Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

Étiquette : Histoire autochtone Page 2 of 6

L’histoire des pensionnats de l’Ouest est une histoire québécoise

Par Catherine Larochelle, membre du comité éditorial de la revue HistoireEngagée.ca

Le passage de l’identité canadienne-française à l’identité québécoise au tournant de la Révolution tranquille et dans le contexte des décolonisations a été un prétexte parfait pour enterrer le plus profondément possible l’histoire partagée de la province francophone avec l’Ouest du pays. Au même moment, le recentrement de l’histoire dite nationale à l’intérieur des frontières provinciales a accentué ce phénomène, de sorte qu’aujourd’hui, une bonne part de la population éduquée depuis cette époque ne fait pas le lien entre le Québec et la colonisation de l’Ouest.

Si les médias commencent à parler des pensionnats établis au Québec au 20e siècle, trop souvent encore, lorsqu’on évoque le rôle joué par les “Québécois” dans des tragédies comme celles de Kamloops, dans les pensionnats de l’Ouest, on reçoit ce genre de réponses:

  • “C’était le fédéral” (comme si la population québécoise n’élisait pas des députés fédéraux qui participaient au gouvernement … rappelons-nous Hector-Louis Langevin)
  • “C’était l’Église et l’Église a aussi opprimé la population canadienne-française” (comme si les religieux et religieuses n’étaient pas canadiens-français… rappelons-nous Albert Lacombe)
  • “On a subi tout autant le joug britannique. Les Français étaient amis avec les Autochtones” (comme si la volonté d’éliminer ces populations n’avait pas commencé au 17e siècle… rappelons-nous le récit de l’âge d’or de la Nouvelle-France).

Du haut de sa tribune populaire, Mathieu Bock-Côté écrivait précisément ceci il y a quelques jours.

Et pourtant.

L’histoire des pensionnats de l’Ouest est une histoire québécoise. L’histoire du génocide canadien est une histoire québécoise.

Le barrage hydroélectrique et le manteau de fourrure

Clarence Hatton-Proulx, doctorant en histoire et en études urbaines à l’Institut national de la recherche scientifique & Sorbonne Université

Photographie: Pleupleloup, N/d, Couche de soleil du la route de la Baie-James. CC BT-SA 2.0.

Dans le placard de ma grand-mère, j’ai trouvé un beau manteau de fourrure, entre les chapeaux à froufrous et une machine à coudre Singer. De la fourrure de castor canadien français. Ce manteau m’a planté devant un cruel dilemme moral. Le porter revenait à célébrer de manière ostentatoire la domination des humains sur le monde animal. Mais j’hésitais à le mettre dans le sac poubelle avec les autres reliques poussiéreuses du garage. Parce que les castors qui avaient donné leur peau pour ce manteau avaient déjà rendu l’âme. Puisque le mal était fait, pourquoi ne pas faire œuvre utile de ce manteau, chaud et réconfortant, particulièrement durable et résistant ? À l’ère du polyester cheap, ça m’a fait réfléchir.

Le dilemme du manteau de fourrure, c’est un peu celui de l’énergie dans le Québec contemporain. Sujet rébarbatif pour la plupart, la question énergétique a été la source récente de deux productions culturelles remarquables par leur esprit de vulgarisation qui n’évacue pas la complexité et la contradiction. La première est J’aime Hydro, une pièce de théâtre documentaire de Christine Beaulieu et Annabel Soutar à grand succès qui a ensuite été publiée sous forme de livre chez Atelier 10. Elle explore le cheminement intellectuel de Christine Beaulieu autour de la place d’Hydro-Québec dans la société québécoise, partant d’un désintérêt pour ce sujet pour mener vers une érudition et un intérêt contaminant.[1] La seconde, Transmission, est une baladodiffusion de Radio-Canada qui raconte le voyage à la baie James par Annie Desrochers et trois de ses garçons.[2]

À leur façon, ces deux œuvres posent la question suivante : que faire de l’héritage hydroélectrique québécois? Car celui-ci est inconfortable. Comme le manteau de fourrure, il repose sur la dépossession territoriale des Autochtones et le bouleversement de systèmes écologiques. Mais, comme le manteau de fourrure, il reste relativement durable et nous maintient au chaud. L’hydroélectricité, c’est aussi un objet sentimental, dont on ne se débarrasse pas sans pincement au cœur. Elle fait partie de l’identité québécoise, de ses contradictions et de ses déchirements.

