Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

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Une libération rêvée!

Par Maurice Demers, professeur à l’Université de Sherbooke et directeur de la revue HistoireEngagée.ca[1]

Le Marron Inconnu de Saint-Domingue. Crédit : Kristina Just (Flickr).

Le peuple haïtien a lutté tout au long de son existence pour conquérir sa liberté : il y a d’abord eu l’abolition de l’esclavage en 1794, ensuite la déclaration d’indépendance en 1804 (première république noire libre au monde), puis l’opposition à l’impérialisme (français et étatsunien) et l’insurrection contre les dictateurs qui ont marqué son histoire politique. Depuis 1942, des centaines de missionnaires québécois sont allés en Haïti pour évangéliser la population et appuyer l’Église locale, mais aussi pour accompagner le peuple dans sa quête d’émancipation. L’expérience de Sr Marie-Paule Sanfaçon en Haïti, de 1971 à 1990, nous renseigne sur sa rencontre avec le peuple haïtien et sur ce que les missionnaires ont tenté de semer dans ce pays. Nous nous sommes entretenus avec Sr Marie-Paule pour recueillir ses réflexions sur son expérience missionnaire.

Ce qui est d’abord ressorti de notre entretien, c’est tout l’amour que Sr Marie-Paule a pour le peuple haïtien. Elle nous a confié : Le peuple haïtien nous rentre dans la peau, il est très attachant. Après avoir appris le créole, interagi avec les jeunes et côtoyé les Haïtiens et Haïtiennes tant en ville qu’à la campagne, Sr Marie-Paule s’est si bien intégrée à son pays d’adoption qu’elle aurait aimé y passer le reste de ses jours.

Elle a d’abord enseigné la catéchèse, l’anglais, la géométrie et le dessin à l’école normale du Cap-Haïtien. Elle nous explique que le père Yves Bélizaire, curé au Trou-du-Nord, lui a ensuite demandé de travailler à la pastorale paroissiale. Après un bref séjour au Canada, elle accepte l’invitation de Mgr François Gayot qui réclame ses services au Cap-Haïtien pour s’occuper de la catéchèse. Si elle juge sa contribution humblement, Sr Marie-Paule a quand même réussi à toucher, par la formation transmise dans ses cours, des centaines de filles et de garçons haïtiens.

Le retour de l’histoire des desaparecidos en Argentine? Entrevue avec Rosa Roisinblit

Par Maurice Demers, professeur au département d’histoire de l’Université de Sherbrooke et membre d’HistoireEngagee.ca

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Rosa Roisinblit. Crédit : Maurice Demers.

L’Argentine semble revivre ses jours les plus sombres de la dictature militaire (1976-1983) avec la disparition de Santiago Maldonado[1]. Le jeune activiste de 28 ans est disparu après avoir déménagé en Patagonie pour vivre plus près des communautés autochtones mapuches. Le 1er août 2017, il a participé à une manifestation dans la province de Chubut qui visait à demander des titres de propriété pour des terres autochtones. Après une confrontation avec les forces de l’ordre, cette manifestation est réprimée par la police militaire et des témoins ont affirmé que Santiago Maldonado aurait été arrêté par elle. C’est la dernière fois que Santiago Maldonado aurait été vu. Des manifestations monstres ont été organisées pour demander sa libération et pour scander haut et fort que la société argentine ne tolèrerait pas un retour au drame des desaparecidos, ces quelques 30 000 personnes disparues qui ont été enlevées par la dictature militaire, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, pour être torturées puis exécutées. Lors de leur détention, des centaines de femmes détenues ont donné naissance à des enfants  qui leur ont été enlevés par la dictature. Ceux-ci ont été adoptés par des sympathisants du régime afin qu’ils ne connaissent pas leurs véritables parents. C’est dans le contexte de la disparition de Santiago Maldonado que j’ai eu l’idée de publier une entrevue réalisée avec Rosa Roisinblit, vice-présidente de l’association des Grands-Mères de la Place de Mai qui a joué un grand rôle pour protester et retrouver les centaines d’enfants d’activistes de gauche volés par la dictature militaire. L’association des Grands-Mères de la Place de Mai était vouée à la recherche des enfants nés en détention, alors que l’association des Mères de la Place de Mai, avec qui elle collaborait, nourrissait quant à elle l’objectif de retrouver les activistes enlevés par la dictature, ces fils et ces filles des Mères de la Place de Mai. Je me suis entretenu avec Mme Rosa Roisinblit au bureau de l’Association des Grands-Mères de la Place de Mai à Buenos Aires le 18 juillet 2014. Voici une transcription de cette entrevue.


