Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

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Grand entretien avec Sandrine Kott*

Sandrine Kott est professeure d’histoire contemporaine de l’Europe à l’Université de Genève depuis 2004 et professeure invitée à la New York University depuis 2018. Spécialiste d’histoire sociale, elle s’intéresse particulièrement à l’histoire du travail, de la philanthropie et des politiques sociales. Dans la première partie de cet entretien qu’elle a accordé à Sandrine Labelle, Sandrine Kott discute de ses recherches sur l’État social allemand à la fin du XIXe siècle. Elle aborde également ses travaux sur la République démocratique allemande (RDA), qui proposent une histoire « par le bas » de la dictature communiste durant la guerre froide. Dans la deuxième partie de l’entretien, Sandrine Kott revient sur ses travaux portant sur les organisations internationales comme lieu de circulation des savoirs en matière économique et sociale. Elle discute principalement de son plus récent ouvrage, Organiser le monde, une autre histoire de la guerre froide, paru aux Éditions du Seuil en 2021.

Une histoire de l’État « au ras de la société » 

Sandrine Labelle (SL) : Dans vos travaux sur l’État social allemand, vous proposez une manière novatrice d’appréhender l’histoire de la formation de l’État social, afin de rompre avec une approche que vous jugiez à l’époque trop centrée sur les « fabricants » des politiques sociales. Qu’est-ce qui vous a motivée à adopter une telle approche? Dans quelle mesure vous a-t-elle permis de proposer une nouvelle lecture des politiques sociales allemandes?

Sandrine Kott (SK) : Pour mon mémoire de master et pour ma thèse, je me suis d’abord intéressée à l’Alsace, connue dans la deuxième moitié du XIXe siècle comme la « région des philanthropes ». Je me suis m’intéressée à cette région en tant que laboratoire de la philanthropie patronale. J’ai vite constaté que celle-ci avait pour résultat et peut-être même pour fonction une consolidation des rapports de domination entre le patronat et les ouvriers. J’ai ensuite voulu savoir si ces équilibres sociaux avaient été transformés par le développement des politiques sociales allemandes à la fin du XIXe siècle. Ce fut l’objet de ma thèse.

L’assurance-maladie à l’époque de la Grande Dépression : Une analyse historique de la Commission Montpetit

Par Alain Saint-Victor, historien

Rapports de la Commission, 1933 (Crédit : BANQ numérique)

La Commission Montpetit

En décembre 1932, sous la présidence de l’économiste Édouard Montpetit, la Commission des assurances sociales de Québec soumet son septième et dernier rapport au gouvernement du premier ministre Taschereau. L’objectif des commissaires est de faire des recommandations au gouvernement quant au modèle d’assurance-maladie-invalidité qui doit être adopté dans la province. Il y est mentionné que « l’assurance sociale existe [déjà][1]» au Québec et qu’elle est libre contrairement à celles qui existent dans certains pays européens. Pour le gouvernement, une comparaison entre les deux modèles d’assurance s’avérait nécessaire. Avant même d’effectuer les recommandations en vue de procéder à une législation, la Commission a décidé de faire une étude comparative du système qui existe au Québec avec les systèmes européens.

Au départ, il s’agit pour la Commission de centrer la discussion sur l’assurance maladie autour de la question de l’obligation ou pas du régime de l’assurance maladie. En aucun cas dans le rapport, il n’est fait mention d’étatiser le système de santé. La question centrale qui a orienté les débats lors des audiences était de voir si l’assurance maladie obligatoire était une option et sinon comment adopter une assurance basée sur la médecine privée qui puisse répondre aux attentes d’une partie de la population.

Débats  

Pour mieux comprendre les recommandations de la Commission, il faut analyser les audiences qui se sont déroulées au cours de son mandat. Dans un mémoire[2] présenté à la Commission, le vice-président du Collège des Médecins et Chirurgiens de la Province de Québec, le Dr. L.-F. Dubé, prend clairement position contre « [l]’étatisme et [l]e collectivisme[3]» auxquels, à son sens, les assurances sociales pourraient mener. S’il est d’accord, en principe, sur l’existence des assurances médicales, il précise les conditions à partir desquelles les médecins doivent y adhérer. Pour lui, la pratique médicale ne peut exister sans le respect des trois principes fondamentaux qui déterminent la profession, soit la liberté de choix et de thérapie du médecin; le secret professionnel, qui ne doit être violé sous aucun prétexte; et enfin les frais médicaux qui doivent être l’objet d’entente seulement et directement entre le médecin et l’assuré.

Cheminement historique de l’institutionnalisation de l’anti-haïtianisme dominicain (1929 -2015)

Par Emmanuel Prezeau, département d’histoire, Institut d’études et de recherches africaines d’Haïti (IERAH), Université d’État d’Haïti (UEH)

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Considérées comme les deux ailes d’un même oiseau, les Républiques Dominicaine et d’Haïti partagent une seule île et devraient chercher des stratégies pour arriver à une cohabitation paisible et complémentaire. Séparée par un peu plus de 300 km de frontière, la République Dominicaine a un niveau de vie considérablement plus élevé que celui d’Haïti, ce qui fait d’elle l’une des premières destinations des Haïtiens.nes fuyant la pauvreté. Pour pallier ce problème de migration les dirigeants dominicains ont mis sur pied un ensemble de stratégies en vue d’empêcher l’intégration des Haïtiens.nes, et la propagation de leur culture dans la société dominicaine. Parmi ces stratégies, figure l’adoption et la publication de l’arrêt TC/0168-13 en 2013 dont le but est de dénationaliser les Dominicains d’origine haïtienne et le lancement de la construction, le 20 février 2022, d’un mur de 170km par le gouvernement dominicain le long de la frontière avec Haïti, en vue de stopper la migration clandestine des Haïtiens.nes fuyant l’insécurité et la misère. Ainsi, cet article propose de mettre en lumière le cheminement historique de l’institutionnalisation de l’anti-haïtianisme en République Dominicaine entre 1929 et 2015.