Quand J’aime Hydro commence, Christine Beaulieu ne semble pas particulièrement préoccupée par la question énergétique : elle est informée des dégâts environnementaux causés par la construction des barrages de La Romaine, situation qui la perturbe sur le moment mais qu’elle oublie ensuite. Quand Annabel Soutar lui propose un projet de théâtre sur la question, Christine Beaulieu ne se sent pas apte à mener une telle enquête dont l’envergure semble écrasante pour une profane. Le déclic vient finalement quand elle comprend la force du le lien qui unit Hydro-Québec et le projet nationaliste québécois, dont le Premier ministre René Lévesque a été le moteur pour l’un comme pour l’autre. Si Hydro-Québec a un jour rendu les Québécois·es francophones « maîtres chez nous », impossible pour Christine Beaulieu de rester indifférente. Pas d’amour sans dépendance.

L’existence d’Hydro-Québec dépend de la construction de nouvelles installations électriques : dans la pièce, on appelle ça le complexe du castor. Les nouveaux projets sont justifiés par des projections d’évolution éternellement croissante de la demande en électricité et de son prix de vente. Les responsables d’Hydro-Québec mettent en avant l’exportation de l’électricité renouvelable québécoise vers l’Ontario et le nord-est des États-Unis, censée remplacer des sources d’énergie carbonées dans leur mix électrique. Les surplus produits viendraient aussi répondre aux quelques pics de consommation annuels qui obligent Hydro-Québec à importer de l’électricité des territoires voisins à des coûts faramineux. 

Christine Beaulieu, éclairée par l’avis des expert·es qu’elle consulte pour former son opinion, remet en question cette position. Premièrement, elle estime que l’efficacité énergétique des bâtiments est une solution importante pour répondre à la hausse de la demande sans nécessiter de construction supplémentaire. C’est surtout par la rénovation du cadre bâti que passe l’efficacité énergétique puisqu’une meilleure isolation permet de réduire les inefficacités de chauffage. Mais, surtout, son argumentation se base sur une conception d’un futur technologiquement sophistiqué qui ne fera plus de place à l’hydroélectricité rendue obsolète. L’avenir énergétique est fait de nanotechnologies, de fusion nucléaire et de microcentrales collées sur les fenêtres des maisons, pas de grosses turbines et de barrages dépassés.

Les héritiers de l’oubli : autour de Thou Shalt Forget avec Pierrot Ross-Tremblay

Pierrot Ross-Tremblay est Titulaire de la Chaire de recherche en traditions intellectuelles et autodétermination autochtones et professeur à l’Institut de recherche et d’études autochtones de l’Université d’Ottawa;

Philippe Néméh-Nombré est candidat au doctorat en sociologie à l’Université de Montréal

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Couverture du livre

Pierrot et moi nous écrivons depuis bientôt un an au moment où parait Thou Shalt Forget, en novembre 2019 aux presses de l’Université de Londres. Nous nous écrivons au sujet du livre, justement, de sa parution prochaine, de ce qu’il représente, mais aussi, dans les mots ou dans ce qui leur échappe, du dialogue et des proximités possibles. Se parler, s’écouter, se comprendre. Parler ensemble, écouter ensemble, se comprendre ensemble peut-être. Je reçois le livre quelque part en octobre et le dévore; il est difficile et beau, il est précis, je l’approche de l’extérieur et en même temps il me parle tout près. Les dynamiques dont il est question m’apparaissent à la fois si insaisissables dans leur matérialité géohistorique et si familières quant à leur écho. Avec et au travers de l’expérience d’Essipit et des Essipiunnuat[1], Thou Shalt Forget traite des dimensions psychologiques du colonialisme et contextualise la production coloniale de l’oubli. Le 19 novembre 2019 à Tiohtià:ke, nous nous retrouvons dans un petit café pour en discuter.

