Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

Catégorie : Alexandre Turgeon

Au-delà des faits : la Grande Noirceur et la Révolution tranquille en tant que mythistoires. Entretien avec Alexandre Turgeon

Par Marie-Andrée Bergeron et Vincent Lambert

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Victoire du Parti libéral de Jean Lesage aux élections de 1962. Source : Source : Archives de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ).

Victoire du Parti libéral de Jean Lesage aux élections de 1962. Source : Archives de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ).

Vous vous intéressez à la notion de mythistoire. Quelle est la part du mythe et de l’histoire dans notre perception de la Révolution tranquille?

Le mythe est souvent présenté comme le parfait contraire de l’histoire ou de la réalité. Combien de titres contiennent l’expression « mythes et réalités » et je ne sais combien d’autres variantes! À mon sens, c’est plus complexe que cela. C’est à cette fin que j’utilise la notion de mythistoire, soit la représentation d’un objet donné qui relève, d’une part, du domaine de la fiction, du folklore ou des légendes, mais qui, d’autre part, s’enracine dans le tangible, l’avéré ou l’empirique. Dans cet esprit, il serait possible de reprendre ainsi votre question : quelle est la part du faux et du vrai dans notre perception de la Révolution tranquille? Car c’est bien de cela qu’il s’agit, au fond. C’est une question qui est tout sauf simple. Pour répondre à cette question, je vous dirais qu’il faut explorer le rapport entre ce qui s’est passé – les faits – et comment on raconte ce qui s’est passé – ce qui concerne autant le travail des journalistes, sur le vif, que celui des historiens, des décennies, voire des siècles plus tard le cas échéant.

Éric Bédard « lâche le Bloc ». Quand la parole de l’historien résonne dans la Cité

Par Raphaël Gani, étudiant à la maîtrise en histoire à l’Université Laval, et Alexandre Turgeon, candidat au doctorat en histoire à l’Université Laval

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Introduction

Cette caricature de Pierre Morin a été publiée le 30 mars 2011, la journée même où paraissait la lettre d’Éric Bédard dans les médias. À la suite d’une refonte du blogue de Pierre Morin, « Écran radar », cette caricature n’est désormais plus disponible en ligne. Avec l’autorisation de son auteur, nous la reproduisons ici.

Le 30 mars 2011, à un peu plus d’un mois des élections fédérales canadiennes du 2 mai 2011, l’historien souverainiste bien connu Éric Bédard s’est lancé dans la mêlée de la campagne électorale d’une manière qui n’est pas passée inaperçue. « Je lâche le Bloc », déclarait-il haut et fort dans une lettre d’opinion parue dans les pages du journal La Presse. Éric Bédard annonce qu’il ne votera pas pour le Bloc Québécois pour la toute première fois depuis la création du parti, en 1991. Il fait ainsi valoir son désaccord avec la coalition avortée de 2008, où le Bloc Québécois s’était engagé à donner son appui à un gouvernement formé du Parti libéral du Canada et du Nouveau Parti démocratique. Nous ne considérons pas qu’Éric Bédard ait prédit les résultats des élections du 2 mai 2011, et encore moins qu’il en fut responsable, contrairement à certains commentateurs qui ont vu dans sa prise de position un signe avant-coureur de la débâcle du Bloc Québécois – 49 sièges remportés aux élections de 2008, quatre sièges en 2011. Néanmoins, pendant cette campagne électorale fédérale, il est intéressant de souligner qu’Éric Bédard en vient à incarner un certain archétype : celui du souverainiste déçu qui délaisse le Bloc Québécois. Il s’agit même, selon Pierre Bouchard, un utilisateur du site Internet Vigile, du « syndrome Éric Bédard ».

Grande Noirceur?

Par Alexandre Turgeon, candidat au doctorat en histoire à l’Université Laval, avec la collaboration de Raphaël Gani, étudiant à la maîtrise en histoire à l’Université Laval

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Maurice Duplessis

Alors que la grève étudiante perdure et s’envenime, notamment avec l’adoption de la loi 78, nombreux sont les commentateurs à y aller de comparaisons entre Jean Charest et Maurice Duplessis, entre aujourd’hui et la Grande Noirceur. La loi spéciale n’était encore qu’une rumeur que Gabriel Nadeau-Dubois, le porte-parole bien connu de la CLASSE, anticipait déjà un « retour au temps de Duplessis ». Josée Legault, chroniqueuse politique au journal Voir, n’est pas en reste. Elle s’en donne même à cœur joie. Un brin ironique, elle demandait le 16 mai 2012 si l’on verrait un « sourire s’esquisse[r] sur la photo de M. Duplessis dans le couloir du bureau du premier ministre ». Du même souffle, elle considère que le projet de loi 78 « devrait être renommé la Loi Duplessis-Charest », rien de moins! Une utilisatrice de Twitter, comme tant d’autres, tire pour sa part un trait définitif sur notre époque : « La grande noirceur, part II ».

Pour s’assurer une place dans l’histoire : Paul Sauvé et la lutte à la corruption (1959)

Par Alexandre Turgeon, Université Laval

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Caricature parue dans Le Devoir du 23 octobre 1958 et dessinée par Robert La Palme.

Lorsque Paul Sauvé devient premier ministre de la province de Québec, le 11 septembre 1959, de nombreux défis l’attendent. D’emblée, la tâche lui revient de succéder à Maurice Duplessis, lui qui avait dominé, voire écrasé de toute sa stature la scène politique québécoise des quinze dernières années. Paul Sauvé doit également composer d’une part avec un héritage trouble, controversé, que lui a légué son prédécesseur, héritage entaché lourdement par maints scandales. D’autre part, il doit ménager la base électorale de l’Union nationale, fidèle à Maurice Duplessis. Sans compter que Paul Sauvé fait face à une opposition libérale farouche, ragaillardie, qui redouble d’efforts et d’énergie. Cette opposition sent que son heure est enfin arrivée et est pressée d’en découdre avec le nouveau premier ministre[1].

L’histoire nationale négligée? Pour un recours aux sources

Par Alexandre Turgeon, Université Laval

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Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on a beaucoup parlé d’histoire au Québec ces dernières semaines. Force est d’admettre qu’Éric Bédard et Myriam D’Arcy, les auteurs du rapport qui a mis le feu aux poudres, ont réussi leur coup. Tenants de l’« histoire nationale » et de l’« histoire sociale » semblent s’entredéchirer sur l’espace public, en particulier dans les pages papier – et numériques – du journal Le Devoir, alors que le Parti québécois vient de réclamer une commission parlementaire sur l’enseignement de l’histoire nationale et la formation des maîtres. Mais qu’en est-il, au juste, du rapport en lui-même, que l’on semble avoir oublié au fil de cette polémique? On le sait, les constats d’Éric Bédard et Myriam D’Arcy ont été fortement contestés par les uns, portés aux nues par les autres. Mais ces constats sont-ils seulement avérés, leurs données solides, appuyées?

Dans le cadre de ce débat qui a notamment fait rage dans les pages du Devoir, et qui a d’ailleurs rapidement dégénéré en un dialogue de sourds, je souhaite pour ma part revenir au rapport lui-même, m’intéresser à ses fondements, à son cadre d’analyse en m’arrêtant sur trois points. En d’autres mots, je souhaite y aller d’un « recours aux sources », pour reprendre le titre du dernier ouvrage d’Éric Bédard (Éric Bédard, Recours aux sources. Essais sur notre rapport au passé, Montréal, Boréal, 2011, 280 p.). Car ces données, dont on a fait grand cas dans les médias, d’où proviennent-elles, au fond?

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