Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

Catégorie : Jacques Rouillard

L’opposition du Conseil du patronat du Québec à la loi 101

Par Florence Provost-Turgeon, étudiante à la maîtrise en histoire à l’Université de Montréal, et Jacques Rouillard, professeur émérite du département d’histoire de l’Université de Montréal

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Photographie de la manifestation « McGill français », mars 1969. Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Centre d’archives du Vieux-Montréal, Fonds Antoine Desilets, Cote : P697,S1,SS1,SSS18,D84.

Le président du Conseil du patronat du Québec (CPQ), Ghislain Dufour, a rédigé dans l’édition du journal Le Devoir du 24 août un texte sur la position de l’organisme qu’il a présidé de 1986 à 1996 à l’égard de la loi 101. Le journal, qui a publié un cahier spécial à l’occasion du quarantième anniversaire de la loi adoptée en 1977, a demandé à M. Dufour de rédiger ce texte[1]. Ce dernier a bien raison d’écrire que la loi « ne passait vraiment pas dans le milieu des affaires » même si l’organisme était d’accord pour promouvoir l’usage du français et « parvenir à en faire la langue principale des activités économiques et culturelles ».

Le CPQ a suggéré des « ouvertures » au projet de loi qui, aux dires de M. Dufour, n’ont pas fait broncher le gouvernement. Même intransigeance, écrit-il, du ministre Camille Laurin en 1983 aux « importantes modifications » réclamées par le CPQ au moment où le gouvernement souhaitait éliminer « certains irritants » de la loi. Mais M. Dufour ne donne pas de précisions sur ce que désirait véritablement le CPQ entre 1971 et 1983 pour faire du français la langue de travail et il ignore complètement d’aborder le point de vue de l’organisme sur un élément central de la loi qui irritait souverainement ses membres, le français comme langue d’enseignement pour les immigrants.

L’intimidation et la discrimination dans l’industrie de la construction

Par Jacques Rouillard, professeur au Département d’histoire de l’Université de Montréal et auteur de plusieurs volumes sur l’histoire du syndicalisme québécois

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Les médias se sont scandalisés à juste titre de témoignages à la Commission Charbonneau qui ont révélé des cas de menaces et d’intimidation de dirigeants syndicaux envers des travailleurs et des employeurs. Le problème n’est pas nouveau : de pareils comportements se sont produits depuis le milieu des années 1960 à cause principalement de rivalités intersyndicales, car chaque groupe syndical cherche à placer en priorité ses membres sur les chantiers importants. Mais pour bien comprendre la source de ces conflits, il faut se référer à la dynamique particulière de cette industrie, au contexte syndical nord-américain, à la rivalité entre plusieurs organisations syndicales et à l’encadrement législatif original du secteur de la construction au Québec.

Il est fondamental pour comprendre les relations de travail dans cette industrie de mettre en relief sa nature mouvante. En effet, contrairement aux autres secteurs industriels pour qui le travail et la production s’effectuent sous un même toit, il n’y a pas de continuité des lieux de travail dans la construction. Les ouvriers changent souvent de chantiers et peuvent travailler pour plusieurs employeurs pendant la même année. Leur emploi est donc de caractère temporaire, irrégulier, soumis aux cycles économiques et aux fluctuations saisonnières. En outre, c’est une industrie où les entrepreneurs occasionnels sont très nombreux, la sous-traitance répandue, les entreprises de petite taille et leur survie souvent précaire. Plus que les autres travailleurs, les ouvriers de la construction vivent dans l’insécurité du lendemain. En 1975, un sondage commandé par la Commission Cliche révélait que pour les travailleurs de la construction, la sécurité d’emploi était le problème le plus important à régler (41,7 pour cent), bien avant les rivalités intersyndicales (18,8 pour cent).

À la lumière de la commission Charbonneau, le rôle de la FTQ et de ses organisations affiliées

Par Jacques Rouillard, professeur au Département d’histoire de l’Université de Montréal et auteur de plusieurs volumes sur l’histoire du syndicalisme québécois

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Michel Arsenault, ancien président de la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec Crédits : Isabelle Gareau, FTQ

Michel Arsenault, ancien président de la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec
Crédits : Isabelle Gareau, FTQ

Le témoignage de Michel Arseneault à la commission Charbonneau a suscité bien des commentaires sur le rôle de la FTQ par rapport à ses syndicats et organisations affiliés. Plusieurs se sont interrogés sur l’autorité qu’elle détient sur ces organismes. Un peu d’histoire est nécessaire pour faire la part des choses, car sa structure héritée du syndicalisme nord-américain est plus lâche, articulée de manière différente de celle des centrales rivales : la CSN, la CEQ et la CSD.

La FTQ, qui se définit comme « centrale syndicale », est en fait une création depuis 1957 du Congrès du travail du Canada (CTC) qui compte des fédérations affiliées dans chacune des provinces. Ces fédérations regroupent, sur une base volontaire, des sections locales des grands syndicats canadiens et internationaux affiliés au CMTC. Pendant longtemps, la FTQ a compté surtout des sections locales d’unions internationales venues des États-Unis comme les Métallurgistes unis d’Amérique ou l’Association internationale des machinistes qui sont encore membres de la FTQ. Depuis les années 1970, les sections des grands syndicats canadiens comme le Syndicat canadien de la fonction publique ou le Syndicat des travailleurs et travailleuses de la poste sont devenus prépondérants dans ses rangs.

La grève dans l’industrie de la construction. Condamnés au gel et au recul

Par Jacques Rouillard, professeur titulaire au Département d’histoire de l’Université de Montréal et auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire du syndicalisme québécois

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La grève des travailleurs de la construction déclenchée le 17 juin permet d’évaluer l’état des relations de travail au Québec et de mesurer l’avancement de la condition des travailleurs salariés. Les travailleurs de la construction, qui forment un groupe important de syndiqués, sont parmi les premiers à se syndiquer au XIXe siècle et à joindre majoritairement les syndicats internationaux venus des États-Unis. Ils ont eu traditionnellement un bon rapport de force lors des négociations et leurs conditions de travail ont eu un effet de démonstration sur les contrats de travail obtenus par d’autres groupes de syndiqués.

Leur arrêt de travail actuel se situe dans un contexte social qui s’est imposé depuis le début des années 1980 et qui influe sur les rapports collectifs de travail. Il rompt avec le modèle antérieur basé sur l’idée voulant que la croissance économique se traduise par une amélioration de la condition des travailleurs salariés, c’est-à-dire de meilleurs salaires, des heures de travail plus courtes et des avantages sociaux plus généreux. La norme voudrait plutôt qu’il faille travailler davantage et se contenter d’un salaire qui augmente au niveau de l’indice des prix à la consommation. Ce raisonnement signifie que les salariés sont condamnés au même niveau de vie sans pouvoir tirer profit de l’enrichissement de la société.

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