Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

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Décès de Lucie Dagenais (1933-2021)

Texte publié par Cory Verbauwhede, Simon Tremblay-Pepin, Saïdeh Khadir, Lorraine Dagenais et Simon Turcotte sur le blogue du CHRS

Lutter et assumer notre pouvoir collectif

Le 8 novembre dernier, la syndicaliste et féministe Lucie Dagenais nous a quittés discrètement. Le Québec perdait ainsi sans le savoir l’une des plus ardentes défenderesses de son système public de santé et de services sociaux. Elle a commencé son militantisme à une époque où la gauche participait, notamment via le mouvement syndical, à déterminer l’orientation politique de la société. Sa vision d’une gauche qui peut gagner et agir pour transformer le monde pourrait inspirer les personnes qui luttent contre l’injustice aujourd’hui.

Entretien avec Lucie Dagenais — deuxième partie*

Par Cory Verbauwhede

Crédit : Le Travail, vol. XI, no. 6, Montréal, Qc, juin 1964

Cette deuxième partie d’entrevue (voir la première partie) porte sur le conflit de travail de 1964 entre l’Alliance des infirmières de Montréal (AIM-CSN) et une vingtaine d’hôpitaux francophones gérés par des communautés religieuses. Ce conflit, moins bien connu que la grève des infirmières de Sainte-Justine en 1963 et que la grève générale dans les hôpitaux du Québec en 1966, constitue pourtant un point tournant dans les relations du travail entre les personnels et les directions des établissements au sein du système de santé québécois : la démission choc du président du tribunal d’arbitrage, le juge Paul L’Heureux, au cours de ce conflit a aussi contribué à mettre fin au régime de relations du travail d’exception dans les services publics.

L’action des infirmières s’inscrit alors dans la démarche de la Fédération nationale des services FNS-CSN, résolument engagée depuis 1962 dans l’harmonisation des conditions de travail au sein de tous les hôpitaux du Québec, étape nécessaire pour instituer un service public vraiment universel, qui offre des services comparables à travers la province.

Lucie Dagenais a participé à ce conflit en tant que conseillère syndicale auprès de l’Alliance des infirmières de Montréal (AIM-CSN), poste qu’elle a occupé de 1962 à 1970.

Cory Verbauwhede : Nous avons discuté lors de notre premier entretien des conflits à l’Hôtel-Dieu de Montréal en 1962 et à Sainte-Justine en 1963. Pourquoi s’attarder plus particulièrement au conflit de travail des infirmières de 1964 ?

Lucie Dagenais : C’est principalement le conflit de 1964 qui a mis fin au déséquilibre des droits entre salariés publics et privés, qui existait depuis l’adoption, en 1944, de la Loi des relations ouvrières et de la Loi des différends entre les services publics et leurs salariés. Ce régime législatif octroyait un droit de grève – très encadré – aux syndiqués du secteur privé, mais l’enlevait à ceux des services publics. C’est en partie grâce à l’action audacieuse d’un petit nombre d’infirmières que le Code du travail, adopté le 22 juillet 1964, a étendu le droit de grève aux employés des hôpitaux et des autres « services publics », ce qui n’avait pas du tout été l’intention de départ du gouvernement. La possibilité de faire la grève a par la suite fait avancer les droits des syndiqués du secteur public d’une manière qui aurait été inconcevable sous l’ancien régime de relations du travail.

Entrevue avec Lucie Dagenais

Par Cory Verbauwhede, avocat et membre du Centre d’histoire des régulations sociales

La publication originale de cet article s’est fait sur le blogue du Centre d’histoire des régulations sociales.

Cette entrevue en trois parties porte sur les luttes sociales des infirmières du Québec des années 1960. La première partie traite des changements monumentaux apportés au réseau de la santé par l’implantation du régime d’assurance hospitalisation à partir de 1961 et des premières actions collectives des infirmières — les négociations à l’Hôtel-Dieu de Montréal en 1962 et la grève illégale à l’hôpital Sainte-Justine pour enfants en 1963. Ces actions s’inscrivent dans la lutte de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) pour une harmonisation des conditions de travail, non seulement dans le secteur hospitalier, mais aussi, plus largement, dans la fonction publique. Elles permettront notamment une reconnaissance accrue de la valeur du travail féminin. Pour les hôpitaux, il s’agit d’une étape nécessaire pour l’organisation d’un service véritablement universel dans l’ensemble de la province.

Lucie Dagenais a activement participé à ces négociations et conflits de travail. Elle était infirmière à l’Hôtel-Dieu de Montréal en 1962, puis conseillère syndicale auprès de l’Alliance des infirmières de Montréal (AIM-CSN) lors des grèves de 1963, 1964 et 1966.

Entrevue par Cory Verbauwhede.

Cory Verbauwhede : Parlez-nous un peu de votre parcours professionnel, avant votre implication comme conseillère syndicale.

