Julien Lehoux[1], Université du Québec à Montréal
Le néophyte qui aimerait s’initier aux études chinoises risque souvent d’être intimidé par la présence importante de la poésie dans les textes de première main. Outre la barrière naturelle de la langue, la poésie chinoise recèle moult subtilités dans sa conception structurelle, en plus de nombreuses références à la longue histoire du pays. Faire l’étude du militantisme chinois devient donc un double défi tandis que les messages politiques se mêlent aux métaphores littéraires et aux référents historiques. Certaines particularités et subtilités du communisme chinois, de ses modestes débuts à l’avènement de son régime, peuvent ainsi être perdues d’une étude historique à l’autre. De fait, la poésie, primée par plusieurs militants de l’époque, a parfois tendance à être mise de côté dans les études sur le sujet. En présentant une série de poèmes traduits, le récent ouvrage anthologique de Gregor Benton, Poets of the Chinese Revolution[1], est ainsi une addition bienvenue dans les études sur le communisme chinois.
Benton est professeur émérite du département d’histoire à l’université de Cardiff. Dans le cadre de Poets of the Chinese Revolution, Benton s’est principalement chargé de la compilation, de la traduction et de la présentation des poèmes. Son collègue, Feng Chongyi, grand spécialiste de l’histoire intellectuelle de la Chine contemporaine, l’accompagne quant à lui dans l’édition de l’ouvrage.
Benton met quatre auteurs de l’avant : le cofondateur du Parti communiste chinois Chen Duxiu, le prisonnier politique Zheng Chaolin, le commandant d’armée Chen Yi et le père de la révolution Mao Zedong. L’intention de Benton est de prendre quatre personnes dont la vie et la carrière ont été définies par l’avancée du communisme, mais dont les trajectoires sont complètement différentes. En faisant une lecture critique de leurs poèmes, rédigés tout au long de leur vie, Benton tente de souligner la pluralité artistique des adhérents du communisme chinois et la juxtaposition de leur vie et de leur idéologie que les poèmes expriment. Poets of the Chinese Revolution veut ainsi démontrer l’importance de la poésie chez les militants chinois et le processus créatif derrière leur écriture. C’est en étudiant ces éléments que nous pouvons découvrir une autre facette de ces auteurs. Nous pourrions cependant blâmer le manque d’auteures dans la sélection de Benton. En effet, des perspectives féminines auraient été bien accueillies dans son recueil. Les poèmes de la prisonnière politique Lin Zhao, par exemple, se seraient bien mêlés et comparés à ceux de Zheng Chaolin. Les textes de la révolutionnaire He Xiangning auraient aussi fait un contraste intéressant avec ceux de Chen Duxiu.