Atamit anite ka ishpitenitakuak shipu

Utakunikana kie ka tshitshipanitat Fanny “Aïshaa” (Ipet Muanan ka innushtat umenu)

Ute nukushu Menissa Muanan-Dupuis, ishkueu an ka ishinakuannit tshetshi nishtuapamakanit kie ka ashinet, innushkueu, ukaumau, utshimashkueu mak ka pimutatat innu-aitunnu.  Menissa, uin ka uitshiaushit ka tshitshipanitat atusseunnu eshinikatenit Idle no More ute « Uepishtikueiau-assit ». Ume akunikan ka tutuakanit, utshipanu anite peikuau e tshishkutamashut, ka ishinikatenit ‘Projet Rioux’, nete uinuat shipit Saint-Laurent, Bic ka ishinikatakanit assi, anite enukuak nipi e mamunikuiat. Ui nukutakanu eshinakuak assi anite shipu uinuat kie ne shipeku ka ishinikatet Saint-Laurent. Unashinatauakanipan ne Menissa miam ashuapamaushupan, nenua ushkat utauassima. Ui uapatiniuenannipan eshpish minuashinit kie tekuannit utipenitamunuau ishkueuat ka takunahk nipinu, ka patshitinahk inniunnu kie ka nakatuapatahk nipinu.

Nipi e nakatuapatakanit, kassinu nenu ishkueuat utatusseunuau ka mishta-ishpitenitakuannit. E ashuapamaushunanut issishuemakan shaputuepanu inniun mak ishinakuan tshetshi nakatuapatakanit, tshetshi kau itishinakanit anite shipit, ne ka mishat shipu ka tapishimikuiaku, e ukaumauiaku nuash anitshenat tshitanishinanat. Eukuan an ashit tshekuan ka nakatamakauiaku, ka inniuimakak tshekuan, ka nukuak ka tapuenanut, nipi e inniuimakak ka takuak neme ushkat ka tshitshipanit innuat e taht, ka ishinakuak tshitatusseunnu tshetshi nakatuapatamak tshetshi shaputuepanit e nashatak meshkananu nete nikan tshetshi aianishkat auenitshenat tshe taht takuannit nipinu.

Neme ka nukuak shipeku anite unashinataikanit, eukuan ua tshissitutamunikauiaku e tapitiki neni assia kie ne nipi. Anite akuashkuaikanit, ui uapatiniuenanu tan ka ishinakuak assi ka utinakanit ka pikunakanit mak ashit tan eshinakuak eshpish takuaki tshekuana, ne e uinakutakaniti nipia, ka katshitaukuht mishta-mitshet auenitshenat mak aueshishat. Ka utinakanniti utassiuaua innuat ka pikunakanniti nenua utipenitamunuaua, ne nanimissiu-ishkuteu e tutakanit, atamit ua itashkamutakaniti kutashkueua tshetshi pimikaut pimi mak e pimishkaht ishkuteu-utat, ne eshpish ui shuniatshenanut ute Kanata-assit katshitaikanu ne assi, aituna, e nishtuapamitishut auen, aimuna kie kutaka tshekuana. E nukutakanit inniun ka takuak anite atamit shipekut, anite ut innushkueu utatusseun ui nukutakannu eshi-tapishiniht ishkueuat mak nipinu kie assinu.  Mak e ui uapatiniuenanut ka ishpish manenitakaniti assia mak ne nipi tapitin anite etashiht innushkueuat e matshi-tutuakaniht.  E tshishtakanit, ne unashinataikanit ui nukuiakanu Menissa mak anitshenat ka ushkuiht ka nakatuapatahk nipia ka shaputuepaniht e natukuitaht nipinu mak ka tutahk inniunnu tshetshi shaputue takuak, shaputuepanit.

