Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

Étiquette : Transnationalisme Page 1 of 3

Le Québec dans l’histoire mondiale de la démocratie, 1600-1840

Par Allan Greer, Université McGill

Joseph-François Lafitau, Moeurs des sauvages ameriquains comparées aux mœurs des premiers temps, t. 2, Paris, Chez Saugrain l'aîné ... Charles Estienne Hochereau, 1724, p. 314 [crédit Library of Congress]
Joseph-François Lafitau, Moeurs des sauvages ameriquains comparées aux mœurs des premiers temps, t. 2, Paris, Chez Saugrain l’aîné, Charles Estienne Hochereau, 1724, p. 314 [crédit Library of Congress]

On assiste, depuis un certain temps, à la mondialisation de l’histoire du Québec (ce mot est un anachronisme voulu dans le contexte de la période d’avant 1867 pour désigner le Canada de l’époque de la Nouvelle-France, la « province of Quebec » et le Bas-Canada). En analysant l’histoire du Québec, les historien.nes sont de plus en plus sensibles aux contextes impérial, atlantique, nord-américain et des Amériques, et s’efforcent de chercher les liens qui relient des phénomènes québécois aux grands courants de l’histoire[1]. En même temps, quelques chercheurs.es dans d’autres parties du monde commencent à tourner les yeux vers des cas québécois pour mieux comprendre un passé qui dépasse les limites d’un seul pays. Une série de publications récentes mettent en vedette le rôle du Québec dans l’histoire de la démocratie, terme que j’utilise dans son sens large pour désigner les idées et les gestes en faveur du pouvoir politique populaire. Je voudrais recenser quelques-uns de ces ouvrages qui méritent, à mon avis, plus d’attention de la part des spécialistes québécois.es.

Frantz Fanon, ses luttes et ses temporalités : Autour de Fanon hier, aujourd’hui avec Hassane Mezine

Par Christine Chevalier-Caron, candidate au doctorat en histoire (UQAM) et Philippe Néméh-Nombré, doctorant en sociologie (Université de Montréal)

Image tirée du film Fanon hier, aujourd’hui.

Le 21 mai dernier, à Montréal, le collectif Pour une dignité politique présentait la première canadienne du film Fanon hier, aujourd’hui en présence du réalisateur Hassane Mezine invité pour l’occasion. Mezine, cinéaste et militant de longue date, propose dans ce documentaire une médiation à la fois sensible, difficile et combative entre d’une part les écrits et la vie en lutte de Frantz Fanon et, d’autre part, les mobilisations et présences contemporaines de sa pratique et de sa pensée politiques décoloniales. Des entrevues poignantes, des archives surprenantes, saisissantes même, et un parcours historique et géographique qui renégocient tant les temporalités que les frontières de l’oppression, des hiérarchies raciales et de la colonialité, mais surtout des résistances, des luttes et des solidarités.  Christine Chevalier-Caron et Philippe Néméh-Nombré se sont entretenu.e.s avec lui.

Le Courrier Le Bon-Pasteur en Haïti : entre histoire nationale et transnationale

Par Laurence Bordeleau, candidate à la maîtrise en histoire, Université Laval

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Les missions à l’étranger sont au cœur de l’œuvre apostolique de nombreuses communautés religieuses féminines québécoises. La communauté des Sœurs du Bon-Pasteur de Québec, fondée dans les années 1850, compte parmi les congrégations à s’être embarquées pour l’étranger pour venir en aide aux personnes en difficulté. Principalement dévouées à la cause des femmes et des enfants au Québec, leurs œuvres sociales ont pris des formes variées : elles ont entre autres tenu des centres de réhabilitation pour les femmes à leur sortie de prison, des asiles, des orphelinats et des hôpitaux[1]. Dès leurs premières années, les œuvres caritatives se sont doublées d’une dimension éducative qui sera aussi exportée dans leurs missions à l’étranger en Afrique et en Amérique latine. À l’aube des années 1970, les Sœurs du Bon-Pasteur acceptent l’invitation qui leur a été lancée par l’abbé Willy Romulus pour offrir leurs services en Haïti. Ainsi, elles ont dirigé des dispensaires et des écoles dans près d’une dizaine de villes haïtiennes[2].

