Par Alyson Blaquière, candidate à la maîtrise en histoire à l’Université Laval
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Rassemblement lors du Congrès mondial acadien de 2009, tenu dans la péninsule acadienne au nord-est du Nouveau-Brunswick. Source : Archives Acadie-Nouvelle
Dès leur première édition en 1994, les Congrès mondiaux acadiens (CMA)[1] transforment en enjeu majeur la définition même de la communauté acadienne. Ils questionnent l’image traditionnelle d’une Acadie ancrée dans un espace essentiellement limité aux Maritimes pour tenir compte du fait que les Acadiens ont essaimé un peu partout après la Déportation de 1755, du Canada à la France, en passant par les États-Unis, l’Angleterre et les Antilles. Au fil du temps, différentes communautés se sont alors développées, se forgeant des identités spécifiques tout en empruntant aux cultures environnantes. Lors du premier CMA de 1994, plusieurs questions sont donc lancées. Tous ces foyers participent-ils au projet identitaire acadien ? Existe-t-il une « Grande Acadie » qui s’étend par-delà les frontières nationales ou la véritable Acadie se limite-t-elle à son berceau des Maritimes ? À travers l’étude du Congrès de 1994, nous analyserons les débats qui opposent les partisans d’une Acadie « transnationale » disséminée dans l’espace à ceux d’une Acadie « nationale » bien ancrée dans un territoire homogène.
Nous définirons d’abord les notions « identité », « national » et « transnational », puis nous montrerons de quelle manière la communauté acadienne en vient à placer le transnational au cœur de sa définition identitaire. Finalement, nous exposerons le discours de la « Grande Acadie » mis de l’avant par le CMA avant de présenter les critiques de ses détracteurs. Pour tenter de cerner au mieux l’importance de la perspective transnationale dans ces débats, nous baserons notre analyse sur les actes des conférences et des tables rondes du Congrès de 1994 qui ont abordé divers thèmes, par exemple : communications, culture, patrimoine, économie et éducation[2]. Ces documents se révèlent pertinents, car ils reflètent une redéfinition de l’identité acadienne qui traduit le désir d’inclusion de la diaspora.
L’identité, le national et le transnational : trois concepts clés
En ce qui concerne le concept d’identité, nous nous inspirerons surtout de l’approche du sociologue Fernand Dumont. Selon lui, ce sont notamment les idéologies, l’histoire et la littérature d’une nation qui participent à construire son identité. En ce sens, l’identité acadienne ne peut être pensée en tant que telle qu’à partir du milieu du XIXe siècle. Sa première manifestation prend la forme de la publication, en 1847, du poème Evangeline d’Henry Longfellow (traduit en français par Pamphile Le May en 1865)[3]. D’autres référents identitaires nationaux sont ensuite adoptés pendant les Conventions nationales des années 1880 : la fête nationale, le drapeau, l’hymne, l’insigne et la devise[4]. Puis, dans un autre ordre d’idée, considérant l’apport des influences et des affinités intercommunautaires dans la construction identitaire acadienne, rappelons que le sociologue Michel Castra précise que les interactions sociales façonnent les identités collectives. Celles-ci, selon lui, « trouvent leur origine dans les formes identitaires communautaires où les sentiments d’appartenance sont particulièrement forts (culture, nation, ethnies…)?»[5]. Cette thèse de Castra nous sera utile pour comprendre comment la diaspora acadienne développe parallèlement des sentiments d’appartenance envers l’Acadie ainsi qu’envers d’autres communautés ethnoculturelles. Les Acadiens de la diaspora se perçoivent des affinités avec différents groupes, ce qui influence leur processus de construction identitaire[6].