Par Martin Pâquet, professeur au département des sciences historiques de l’Université Laval[1]
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Clio, la muse de l’histoire. Crédit : Carole Raddato (Flikr).
Depuis plusieurs années, j’ai l’immense privilège d’enseigner à de jeunes adultes de tous horizons et de toutes convictions les rudiments de la discipline historique. Discipline historique plutôt que métier d’historien : plusieurs ne pratiqueront pas ce métier par la suite, puisqu’ils bifurqueront vers l’enseignement, le journalisme, la fonction publique, les musées, les archives, l’organisation syndicale ou communautaire, les entreprises culturelles, le droit, l’armée ou d’autres emplois. En songeant à leur avenir, ces jeunes adultes me posent régulièrement une question : « pourquoi faire aujourd’hui de l’histoire? ». Ma réponse simplifiée est celle de Spinoza : ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre.
Comprendre
Comprendre en histoire, ce n’est pas donner simplement des dates et des faits. Il importe d’abord de les mettre en relation, de se donner une perspective, de saisir le contexte. Comprendre – « prendre avec » – implique aussi la fidélité à des principes éthiques relevant de la responsabilité à l’endroit d’autrui. Notre objet d’étude est le temps, et particulièrement le temps passé, dans ses continuités et ses ruptures avec le présent. Pour saisir cet objet évanescent, il nous faut procéder avec méthode : les historiens rassemblent des corpus documentaires avec les traces issues du passé, puis les questionnent selon les ressources de l’analyse critique, pour reconstituer enfin ce qui fut avec le plus de certitude possible pour les fins de la compréhension. L’historien raconte certes, mais son récit s’adresse à la raison de son public plutôt que de susciter son émotion.