, quand elles sont scrutées sous la loupe du genre, les expériences révolutionnaires du XXe siècle en Amérique latine apparaissent beaucoup moins radicales[61]. Toutefois, à la lumière des témoignages des ex-combattantes, il est aussi évident que ces dernières ont expérimenté, au sein des guérillas, des libertés qui auraient difficilement pu être vécues dans le cadre civil. Penser l’expérience des femmes au sein des guérillas exclusivement dans les termes dichotomiques d’oppression ou d’émancipation semble alors problématique, parce que choisir entre ces deux options simplifie nécessairement ce qui se passe avec les rapports de genre en contexte de conflit armé[62] .

Une renégociation significative des rapports de genre s’est opérée dans le contexte du projet insurrectionnel des guérillas des FARC-EP et du M-19. D’une part, la subversion des stéréotypes et des relations de genre avait une visée fonctionnelle. Cela s’est avéré clair dans le cas des FARC et de sa transformation en «armée du peuple» (FARC-EP) en 1982, qui alla de pair avec la féminisation de ses effectifs. Comme l’avance Dietrich, les guérillas s’emploient activement à former des féminités et des masculinités insurgées fonctionnelles pour la lutte armée[63], qui minimisent les différences entre les membres pour favoriser la cohésion au sein du groupe. D’autres parts, et ce que le présent article n’a pas exploré en profondeur, c’est l’action même des combattantes au sein de ces groupes qui, par leurs actions et leurs voix, ont exigé des relations de genre plus égalitaires.  

Ces réflexions nous mènent à une autre question, primordiale. Les changements dans les rapports de genre qui s’opèrent au sein des guérillas se prolongent-ils après le désarmement et la démobilisation? Au contraire, avancent des chercheuses comme Dietrich, malgré leur cadre sensible au genre, les protocoles entourant la réintégration à la société contribuent plutôt à perpétuer l’ordre traditionnel de genre en tentant de reconstruire les combattant-e-s à partir de stéréotypes[64]. Les ex-combattantes subissent alors une importante pression pour performer une version idéalisée de la féminité, comme en adoptant les rôles de mère et d’épouse[65]. Camille Boutron parle même, pour les ex-combattantes au Pérou, d’une «continuité de la violence qui peut être interprétée comme une forme de redomestication du corps des femmes, comme une «reprise en main» de la hiérarchie des rapports sociaux un temps défiée par la rébellion»[66]. La conséquence la plus alarmante de ce modèle de réintégration est l’exigence implicite de la dépolitisation de ces femmes.

Pour cette raison, Dietrich avance que les programmes de démobilisation doivent identifier et reconnaître les nouvelles constructions de genre qui émergent dans les guérillas. En adoptant une approche plus progressiste du genre, et en prenant les moyens pour transposer les versions politisées de la féminité et les versions égalitaires de la masculinité dans le contexte civil, ces programmes ont le potentiel de prendre part à la transformation des relations de genre basées sur les inégalités[67]. Au cœur de cette préoccupation pour une réintégration politisée des ex-combattantes dans l’espace du post-conflit se trouve ainsi l’importance de mieux comprendre la trajectoire historique de ces actrices du conflit armé. 

Pour en savoir plus

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[1] FARC-EP, Gobierno Nacional, «Acuerdo final para la terminación del conflito y la construcción de una paz estable y duradera», 2016, p.35, http://www.altocomisionadoparalapaz.gov.co/mesadeconversaciones/PDF/24-1480106030.11-1480106030.2016nuevoacuerdofinal-1480106030.pdf, [Consulté le 15 avril 2019].

[2] Par le biais d’un processus de désarmement, démobilisation, réintégration (DDR). Toutefois, contrairement aux modèles de DDR traditionnels, les FARC-EP insistent sur le fait que ce processus n’est pas un simple passage de combattant-e à civil-e, mais plutôt une réincorporation collective, où disparaît leur structure militaire, mais demeure leur organisation politique. Ainsi, «les FARC ne se démobilisent pas, mais se mobilisent à faire de la politique légale». Voir Liliana Zambrano Quintero, «La reincorporación colectiva de las FARC-EP: una apuesta estratégica en un entorno adverso», Revista CIDOB d’Afers Internacionals, no 121, abril de 2019, p.45-66.

