Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

Étiquette : Histoire orale

Les héritiers de l’oubli : autour de Thou Shalt Forget avec Pierrot Ross-Tremblay

Pierrot Ross-Tremblay est Titulaire de la Chaire de recherche en traditions intellectuelles et autodétermination autochtones et professeur à l’Institut de recherche et d’études autochtones de l’Université d’Ottawa;

Philippe Néméh-Nombré est candidat au doctorat en sociologie à l’Université de Montréal

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Couverture du livre

Pierrot et moi nous écrivons depuis bientôt un an au moment où parait Thou Shalt Forget, en novembre 2019 aux presses de l’Université de Londres. Nous nous écrivons au sujet du livre, justement, de sa parution prochaine, de ce qu’il représente, mais aussi, dans les mots ou dans ce qui leur échappe, du dialogue et des proximités possibles. Se parler, s’écouter, se comprendre. Parler ensemble, écouter ensemble, se comprendre ensemble peut-être. Je reçois le livre quelque part en octobre et le dévore; il est difficile et beau, il est précis, je l’approche de l’extérieur et en même temps il me parle tout près. Les dynamiques dont il est question m’apparaissent à la fois si insaisissables dans leur matérialité géohistorique et si familières quant à leur écho. Avec et au travers de l’expérience d’Essipit et des Essipiunnuat[1], Thou Shalt Forget traite des dimensions psychologiques du colonialisme et contextualise la production coloniale de l’oubli. Le 19 novembre 2019 à Tiohtià:ke, nous nous retrouvons dans un petit café pour en discuter.

Habiter les archives : le point de vue d’un non-historien

Par Jean-Vincent Bergeron-Gaudin, doctorant en science politique à l’Université de Montréal
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Archives FRAPRU (Crédit : Jean-Vincent Bergeron-Gaudin)

 

Lorsque les responsables de la rubrique Chroniques d’archives m’ont contacté pour sonder mon intérêt à écrire un texte sur la collecte documentaire que j’ai menée pour ma thèse, j’ai dans un premier temps hésité. En tant que politologue et non-historien, quelle pouvait être ma contribution aux débats épistémologiques et méthodologiques d’une discipline qui n’est pas la mienne? Après avoir lu les premières chroniques publiées à l’automne, j’ai pris conscience que le rapport privilégié que j’ai développé avec mes sources, en dépit de ses singularités, présentait plusieurs points communs avec celui que les historiens.nes peuvent eux et elles-mêmes entretenir. Ainsi, mon hésitation de départ a rapidement fait place à une curiosité et une volonté d’explorer ce rapport particulier, voyant dans cette offre une occasion de faire un retour réflexif sur mes deux années passées dans les archives à documenter l’histoire des luttes relatives au logement au Québec (1978-2017).

Partant de ma posture de non-historien, je souhaite dans ce texte revenir sur un certain nombre d’apprentissages réalisés au fil de ces deux années. Je discuterai de la délicate question de la classification des archives, de l’importance du volume de documents traités et de l’intérêt d’utiliser des sources orales de manière complémentaire à des sources écrites. Tout au long du texte, j’essaierai aussi d’accorder une attention particulière au rapport sensible que j’ai développé envers mes sources.

Une libération rêvée!

Par Maurice Demers, professeur à l’Université de Sherbooke et directeur de la revue HistoireEngagée.ca[1]

Le Marron Inconnu de Saint-Domingue. Crédit : Kristina Just (Flickr).

Le peuple haïtien a lutté tout au long de son existence pour conquérir sa liberté : il y a d’abord eu l’abolition de l’esclavage en 1794, ensuite la déclaration d’indépendance en 1804 (première république noire libre au monde), puis l’opposition à l’impérialisme (français et étatsunien) et l’insurrection contre les dictateurs qui ont marqué son histoire politique. Depuis 1942, des centaines de missionnaires québécois sont allés en Haïti pour évangéliser la population et appuyer l’Église locale, mais aussi pour accompagner le peuple dans sa quête d’émancipation. L’expérience de Sr Marie-Paule Sanfaçon en Haïti, de 1971 à 1990, nous renseigne sur sa rencontre avec le peuple haïtien et sur ce que les missionnaires ont tenté de semer dans ce pays. Nous nous sommes entretenus avec Sr Marie-Paule pour recueillir ses réflexions sur son expérience missionnaire.

Ce qui est d’abord ressorti de notre entretien, c’est tout l’amour que Sr Marie-Paule a pour le peuple haïtien. Elle nous a confié : Le peuple haïtien nous rentre dans la peau, il est très attachant. Après avoir appris le créole, interagi avec les jeunes et côtoyé les Haïtiens et Haïtiennes tant en ville qu’à la campagne, Sr Marie-Paule s’est si bien intégrée à son pays d’adoption qu’elle aurait aimé y passer le reste de ses jours.