À l’heure où les appareils numériques et les plateformes médiatiques pour rester « connectés » à distance abondent, on peut se questionner sur les moyens utilisés par les sœurs pour rester en contact avec leur communauté établie un peu partout dans le monde avant cette ère numérique. Comme bien d’autres congrégations missionnaires l’ont fait, l’administration des Sœurs du Bon-Pasteur de Québec désirait garder ses membres au courant de ses activités à l’étranger. En ce sens, les Courriers Le Bon-Pasteur en Haïti représentent un exemple révélateur des stratégies mises en place par les communautés religieuses durant les années 1970 et 1980 pour cimenter le sentiment d’appartenance de ses membres malgré la dispersion, comme l’exprime l’appel suivant : « Que nous soyons au Canada ou des E.-U., d’Afrique, du Brésil ou d’Haïti, nos cœurs vibrent à l’unisson dans une même joie et une même espérance […] [3]».

La maison d’édition, une source d’histoire transnationale

Par Camille G. Jobin, étudiante à la maîtrise, Université Laval

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Page couverture, du livre «Môman travaille pas, a trop d’ouvrage!», Théâtre des cuisines (1976). Crédit: Les Éditions du Remue-ménage

Dans le cadre d’un travail de séminaire, j’ai cherché les traces d’employées domestiques dans les luttes internationales pour un salaire au travail ménager de 1970-1980 [1]. Bien que je n’aie pas trouvé les pistes espérées, j’ai effectué une découverte tout aussi intéressante. Au fil de mes recherches, j’ai constaté le poids qu’ont eu les publications féministes internationales sur les militantes du Québec. Je me suis ainsi questionnée sur la manière dont ces écrits sont parvenus et ont été diffusés ici. Les maisons d’édition féministes m’ont alors paru occuper une place centrale en tant qu’outil de circulation transnationale des idées. Cette observation a complètement réorienté ma recherche et m’a conduit à m’intéresser aux Éditions du Remue-ménage comme agent de circulation et de diffusion. Comme quoi, il arrive que les sources choisissent pour nous le sujet de la recherche qui les concerne. Cette chronique retrace la réflexion qui m’a mené à considérer le potentiel des archives des Éditions du Remue-ménage pour analyser la circulation transnationale des idées féministes au Québec. 

Histoire transnationale de l’avortement clandestin: récit d’un militantisme féministe d’hier à aujourd’hui

Par Marie-Laurence Raby, Université Laval

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Archives du CLALG (Crédit : Marie-Laurence Raby)

«[…] Je ne peux pas aborder le sujet de l’avortement autrement qu’en femme, c’est-à-dire avec toutes les émotions que ça comporte. Je ne suis peut-être là que pour vous empêcher d’oublier l’essentiel… les êtres humains concernés[1]». Ces paroles prononcées par Lise Payette lors d’un Teach-in sur l’avortement à l’Université de Montréal en mars 1969 trouvent un écho particulier chez l’historienne féministe en moi. Je ne peux à mon tour aborder l’histoire de l’avortement autrement que depuis ma posture de femme, et plus encore de féministe. Penser l’histoire de l’avortement est pour moi autant source d’indignation face aux lois injustes que d’enthousiasme devant la mobilisation des femmes pour cette cause, de colère intense et de joie immense. Cette panoplie d’émotions, parfois contradictoires, donne sens à mes recherches. Malgré les 50 ans qui me séparent du moment de ce discours, l’appel de Lise Payette résonne fort en moi, commandant un devoir de mémoire envers ces femmes qui ont vécu la réalité des avortements clandestins. C’est précisément l’objectif que je me suis donné pour rédiger mon mémoire de maitrise : continuer de faire vivre la mémoire de ces femmes en écrivant (au moins en partie) l’histoire des réseaux clandestins d’avortement québécois depuis 1969.

L’histoire que je veux raconter ici concerne plutôt les archives qui permettent d’appréhender la réalité clandestine de l’avortement. Il s’agit en fait du récit de ma rencontre avec un fonds d’archives en particulier : celui du Comité de lutte pour l’avortement libre et gratuit (CLALG). Le CLALG est un organisme populaire montréalais, d’abord affilié au Centre des Femmes, puis agissant de manière indépendante après la fermeture en 1973 de celui-ci. Il est reconnu pour avoir longtemps assuré un service de référence pour avortement. En 1978, les militantes du CLALG appelleront les autres groupes féministes à se rassembler et à unir leurs forces dans la lutte pour l’accès à l’avortement. Celles-ci fonderont alors la Coordination nationale pour l’avortement libre et gratuit (CNALG), en janvier 1978[2].

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