[3] «Manifiesto de Mujeres por la Paz», 2012, https://www.rutapacifica.org.co/agenda-de-paz/178-la-paz-sin-las-mujeres-no-va-manifiesto-de-mujeres-por-la-paz, [Consulté le 17 avril 2019].

[4] «Caracterización comunidad FARC-EP. Censo socioeconómico», UN-CNR, 2017. Les effectifs totaux des FARC-EP sont composés des guérilleros et guérilleras, c’est-à-dire les combattant-e-s armé-e-s(55%), des milicien-ne-s armé-e-s ou non, force civile et complémentaire à la guérilla (29%), ainsi que des prisonniers et prisonnières (16%). 

[5] Pour le cas colombien, voir les travaux de Donny Meertens sur les déplacements forcés et le genre.

[6] Par exemple, pour le Salvador, voir Jules Falquet, «Les Salvadoriennes et la guerre civile révolutionnaire», Clio, 5, 1997. Pour le Pérou, voir Camille Boutron, «De las experiencias invisibles : las mujeres en los Comités de Autodefensa durante el conflicto armado en Perú (1980-2000)», Colombia International, no 80, 2014.

[7] Coline Cardi & Geneviève Pruvost, «La violence des femmes : occultations et mises en récit», Champ pénal, Vol VII, 2011, p.2.

[8] Camille Boutron, ««La pacification nous l’avons faite, l’homme et la femme». Autodéfense armée et action collective féminine dans le Pérou de l’après-conflit», Autrepart, vol 74-75, no2, 2015, p.117-135.

[9] Par exemple, les ouvrages Haciendo Memoria y Dejando Rastros (2004), de Christiane Lelièvre et al., et Mujeres e insurrección en Colombia (2009)de Maria Eugenia Ibarra Melo. D’anciennes combattantes ont également écrit leurs mémoires : voir l’autobiographie Escrito Para no Morir (2000) de l’ancienne combattante du M-19 María Eugenia Vásquez.

[10] Coline Cardi & Geneviève Pruvost (dir), «Penser la violence des femmes», Paris, La Découverte, 2012, p.15.

[11] Caron E. Gentry & Laura Sjoberg, Beyond Mothers, Monsters, Whores: Thinking about Women’s Violence in Global Politics, London, Zed Books, 2015.

[12] Jane Freedman, «La violence des femmes pendant les conflits armés et la (non)-réaction des organisations internationales», dans Cardi & Pruvost, op. cit., p.423.

[13] Pour le cas colombien, voir Lelièvre et al., op. cit. (2004) Luz Maria Londoño & Yoana Nieto Valdivieso, Mujeres no contadas (2006), Luisa Maria Dietrich, La  »compañera política » (2014).

[14] Luisa Maria Dietrich, La compañera guerrillera as construction of politicised feminity, Doctoral Thesis, University of Vienna, 2017, p.361.

[15] Boris Salazar Trujillo, « Conflit et contre-révolution en Colombie?: une hypothèse », Problèmes d’Amérique latine, vol. 83, n° 1, 2012., p.35.

[16] Daniel Pécaut, « Réflexion sur la naissance des guérillas colombiennes », Cahiers des Amériques latines,  n° 36, 31 janvier 2001., p.66.

[17] Catherine C. LeGrand, « Legal narratives of citizenship, the social question, and public order in Colombia, 1915–1930 and after », Citizenship Studies, vol. 17, n° 5, août 2013., p.235.

[18] Pécaut, loc. cit., p.79.

[19] Ibid., p.78-83.

[20] Grupo de Memoria Histórica, ¡BASTA YA! Colombia: Memorias de guerra y dignidad, Bogotá, Imprenta Nacional, 2013., p.123.

[21] Elvira Sánchez-Blake, « El legado del desarme: Voces y reflexiones de las excombatientes del M-19 », Journal of Latin American Anthropology, vol. 7, n° 1, 28 juin 2008., p.257.

[22] Pécaut, loc. cit., p.83-86.

[23] Ibid., p.88.  

