Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

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Le Québec dans l’histoire mondiale de la démocratie, 1600-1840

Par Allan Greer, Université McGill

Joseph-François Lafitau, Moeurs des sauvages ameriquains comparées aux mœurs des premiers temps, t. 2, Paris, Chez Saugrain l'aîné ... Charles Estienne Hochereau, 1724, p. 314 [crédit Library of Congress]
Joseph-François Lafitau, Moeurs des sauvages ameriquains comparées aux mœurs des premiers temps, t. 2, Paris, Chez Saugrain l’aîné, Charles Estienne Hochereau, 1724, p. 314 [crédit Library of Congress]

On assiste, depuis un certain temps, à la mondialisation de l’histoire du Québec (ce mot est un anachronisme voulu dans le contexte de la période d’avant 1867 pour désigner le Canada de l’époque de la Nouvelle-France, la « province of Quebec » et le Bas-Canada). En analysant l’histoire du Québec, les historien.nes sont de plus en plus sensibles aux contextes impérial, atlantique, nord-américain et des Amériques, et s’efforcent de chercher les liens qui relient des phénomènes québécois aux grands courants de l’histoire[1]. En même temps, quelques chercheurs.es dans d’autres parties du monde commencent à tourner les yeux vers des cas québécois pour mieux comprendre un passé qui dépasse les limites d’un seul pays. Une série de publications récentes mettent en vedette le rôle du Québec dans l’histoire de la démocratie, terme que j’utilise dans son sens large pour désigner les idées et les gestes en faveur du pouvoir politique populaire. Je voudrais recenser quelques-uns de ces ouvrages qui méritent, à mon avis, plus d’attention de la part des spécialistes québécois.es.

Entre héritage historique et actualité politique : les élections italiennes du 25 septembre 2022

Par Luca Sollai, chargé de cours au département d’histoire de l’Université de Montréal et chercheur au CERIUM

Résumé : Cet article analyse les résultats des dernières élections législatives en Italie. Avec un regard à la fois historique et contemporain, nous expliquerons le contexte qui a amené le parti d’origine post-fasciste, Fratelli d’Italia, à prendre le pouvoir. Dans un premier temps, les origines et l’évolution de la droite italienne seront observées, avec une attention particulière au débat sur l’héritage du fascisme. Ensuite, nous analyserons les causes ponctuelles qui expliquent l’actuel panorama politique italien. En conclusion, nous tracerons un portrait des possibles choix du gouvernement en matière de politique intérieure et étrangère en mettant en relief certaines contradictions présentes parmi les partis de la coalition de droite.

Mots clé : Italie, élections, fascisme, Giorgia Meloni, Union européenne, droite

Les élections italiennes du 25 septembre 2022 ont vu l’affirmation de la coalition de droite menée par Fratelli d’Italia, le parti de Giorgia Meloni, première femme à être nommée Présidente du Conseil des ministres dans l’histoire de la République italienne. Cette victoire a provoqué une clameur mondiale dans la presse et les médias de masse internationaux qui n’ont pas manqué de souligner les origines postfascistes de Fratelli d’Italia. Un autre thème récurrent dans les médias à l’étranger est que la victoire de la droite italienne est en partie la conséquence d’une vague populiste transatlantique.

Cet article a comme objectif d’offrir un éclairage historique et politique sur la situation politique italienne. En effet, nous allons nous interroger sur l’ensemble des facteurs expliquant la victoire de Giorgia Meloni et de Fratelli d’Italia. Pour ce faire, il nous semble nécessaire d’adopter une approche mixte, à la fois historique et axée sur l’actualité politique récente, l’analyse de la situation italienne ne pouvant pas se limiter à l’actualité ni strictement à la mention de liens avec le passé fasciste du pays. Un certain recul dans l’analyse, avec l’intégration des deux aspects, est nécessaire pour brosser un portrait efficace de la situation italienne.

Par conséquent, l’article sera divisé en deux parties principales, une première dans laquelle nous examinerons la trajectoire de la droite italienne depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale et une deuxième reliée plus à l’analyse des résultats électoraux, en mettant en relief les causes qui ont déterminé la victoire de la coalition de centre droit tout en tenant compte des enjeux futurs du gouvernement.

Les sources utilisées sont très variées : nous passons de la première partie dans laquelle nous basons notre réflexion sur des sources secondaires (historiographie et sciences politiques) à la deuxième partie, plus axée sur l’actualité, dans laquelle nous intégrons l’analyse des données électorales, des programmes électoraux, des sources journalistiques et des médias sociaux.

Nous entendons montrer que le nouveau paysage politique italien est le résultat d’un long parcours historique et institutionnel qui a trouvé les pleines conditions de sa réalisation dans la conjoncture des élections législatives de 2022. Par ailleurs, nous verrons comment ce résultat ne doit pas être conçu comme une tendance irréversible, surtout en tenant compte des défis et des contradictions auxquels le gouvernement actuel fait face. Finalement, nous évoquerons les conséquences potentielles pour l’Italie en matière de politique étrangère et intérieure.

L’assurance-maladie à l’époque de la Grande Dépression : Une analyse historique de la Commission Montpetit

Par Alain Saint-Victor, historien

Rapports de la Commission, 1933 (Crédit : BANQ numérique)

La Commission Montpetit

En décembre 1932, sous la présidence de l’économiste Édouard Montpetit, la Commission des assurances sociales de Québec soumet son septième et dernier rapport au gouvernement du premier ministre Taschereau. L’objectif des commissaires est de faire des recommandations au gouvernement quant au modèle d’assurance-maladie-invalidité qui doit être adopté dans la province. Il y est mentionné que « l’assurance sociale existe [déjà][1]» au Québec et qu’elle est libre contrairement à celles qui existent dans certains pays européens. Pour le gouvernement, une comparaison entre les deux modèles d’assurance s’avérait nécessaire. Avant même d’effectuer les recommandations en vue de procéder à une législation, la Commission a décidé de faire une étude comparative du système qui existe au Québec avec les systèmes européens.