Elle a d’abord enseigné la catéchèse, l’anglais, la géométrie et le dessin à l’école normale du Cap-Haïtien. Elle nous explique que le père Yves Bélizaire, curé au Trou-du-Nord, lui a ensuite demandé de travailler à la pastorale paroissiale. Après un bref séjour au Canada, elle accepte l’invitation de Mgr François Gayot qui réclame ses services au Cap-Haïtien pour s’occuper de la catéchèse. Si elle juge sa contribution humblement, Sr Marie-Paule a quand même réussi à toucher, par la formation transmise dans ses cours, des centaines de filles et de garçons haïtiens.

Retour sur la journée d’étude « L’histoire orale en vaut-elle la peine ? Avantages et contributions d’une pratique en milieu francophone »

Andréanne LeBrun, candidate au doctorat en histoire à l’Université de Sherbrooke

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Affiche de la journée d'étude.

Affiche de la journée d’étude.

Le 10 avril dernier s’est tenue à Sherbrooke une journée d’étude portant sur l’histoire orale coorganisée par les candidates à la maîtrise en histoire Myriam Alarie et Christine Labrie ainsi que par la professeure Louise Bienvenue. Constatant depuis la dernière décennie un regain d’intérêt à l’endroit de cette pratique de la part des historiens québécois (en témoignent notamment la création du Centre d’histoire orale et de récits numérisés de l’Université Concordia (CHORN) en 2006 et la parution prochaine d’un numéro spécial de la Revue d’histoire de l’Amérique française sur les sources orales), elles proposaient de s’interroger sur ses avantages, ses limites et ses perspectives d’avenir. Si l’histoire orale se prête bien à la multidisciplinarité, les organisatrices ont choisi de rassembler uniquement des historiens afin de réfléchir sur les réticences qui semblent être le propre de leur profession. C’est donc dans une ambiance décontractée que 15 intervenants d’horizons variés ont puisé dans leur expérience pour répondre à la question « L’histoire orale en vaut-elle la peine ? ». Saluons le fait qu’il s’agisse d’un des rares évènements du genre en histoire à être consacré à des enjeux d’ordres méthodologique et épistémologique.

Dans son mot d’introduction, Louise Bienvenue distinguait les experts de l’histoire orale des explorateurs, qui ont croisé cette pratique sur leur route un peu par hasard. Je m’inscris dans cette seconde catégorie. Par conséquent, c’est en toute humilité que ce compte-rendu entend partager les réflexions qui sont ressorties de cette journée stimulante avec ceux et celles qui n’ont pu y assister.

« C’est notre médicament l’environnement ! » Individuation et support territorial en contexte autochtone

Par Brieg Capitaine, professeur adjoint au département de sociologie et d’anthropologie de l’Université d’Ottawa

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Photo de l'auteur.

Photo de l’auteur.

Nous ne savons pas où nous allons. Nous savons seulement que l’histoire nous a conduits à ce point […] Si l’humanité doit avoir un semblant d’avenir, ce ne saurait être en prolongeant le passé ou le présent. Et la rançon […] du refus de changer la société, ce sont les ténèbres » Eric Hobsbawm, L’âge des ténèbres.

Introduction

Cet article a pour objet le rapport que les Innus entretiennent au territoire. Il est convenu d’accepter l’idée selon laquelle les peuples autochtones entretiennent un lien inextricable au territoire[1]. Il constituerait en quelque sorte la « matrice de culture autochtone »[2]. Cependant, la sédentarisation, les politiques assimilationnistes successives – notamment celles des pensionnats indiens – ou la dépendance économique vis-à-vis des paiements de transferts dans les réserves constituent autant d’expériences vécues par les individus comme des bouleversements voire des traumatismes ayant affecté en premier lieu leur rapport au territoire. Ainsi, les récits de vie que j’ai pu collecter montrent que l’attachement à la terre de certains Innus a été détruit. Certains racontent également comment ils ont reconstruit ce lien au territoire de manière parfois surprenante. À partir d’une approche compréhensive[3], nous nous attacherons à explorer le sens que le territoire recouvre pour les Innus appartenant à la génération du pensionnat et qui sont âgé aujourd’hui de 45 à 65 ans. Quel sens possède le territoire traditionnel pour cette génération d’hommes et de femmes dont l’identité leur a été « volée » ? Cette présente contribution s’inscrit dans un mouvement plus large de recherches qui visent à éclairer les conséquences culturelles et sociales des pensionnats autochtones[4].

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