[24] Francisco Guttiérez-Sanin & Francy Carranza Franco, «Organizing women for combat: The experience of the FARC in the Colombian war», Journal of Agrarian Change, 2017, p.770

[25] Michael LaRosa et Germán Mejía P., Colombia: A Concise Contemporary History, Lanham, Rowman & Littlefield, 2017., p.96.

[26] Sanchez-Blake, loc. cit., p.258.

[27] Ibid., p.260-261.

[28] Christiane Lelièvre Aussel et al., Haciendo memoria y dejando rastros. Encuentros con mujeres excombatientes del Nororiente de Colombia, Bucaramanga, UNIFEM – Fundacion Mujer y Futuro, 2004, p.59.

[29] Traduction libre de l’espagnol au français par l’autrice du présent article: «En ese ambiente, mi fervor por la causa crecía. […]entendí que la violencia actuaba como la partera de la historia en el terreno de la lucha de clases. Me sentía ávida de participar más directamente en la revolución», dans María Eugenia Vásquez, Escrito Para no Morir. Bitácora de una Militancia (2000), Bogotá, Alcaldía Mayor de Bogotá, 2011

[30] María Eugenia Ibarra Melo, Mujeres e insurrección en Colombia, Cali, Pontificia Universidad Javeriana, 2009, p.97.

[31] Natalia Springer, Como Corderos entre Lobos: Del Uso y Reclutamiento de Niñas, Niños y Adolescentes en el Marco del Conflicto Armado y la Criminalidad en Colombia, Bogota, CODHES, 2012, p.9.

[32] Natalia Herrera et Douglas Porch, « ‘Like going to a fiesta’ – the role of female fighters in Colombia’s FARC-EP », Small Wars & Insurgencies, vol. 19, n° 4, décembre 2008., p.611.

[33] Ibarra Melo, op. cit., p.120-129.

[34] Traduction libre: «Cuando uno entra a la guerrilla, uno busca tener comida que no tiene en la casa, vestido, si se enferma, que lo atiendan y le den medicamentos […]; después es que uno se va formando y entiende que esta lucha es para que se acabe la pobreza y no hayan tantos ricos», Extrait de l’entrevue ACGM16C1, tiré de Alba Nubia Rodríguez Pizarro, «Entre el compromiso y la huida. Mujeres militantes en los grupos insurgentes colombianos», Amnis [En ligne],no 8, 2008.

[35] Pour un portrait plus complet et une analyse riche du recrutement féminin dans les guérillas, voir le second chapitre intitulé «La experiencia de las mujeres en las guerrillas colombianas» dans l’ouvrage d’Ibarra Melo, op. cit., p.83 à 140. 

[36] Ce que Guttiérez & Carranza, loc. cit., appellent les pull factors et push factors.

[37] Ibarra Melo, «Guerilleras y activistas por la paz en Colombia: incursión política y rupturas identitarias», Pensamiento Psicologico, vol. 4., no 11, 2008

[38] Dietrich, La compañera guerrillera as construction of politicised feminities, Doctoral Thesis, University of Vienna, 2017, p.367.

[39] Herrera & Porch, loc. cit., p. 613.

[40] Entrevue #3, dans Terry Gibbs, « Voices from the Colombian Left: Women and the Struggle for Social Transformation »,Travail, capital & société,  vol. 43, n° 2., 2010 p.81.

[41] Guttiérez & Carranza, loc. cit., p.775.

[42] Mauricio Garcia Duran & al, The M-19 Journey’s from Armed Struggle to Democratic Politics, Berlin, Berghof Center, 2008, p.13.

[43] Terry Gibbs, loc. cit., p.81.

[44] Yoana Nieto-Valdivieso, «The joy of the militancy: happiness and the pursuit of revolutionary struggle», Journal of Gender Studies, vol. 27, no1, p.82.

[45] Traduction libre : «Concebido así el amor, las relaciones sexuales perdían la trascendencia que les confiere esta sociedad y pasaban a ser una expresión de la proximidad entre personas identificadas con los mismos ideales. […]aceptar el reto de las transformaciones sociales significó también asumir roles más activos y participativos en nuestras organizaciones y en la vida privada. Por ejemplo, ser capaces de tomar decisiones de tipo político que comprometían la vida misma nos llevó, pese a las contradicciones, a hacernos cargo del control de nuestros cuerpos frente a la sexualidad y a la maternidad», dans Vásquez, op. cit., p.169-170.