L’anti-haïtianisme a commencé à être propagé parmi les classes populaires qu’à partir de la période d’industrialisation sucrière et de la culture de la canne, au début du 20e siècle[1]. Ainsi, la propagation de l’anti-haïtianisme crée un sentiment de rejet de l’un et de l’autre peuple chez certains groupes nationalistes dans les deux républiques. Il faut noter qu’en République Dominicaine des actes racistes anti-haïtiens ont été recensés tout au long du 20e siècle, surtout après la délimitation frontalière de 1929. Ces actes de répressions racistes débutent avec le massacre des Haïtiens.nes et de certains Dominicains.nes noirs.es en octobre 1937. Notons aussi les déportations massives en violation des droits humains vers la fin des années 1990. Ainsi, en décembre 1999, les deux gouvernements ont signé un accord sur les mécanismes de rapatriement. Mais malgré cela, au début des années 2000, l’anti-haïtianisme prend une autre dimension. Durant les deux premières décennies du 21e siècle, les Dominicains.nes ont non seulement continué avec les déportations massives ne respectant pas les droits humains, mais aussi des ressortissants.es haïtiens.nes ont été victimes de violences organisées, tués.es ou chassés.es de la République Dominicaine. Puis, dans l’idée d’extrémiser de plus en plus l’anti-haïtianisme et de l’institutionnaliser, un arrêt a été soumis par la présidence dominicaine et adopté par le tribunal constitutionnel en septembre 2013, dénationalisant environ 250 000 Dominicains.nes d’origine haïtienne qui ont acquis la nationalité dominicaine depuis 1929.

Du documentaire au théâtre, note sur deux évènements où l’histoire lesbienne et queer est au-devant

Fallon Rouillier, Candidat.e à la maîtrise en histoire à l’Université du Québec à Montréal

Source : www.pleurerdansdouche.com et ALQ, Fonds; Affiches AHLA, 198.

Alors que la pièce de théâtre Ciseaux, créée et mise en scène par Geneviève Labelle et Mélodie Noël Rousseau, mobilise l’archive au théâtre, le documentaire Amazones d’hier, lesbiennes d’aujourd’hui. 40 ans plus tard, réalisé par Dominique Bourque, Johanne Coulombe et Julie Vaillancourt, constitue en soi un précieux document d’archives. Ces deux initiatives, bien qu’empruntant des perspectives différentes, ont retenu l’attention car elles abordent l’histoire lesbienne et queer dans la sphère culturelle.

La pièce Ciseaux, en salle au théâtre Espace Libre, du 15 novembre au 3 décembre 2022, met en scène des moments marquants de l’histoire LGBTQ2IA2+ à Montréal selon une perspective féministe, portée par deux « lesbo-queer woke », tandis que le documentaire Amazones d’hier, lesbiennes d’aujourd’hui. 40 ans plus tard présenté le 19 novembre 2022 dans le cadre du 35e festival Image+Nation, retrace l’histoire du lesbianisme politique à Montréal.

Source : www.pleurerdansdouche.com et ALQ, Fonds; Affiches AHLA, 198.

Recension de l’ouvrage « Trouve-toi une job ! : petite histoire des luttes pour le droit à l’assurance-chômage » du Mouvement Action-Chômage de Montréal

Par Benoit Marsan, stagiaire postdoctoral au département de sociologie de l’Université McGill et chargé de cours au département de relations industrielles de l’Université du Québec en Outaouais

Fondé en 1970, le Mouvement action-chômage de Montréal (MAC) est un groupe communautaire de défense des droits des travailleuses, des travailleurs et des sans-emploi. Son action s’articule autour de trois axes : l’éducation populaire, la représentation des chômeuses et des chômeurs auprès de Service Canada et l’action collective. Il milite pour un système d’assurance-chômage universel et substantiellement plus généreux. En prévision des célébrations de son cinquantième anniversaire en 2020, l’organisation a entrepris de dépoussiérer ses archives afin d’écrire un roman-feuilleton. C’est dans la foulée qu’est apparue l’idée du livre Trouve-toi une job ! : petite histoire des luttes pour le droit à l’assurance-chômage. Paru en septembre 2022 aux éditions Écosociété, l’ouvrage a pour but de présenter l’évolution du MAC au cours des années, en plus de vouloir retracer une « histoire populaire et ouvrière des sans-emploi de Montréal, mais aussi du Québec » (p. 15). Principalement rédigé par Jérémie Dhavernas, avocat et employé de l’organisation, l’ouvrage est signé MAC afin de souligner la prise de parole des militantes et des militants qui y ont œuvré depuis sa fondation. Quant à son titre, il synthétise les propos désobligeants et basés sur des préjugés auxquels doivent souvent faire face les sans-emploi, et ce, particulièrement lorsqu’ils dénoncent leur condition.

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