Au départ, il s’agit pour la Commission de centrer la discussion sur l’assurance maladie autour de la question de l’obligation ou pas du régime de l’assurance maladie. En aucun cas dans le rapport, il n’est fait mention d’étatiser le système de santé. La question centrale qui a orienté les débats lors des audiences était de voir si l’assurance maladie obligatoire était une option et sinon comment adopter une assurance basée sur la médecine privée qui puisse répondre aux attentes d’une partie de la population.

Débats  

Pour mieux comprendre les recommandations de la Commission, il faut analyser les audiences qui se sont déroulées au cours de son mandat. Dans un mémoire[2] présenté à la Commission, le vice-président du Collège des Médecins et Chirurgiens de la Province de Québec, le Dr. L.-F. Dubé, prend clairement position contre « [l]’étatisme et [l]e collectivisme[3]» auxquels, à son sens, les assurances sociales pourraient mener. S’il est d’accord, en principe, sur l’existence des assurances médicales, il précise les conditions à partir desquelles les médecins doivent y adhérer. Pour lui, la pratique médicale ne peut exister sans le respect des trois principes fondamentaux qui déterminent la profession, soit la liberté de choix et de thérapie du médecin; le secret professionnel, qui ne doit être violé sous aucun prétexte; et enfin les frais médicaux qui doivent être l’objet d’entente seulement et directement entre le médecin et l’assuré.

Recension de l’ouvrage « Trouve-toi une job ! : petite histoire des luttes pour le droit à l’assurance-chômage » du Mouvement Action-Chômage de Montréal

Par Benoit Marsan, stagiaire postdoctoral au département de sociologie de l’Université McGill et chargé de cours au département de relations industrielles de l’Université du Québec en Outaouais

Fondé en 1970, le Mouvement action-chômage de Montréal (MAC) est un groupe communautaire de défense des droits des travailleuses, des travailleurs et des sans-emploi. Son action s’articule autour de trois axes : l’éducation populaire, la représentation des chômeuses et des chômeurs auprès de Service Canada et l’action collective. Il milite pour un système d’assurance-chômage universel et substantiellement plus généreux. En prévision des célébrations de son cinquantième anniversaire en 2020, l’organisation a entrepris de dépoussiérer ses archives afin d’écrire un roman-feuilleton. C’est dans la foulée qu’est apparue l’idée du livre Trouve-toi une job ! : petite histoire des luttes pour le droit à l’assurance-chômage. Paru en septembre 2022 aux éditions Écosociété, l’ouvrage a pour but de présenter l’évolution du MAC au cours des années, en plus de vouloir retracer une « histoire populaire et ouvrière des sans-emploi de Montréal, mais aussi du Québec » (p. 15). Principalement rédigé par Jérémie Dhavernas, avocat et employé de l’organisation, l’ouvrage est signé MAC afin de souligner la prise de parole des militantes et des militants qui y ont œuvré depuis sa fondation. Quant à son titre, il synthétise les propos désobligeants et basés sur des préjugés auxquels doivent souvent faire face les sans-emploi, et ce, particulièrement lorsqu’ils dénoncent leur condition.

Un peu, beaucoup, à la folie. À propos d’Alys Robi a été formidable de Chantal Ringuet

Alexandre Klein, Université d’Ottawa

Il existe deux types d’histoire. D’un côté, il y a celles que l’on se raconte, le soir, entre amis.es, en famille, autour du feu, parfois de génération en génération au point qu’elles finissent par habiter notre imaginaire, construire notre réalité, définir notre identité propre. Et puis, de l’autre côté, il y a l’histoire, cette science qui, avec ses usages et ses règles, sa méthode critique et son éthique, tente de s’approcher, autant que les sources le lui permettent, de ce que les gens du passé ont vécu, perçu, compris des événements qui faisaient leur présent. Entre les deux, un abime dont le comblement peut parfois être riche, fécond, heuristique, mais d’autre fois glissant, discutable, voire contreproductif. Le récent ouvrage que Chantal Ringuet a consacré à sa grand-tante Alys Robi[1] fait malheureusement partie de cette seconde catégorie.

Pour l’amour d’une femme

L’écrivaine et traductrice québécoise, connue pour ses ouvrages sur la culture yiddish et sur Léonard Cohen, a décidé de s’éloigner de ses sujets de prédilection et de recherche académique pour se pencher sur l’histoire de celle dont sa famille ne cessait d’évoquer la figure sans pour autant oser en prononcer le nom : la fameuse chanteuse et diva[2] québécoise Alys Robi (1923-2011). Sous le titre Alys Robi a été formidable, elle propose ainsi une rétrospective, dont on ne peut dès lors douter du caractère hagiographique, retraçant les débuts, mais surtout la chute de sa célèbre aïeule. Car il y a un drame dans toute cette histoire, celui qui a conduit sa famille à taire son nom et qui anime le récit de sa petite-nièce : Alys Robi a été internée pendant cinq ans à l’Hôpital Saint-Michel-Archange de Beauport, le grand asile psychiatrique de la région de Québec, y recevant nombre d’électrochocs, mais également une lobotomie. Et c’est sur ce point que Ringuet s’attarde. Sur ce point et sur sa propre démarche.

 

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