[46] Traduction libre : «[…] ser mujer me servía para despistar, eludir requisas y conseguir información. Sobre todo, los más machos, los que nos subvaloraban, no nos concedían el estatus de enemigos suyos, ventaja que nosotras aprovechábamos», dans Ibid., p.505.

[47] Dietrich, «La ‘’compañera política’’ », Colombia Internacional, no 80, 2014, p.115.

[48] Lelièvre et al., op. cit., p.87.

[49] Dans Herrera & Porch, loc. cit., p.618.

[50] Traduction libre : «la mujer de» et «las mujeres pensabamos con la vagina», témoignages de Rosa et Daniela du M-19, tiré de Ibarra Melo, op. cit., p.164-165.

[51] Traduction libre : «De igual forma que en la sociedad tradicional cuestionada, las mujeres en los movimientos revolucionarios[…] debían hacer más y ser más para ser iguales», dans Lelièvre et al., op. cit., p.89.

[52] Laeticia Bucaille, «Femmes à la guerre. Égalité, sexe et violence», Presses de Science Po, no60, 2013, p.18.

[53] Traduction libre : «Allá tuve un embarazo, igual me lo sacaron. Entonces, gracias a Dios, vivo de milagro de él, porque tuve una hemorragia y por poco prácticamente pues me desangro porque le tocó, fue sale o sale […] porque igual uno sabe que quedar en embarazo allá no puede; así usted lo quiera, no la dejan, allá no se puede […]», témoignage d’une ex-combattante des FARC, novembre 2016, dans Karen Lizeth Sicua Bogotá, «Rompiendo el silencio: mujeres guerrilleras en Colombia y acceso a la justicia», Debate Feminista, vol. 56, octubre de 2018- marzo de 2019, p.55.

[54] Sanchez-Blake, loc. cit., p.265.

[55] Notamment parce que leurs conditions d’opérations étaient très différentes de celles des FARC. Leliève et al. avancent d’ailleurs que le M-19 est la guérilla au sein de laquelle les rapports de domination dans les relations intimes se sont reproduits avec le moins d’ampleur. Lelièvre et al., op. cit., p.128-129.

[56] Ibid., p.116 à 118.

[57] Dietrich, loc. cit., p.53.

[58] Traduction libre : «Ser mujer, en un campo masculino como el de los ejércitos, resulta muy conflictivo. Al relatar mi vida fui descubriendo cómo ciertos elementos cuestionan el poder dentro de una organización que, pese a romper muchos esquemas sociales vigentes e innovar, incluso, en la práctica política de la izquierda tradicional, mantuvo contradicciones con el sentido de equidad frente a las mujeres y, en el mejor de los casos, destacó o afianzó en nosotras virtudes compartidas con los roles femeninos tradicionales», dans Vasquez, op. cit., p.25.

[59] François Thébaud, «Penser les guerres du XXe siècle à partir des femmes et du genre. Quarante ans d’historiographie», Clio. Femmes, Genre, Histoire, no 39, 2014, p.167.

[60] Traduction libre : «lo personal no es político en la guerrilla», dans Ibarra Melo, op. cit., p.183.

[61] Nara Milanich, «Women, Gender, and Family in Latin America, 1820-2000», dans Thomas H. Holloway (éd.), A Companion to Latin American History, Malden, Blackwell Pub, 2008, p.471.

[62] Freedman, dans Cardi & Pruvost (dir), op. cit., p.430.

[63] Dietrich, La compañera guerrillera as construction of politicised feminities, Doctoral Thesis, University of Vienna, 2017, p.359-361.

[64] Ibid., p.363.

[65] Carolina Vergel Tovar, «Entre lutte armée et féminisme: quelques réflexions à propos des femmes combattantes en Colombie»,  Revista Derecho del Estado, no 19, 2012.

[66] Camille Boutron, «La question du genre en situation de conflits armés: l’expérience des femmes combattantes au Pérou», Presses de Sciences Po, no 60, 2013/3, p.52.

[67] Dietrich, loc. cit., p.363-365.