Lucie Dagenais : Fille de marchand général dans un petit village, deuxième enfant d’une famille de neuf, études classiques au Collège Jésus-Marie d’Outremont : rien ne me prédisposait à l’action syndicale. Après quelque temps d’hésitation pour m’orienter, j’ai accepté en 1955 un emploi temporaire d’aide sociale au Service social diocésain de Saint-Jérôme. On m’avait assignée aux premières entrevues et aux visites à domicile auprès des « mères nécessiteuses » et de certains « indigents » pour vérifier qu’ils étaient toujours éligibles aux mesures d’assistance publique et pour identifier d’autres services dont ils pourraient avoir besoin. Il fallait aussi répondre aux demandes d’information du Service fédéral du pardon sur l’existence ou non de conditions propices à la réhabilitation des prisonniers. C’était une bonne école sur la condition des pauvres et sur les lois sociales. Je me suis ensuite orientée vers les soins infirmiers.

Entretien avec Louise Bienvenue à l’occasion du lancement du site Mémoires de Boscoville

Par Cory Verbauwhede

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Cette entrevue porte sur le projet de recherche dirigé par l’historienne Louise Bienvenue sur l’histoire de Boscoville, un centre de rééducation pour jeunes délinquants. Le nouveau site, Mémoires de Boscoville[1], met en valeur une trentaine de témoignages récoltés dans le cadre d’une enquête orale menée entre 2012 et 2015. Formulés plusieurs années après la fermeture de l’internat, ces récits nous éclairent sur l’expérience de Boscoville et sur les traces mémorielles qu’elle a laissées. En plus de soupeser les effets à long terme des innovations thérapeutiques mises de l’avant au sein du centre de la Rivière des Prairies, l’enquête vise à consigner pour les générations à venir la mémoire d’une institution québécoise unique de la seconde moitié du XXe siècle[2].


Cory Verbauwhede : Parlez-nous du projet derrière le site.

Louise Bienvenue : L’enquête orale qui a donné jour au site Web Mémoires de Boscoville fait partie d’une plus vaste recherche sur cette institution qui a marqué l’histoire de la justice des mineurs au Québec. En lisant les travaux historiques sur les premières institutions sociojudiciaires pour jeunes qu’étaient les écoles de réforme et la Cour des jeunes délinquants, dont plusieurs ont été signés par des membres du CHRS (Véronique Strimelle, Sylvie Ménard, Jean Trépanier, David Niget, Lucie Quevillon, Jean-Marie Fecteau, etc.), j’ai voulu savoir comment les choses avaient évolué dans l’après-guerre. J’avais croisé le nom de Boscoville dans un ouvrage dirigé par Marie-Paule Malouin, L’univers des enfants en difficulté, et ça m’avait beaucoup intriguée. Cette institution avait bousculé de bord en bord les manières de faire. Elle avait misé sur les sciences du psychisme et de la pédagogie pour réinventer la rééducation des adolescents délinquants. Dans les années 1950, mais surtout dans les trois décennies qui ont suivi, Boscoville s’est imposé comme un espace thérapeutique moderne. Ce fut un important chantier d’interprétation du phénomène délinquant en Amérique du Nord. Plusieurs visiteurs et stagiaires de l’étranger y étaient reçus, alors que les nouveaux théoriciens canadiens de la psychoéducation étaient accueillis dans les congrès spécialisés à travers le monde.

Capture d’écran du site Mémoires de Boscoville.

Entretien avec Donald Fyson

Par Cory Verbauwhede, doctorant en histoire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et membre du Centre d’histoire des régulations sociales

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FYSON, Donald. Magistrats, police et société. La justice criminelle ordinaire au Québec et au Bas-Canada (1764-1837). Montréal, Les Éditions Hurtubise, 2010, 592 p.

Donald Fyson, professeur titulaire au Département des sciences historiques de l’Université Laval, est spécialiste de l’histoire du Québec aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles et notamment de l’histoire sociale, socio-juridique et sociopolitique. Il s’intéresse aux rapports entre État, droit et société, en particulier à la justice criminelle et civile, la police et l’administration locale. Il mène actuellement des recherches sur les effets juridiques et sociaux de la Conquête britannique du Québec, sur la justice pénale à Québec de 1760 à 1965, sur la peine capitale au Québec de 1760 à 1867, sur l’emprisonnement au Québec de 1760 à 1960 et sur la violence interpersonnelle au Québec/Bas-Canada. Il est membre du Centre interuniversitaire d’études québécoises et du Centre d’histoire des régulations sociales[1].


Cory Verbauwhede : Vous êtes affilié au Centre d’histoire des régulations sociales. Parlez-nous un peu de votre lien avec le centre.

Donald Fyson : Je suis progressiste et le CHRS se démarque par sa vocation à mener des recherches d’un point de vue progressiste. C’est très important à un moment où le populisme de droite gagne en importance au Québec. Même si ce mouvement politique affecte surtout la vision de l’histoire que diffusent les médias de masse et moins celle ayant cours dans les universités québécoises, l’histoire professionnelle est de plus en plus marginalisée dans l’espace public. La vision sociale et engagée du centre peut en partie contrecarrer une telle désaffectation de la recherche historique sérieuse.

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