Par Philippe Néméh-Nombré, doctorant en sociologie à l’Université de Montréal et membre du comité éditorial de la revue HistoireEngagee.ca
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Le Marron Inconnu de Saint-Domingue. Crédit : Kristina Just (Flickr).
Chacune des chroniques éditoriales d’HistoireEngagee.ca permet de suivre le fil. En 2016, un rythme de publications soutenu ainsi qu’une équipe renouvelée, agrandie, une formule de dossiers thématiques repensée et des textes explicitant de différentes façons le rapport entre leurs objets d’études et les préoccupations actuelles. Au printemps et à l’été 2017, un lectorat grandissant et un ensemble de textes opérant une rupture par rapport à la consolidation des récits dominants, de leurs mécanismes et mécaniques. Quelques mois plus tard, à l’automne 2017, l’histoire engagée comme outils d’analyse et de compréhension de différentes expériences et réalités contemporaines et une équipe qui, finalement, multiplie les efforts pour rompre — et se demander comment rompre — avec l’invisibilisation de différentes histoires et la silenciation de différentes voix. L’exercice de la chronique éditoriale rétrospective, chez HistoireEngagee.ca, en est un de médiation.
Il s’agit, d’abord, de mettre en balance d’un côté ce qui relève de l’unicité de la revue, sa spécificité qui se maintient dans le temps, et de l’autre ce qui atteste de son mouvement, de son ouverture et de sa capacité à être modifiée et co-construite par les circonstances, nouveautés et contributions. C’est un processus, si on veut, de configuration rétrospective et donc narrative qui propose, dans les mots de Paul Ricœur, une « synthèse de l’hétérogène ». En même temps qu’elle suggère une connexion spécifique entre les différents textes et multiples contributions, les événements de l’actualité et les changements dynamiques au sein de la revue, la chronique éditoriale raconte HistoireEngagee.ca. Ou plutôt, HistoireEngagee.ca s’y raconte, s’y imagine, s’y crée et s’y recrée selon les sensibilités de la — ou des — personne qui s’en charge. Et en ce sens, cette composition narrative provisoire et toujours à refaire ne suggère pas seulement une rétrospection; un peu comme chacun des textes qu’elle fédère, elle propose également un mouvement entre ce que la revue ainsi présentée est et fait et ce que la revue ainsi imaginée pourrait être et pourrait faire.
C’est en suivant ce mouvement que cette chronique éditoriale commence là où la dernière s’est arrêtée, là où Christine Chevalier-Caron et Pascal Scallon-Chouinard suggéraient de comprendre, selon les dynamiques spécifiques et les forces en présence à l’automne 2017 et au début de l’hiver 2018, la vitalité réactualisée et renégociée d’HistoireEngagee.ca. Une vitalité, il va sans dire, traversant nécessairement la forme discursive et l’intention, propre à la revue, d’investir simultanément différents espaces de manière à rompre avec la hiérarchisation et le confinement des perspectives et lieux d’élocution – spécialement ceux de l’académie qu’elle cherche à investir en les sublimant. De manière, autrement dit, à faire émerger et engager la discipline historique dans des enjeux contemporains, là où ils adviennent et sont vécus. Mais surtout, une vitalité qui s’est déployée plus particulièrement, dans ce contexte, non seulement dans une histoire critique des groupes dominants et de leurs récits, mais également dans la réactivation d’histoires, d’expériences et de savoirs subjugués. Dans le passage d’une critique multiforme des mécanismes de pouvoir et de domination en place dans la discipline historique (comme dans le projet scientifique plus généralement) et dans la mise en circulation du savoir qui en résulte, vers un travail plus performatif, éventuellement transformateur, de (re)valorisation et de (ré)émergence de ce qui est représenté et vécu autrement.
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