Par Christian Legault, candidat à la maîtrise à l’Université du Québec à Montréal (UQAM)

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JOUANNA, Arlette. Le pouvoir absolu. Naissance de l’imaginaire politique de la royauté. Paris, Gallimard, 2013, 436 p.

La manière dont le pouvoir politique s’est conceptualisé dans un régime absolutiste au XVIIe siècle façonne toujours nos sociétés d’aujourd’hui. Les Français y voient encore une époque où le pouvoir y était « arbitraire », « despotique », « inique » et « illégitime »[1]. S’interroger sur l’absolutisme n’est toutefois pas quelque chose d’inutile, car cela représente une occasion de retracer la genèse du pouvoir politique vers les régimes démocratiques modernes. Pour les historiens, l’étude des doctrines absolutistes permet notamment d’étudier l’interaction entre le discours politique et ses limites concrètes, la monarchie absolue du XVIIe siècle n’ayant pas su imposer un appareil d’État pouvant soumettre l’entièreté des sujets à l’obéissance d’un seul homme. Les notions de pouvoir absolu et de prince absolu sont au fondement d’un nouveau dogme politique qui s’installe dans la France des XVIe et XVIIe siècles. Or, ces idées restent de nature théorique, à la fois ambivalentes et polysémiques, et enracinées dans des discours où les significations sont portées à changer, selon les cadres spatio-temporels, les régimes politiques, les différentes formes de régulations sociales, ainsi que les multiples contextes intellectuels et culturels dans lesquels ces notions émergent. Il devient alors nécessaire de revenir sur ce qu’était l’absolutisme dans la France de l’époque moderne, afin de comprendre comment le pouvoir se construit et pour quelles raisons ce dernier fut qualifié – mais nuancé aujourd’hui par les historiens –  d’absolu.

Dans Le Prince absolu. Apogée et déclin de l’imaginaire monarchique, deuxième opus d’un diptyque, commencé avec le livre, Le pouvoir absolu. Naissance de l’imaginaire politique de la royauté, Arlette Jouanna nous convie à comprendre les notions de pouvoir absolu, de prince absolu et d’absolutisme par une étude approfondie croisant l’histoire politique et l’histoire des idées politiques. Par l’étude des débats de l’époque entourant les théoriciens philosophiques du pouvoir politique, elle retrace comment ces notions se construisent dans l’imaginaire monarchique en France à la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle. Identifiant les guerres de religion du XVIe siècle, ainsi que les guerres civiles du XVIIe siècle, comme des éléments déclencheurs dans cette redéfinition du pouvoir politique, l’historienne en vient à identifier la nature traumatisante de ces événements; elle montre comment la peur du désordre, suivi de la mémoire des horreurs des guerres civiles, obséda les esprits, contribuant à faire accepter un renforcement considérable de l’autorité monarchique[2].