Par Cory Verbauwhede

Crédit : Le Travail, vol. XI, no. 6, Montréal, Qc, juin 1964
Cette deuxième partie d’entrevue (voir la première partie) porte sur le conflit de travail de 1964 entre l’Alliance des infirmières de Montréal (AIM-CSN) et une vingtaine d’hôpitaux francophones gérés par des communautés religieuses. Ce conflit, moins bien connu que la grève des infirmières de Sainte-Justine en 1963 et que la grève générale dans les hôpitaux du Québec en 1966, constitue pourtant un point tournant dans les relations du travail entre les personnels et les directions des établissements au sein du système de santé québécois : la démission choc du président du tribunal d’arbitrage, le juge Paul L’Heureux, au cours de ce conflit a aussi contribué à mettre fin au régime de relations du travail d’exception dans les services publics.
L’action des infirmières s’inscrit alors dans la démarche de la Fédération nationale des services FNS-CSN, résolument engagée depuis 1962 dans l’harmonisation des conditions de travail au sein de tous les hôpitaux du Québec, étape nécessaire pour instituer un service public vraiment universel, qui offre des services comparables à travers la province.
Lucie Dagenais a participé à ce conflit en tant que conseillère syndicale auprès de l’Alliance des infirmières de Montréal (AIM-CSN), poste qu’elle a occupé de 1962 à 1970.
Cory Verbauwhede : Nous avons discuté lors de notre premier entretien des conflits à l’Hôtel-Dieu de Montréal en 1962 et à Sainte-Justine en 1963. Pourquoi s’attarder plus particulièrement au conflit de travail des infirmières de 1964 ?
Lucie Dagenais : C’est principalement le conflit de 1964 qui a mis fin au déséquilibre des droits entre salariés publics et privés, qui existait depuis l’adoption, en 1944, de la Loi des relations ouvrières et de la Loi des différends entre les services publics et leurs salariés. Ce régime législatif octroyait un droit de grève – très encadré – aux syndiqués du secteur privé, mais l’enlevait à ceux des services publics. C’est en partie grâce à l’action audacieuse d’un petit nombre d’infirmières que le Code du travail, adopté le 22 juillet 1964, a étendu le droit de grève aux employés des hôpitaux et des autres « services publics », ce qui n’avait pas du tout été l’intention de départ du gouvernement. La possibilité de faire la grève a par la suite fait avancer les droits des syndiqués du secteur public d’une manière qui aurait été inconcevable sous l’ancien régime de relations du travail.
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