Un peu de nostalgie

Publié le 3 décembre 2011

Adrien Bérubé

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Drapeau acadien

Avez-vous, comme moi, oublié un anniversaire important ces derniers jours? Le 35e de l’élection majoritaire du Parti Québécois de René Lévesque le 15 novembre 1976? Et pourtant, j’aurais dû y penser, moi qui ai passé la majeure partie de la journée du 15 novembre à discuter d’un autre événement assurément en lien avec l’arrivée au pouvoir de nos cousins indépendantistes. Voyons plutôt.

Cela se passait pendant le weekend de l’Action de grâce, les 6, 7 et 8 octobre 1979. À Edmundston. À la polyvalente A. M. Sormany (pour les ateliers) et au défunt Forum (pour les plénières). La Convention d’orientation nationale des Acadiens. « Le plus grand rassemblement politique » de toute l’histoire acadienne. Le seizième grand ralliement des forces vives de l’Acadie depuis la première convention nationale tenue les 20 et 21 juillet 1881 à Memramcook (première paroisse acadienne fondée au retour de la Déportation). Et, il faut le souligner, la dernière grande manifestation du genre, l’Acadie étant désormais, depuis 1994, en mode Congrès mondial acadien. Car, avouons-le, les C.M.A. sont davantage une grande fête célébrant les réunions de familles à la recherche de leur racine acadienne que de véritables États généraux d’une nation en quête de pouvoirs institutionnels.

Les organisateurs de la CONA d’Edmundston attendaient 2000 délégués et observateurs. Soit environ 1 pour 100 de la population francophone du NB, plus quelques centaines de journalistes et autres visiteurs intéressés, mais sans droit de vote. En fin de compte, 1200 personnes se présentèrent, dont un peu moins de 1000 officiellement habilitées à répondre au fameux « questionnaire » préalablement établi pour sonder les désirs de ces inscrits « représentatifs » du « peuple acadien ».

Mais là: double surprise! Parmi la variété de scénarios étudiés au cours de la fin de semaine, une étonnante tendance se manifeste.

  1. Premier coup de tonnerre : 58,1 % des répondants au questionnaire optent pour un projet « autonomiste » (une province acadienne) comme étant l’idéal à privilégier.
  2. Cet idéal est-il alors perçu comme un simple rêve inatteignable? Deuxième bombe : 46,9 % des répondants au questionnaire sont d’avis qu’un projet autonomiste (une province acadienne) est réalisable (et donc enjoignent l’« élite » à travailler dans ce sens).

Jean-Maurice Simard, alors député conservateur d’Edmundston et président du Conseil du trésor dans le gouvernement de Richard Hatfield, assiste au congrès. Il réalise que le statu quo politique n’est plus acceptable pour les Acadiens et, même s’il est d’avis que tailler une province acadienne à même le NB est irréaliste, promet tout de même beaucoup d’action.

Pour raccourcir une longue histoire, c’est ainsi que le futur sénateur Simard, mettant à profit les conclusions de la CONA, réussira ensuite à arracher aux conservateurs (et même aux libéraux plus tard) une adhésion quasi unanime à plusieurs grands principes émanant de la Convention et des nombreuses discussions qui s’ensuivirent. Ce qui aboutira notamment à trois grands résultats :

  1. Juillet 1981 – Adoption de la loi 88 (dite loi Simard) sur l’égalité des deux communautés linguistiques.
  2. Création de conseils scolaires unilingues, d’écoles « homogènes » et implantation du principe de la dualité au ministère de l’Éducation.
  3. Décembre 1993 – Les principes de la loi 88 sont enchâssés (pour toujours) dans la Constitution canadienne.

Forte de ces « victoires », la société acadienne poursuit aujourd’hui son petit bonhomme de chemin, « entre le confort et l’indifférence », s’inspirant des acquis de la judiciarisation de sa cause.