Nimishta-ashinen katshi peshauak Menissa Muanan-Dupuis. Nete Ekuanitshit utshipanu. Nitishpitenimau etenitakushit: pimutatau aitunnu, apashtau kamatau-pikutakannit, ka aiminanunit, akunikana, aiatshimuna mak tipatshimuna uetshipaniti nete Nitassinan (innuat unatau-assiuaua). Nenu ka nashatak tshekuannu mak utatusseun eshakumitshishikua e uitshi-atussemat mitshet innu-assi, innu-utshimaua, mashinaikanitshuapa mak atusseuna e tutakaniti tshetshi ait apishish ishinakuak neme ua itsheuenakannit anitshenat ushkat ka utinamuaht innua utipenitamunnua.

Ume anutshish ne assi Kanata ka tshissinuatshitat peikumitashumitannuepipuna ashu patetat-tatunnu eshpish takushiniht anitshenat ka tshimutiht assinu, nui patshitineti ume aimun tshetshi nashkumikau anitshenat ka tshishpeuatahk, ka nakatuapatahk inniunnu mak ka ishinniunnanunit kie tshetshi minuinniuniti aianishkat tshe petuteniti. Ne akunikan eukuannu ashit tshe ut tshi nashkumikau auenitshenat nikan ka taht eshamitshishikua ka mashikak nenua atusseuna eka ka minuaniti mak ka tutahk tshetshi mishkutshipaniti aituna kie tshe uitshikuht e nakatuapakahk inniunnu nete nikan, aianishkat innuat, nishuasht-tatuau nete nikan tshe takushiniht aianishkat auenitshenat.

Biographie

Fanny “Aïshaa” ka matau-pikutasht an, e peikussit ka tshishkutamatishut, ka peshaitshet anite ashtamitat kie ka mishta-minuatak etatusset. Kassinu anite eshi-pikutat ui tutamu tshetshi tshikanakuannit kie tshishkutamatishunanunit mitshet eshinniunanunnit, tshissenitamuna, atusseuna mak tan tshe itatussenanut tshetshi nikan ashtakanit inniun, kuishku ishinakutakanit innu utatusseun mak tshetshi ishpitenitakanit eshinakuak assi.

Aimun : Ume peshaikan utshipannu anite utakunikana Menissa ka tutat MADOC.

Les lectures suggérées

The Kino-nda-niimi Collective, eds. The Winter We Danced: Voices from the Past, the Future, and the Idle No More Movement. Winnipeg, MB: ARP Books, 2014.

LaDuke, Winona. The Winona LaDuke Chronicles: Stories from the Front Lines in the Battle for Environmental Justice. Black Point, NS: Fernwood Publishing, 2017.

Lambert, Vincent, and Isabelle Miron, eds. J’écris fleuve. Montréal: Leméac, 2015.

Manuel, Arthur, and Grand Chief Ronald M. Derrickson. Unsettling Canada: A National Wake-Up Call. Toronto: Between the Lines, 2015.

Nametau Innu. “Territory : Nitassian.” Nametau Innu. http://www.nametauinnu.ca/fr/culture/territoire.

Pour plus de suggestions de lectures, voyez le site du Graphic History Collective.

 

Douze mille lunes

Affiche par Angela Sterritt

Texte par Erica Violet Lee

Traduction par Florence Prévost-Grégoire

Quand je serai vieille, je te raconterai que je me rappelle avoir dansé. Que je me souviens des cérémonies matinales à Squamish, xʷməkʷəθkýəm, sur le bord de l’eau à Tsleil-Waututh, d’avoir occupé les centres d’achats à amiskwaciwâskahikan, d’avoir organisé des protestations nocturnes à Iqaluit, et du chef qui installait le camp à côté de cette drôle de petite flamme de béton.  

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