Maurice Demers : J’effectue des recherches sur les missionnaires catholiques qui ont été en Amérique latine pendant la période des dictatures afin de comprendre quelles informations ceux-ci et celles-ci ont transmises au Canada. Je sais qu’il y a eu une campagne très importante au Canada en 1978-1979 pour appuyer les Mères et les Grands-Mères.

Rosa Roisinblit : La présidente de la Ligue des Femmes catholiques du Canada est venue nous visiter. Elle voulait vivre dans nos officines pour comprendre la situation. Alors nous avons monté un dortoir dans nos bureaux : nous avons mis un lit, une table de chevet, une lampe et elle est restée dans notre maison.

Un pan oublié de notre histoire nationale : les missionnaires québécois en Amérique latine et leurs interactions avec la population. Une entrevue avec Maurice Demers

Maurice Demers, professeur au département d’histoire de l’Université de Sherbrooke et membre du comité éditoriale d’HistoireEngagee.ca

L’Apostolat, « Choisir entre deux révolutions » (Missionnaires oblats de Marie immaculée, Richelieu, févriers 1965), p. 7.

Les nombreuses interactions entre les milliers de missionnaires québécois qui ont œuvré en Amérique latine et la population locale et ses clercs progressistes demeurent un pan méconnu de notre histoire nationale. Plusieurs de ces missionnaires, inspirés par la Théologie de la libération qui émane de la région dans les années 1970, se sont par la suite impliqués dans des organisations non gouvernementales de développement et des organismes de solidarité qui défendent les droits de la personne dans la région. Ces derniers ont eu un impact important en facilitant l’implantation, au Québec, de milliers de réfugiés chiliens à la suite du coup d’État du général Pinochet en 1973 : en dénonçant les abus des droits de la personne en Amérique latine et en organisant des manifestations en soutien aux populations latino-américaines; en travaillant en collaboration avec le ministère des Relations internationales du Québec et du Canada, ainsi qu’avec des organismes d’aide humanitaire comme le CECI et Développement et Paix; et, finalement, en conscientisant toute une génération de gens du Québec aux bienfaits de la solidarité internationale. Maurice Demers s’est entretenu sur ce sujet avec Jean Desclos et Henri Laban durant l’émission « Thèse et hypothèse » diffusée à Radio Ville-Marie la semaine dernière. L’entrevue retrace les débuts des missions québécoises en Amérique latine, la forte augmentation du nombre de missionnaires québécois.es qui œuvrent dans la région après la Deuxième Guerre mondiale, l’impact de la Révolution cubaine sur ce missionnariat, le rôle pour favoriser le développement des régions rurales, l’influence sur leurs vies de missionnaires de la Théologie de la libération et l’option préférentielle pour les pauvres, les dénonciations des régimes dictatoriaux et l’implication dans des organismes de solidarité internationale. Vous pourrez écouter l’entrevue en cliquant ici. Bonne écoute!

Radicalisation, lutte contre le terrorisme et droits de la personne au Maroc. Une entrevue avec Osire Glacier

Par Maurice Demers, département d’histoire de l’Université de Sherbrooke, et Bernard Ducharme, Ph. D. en histoire et en études romanes, chercheur associé au Groupe de Recherche sur l’Islamophobie et le Fondamentalisme de l’UQÀM

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Afin d’éclairer les débats actuels autour de l’islam, de la radicalisation et de la question des droits humains dans le monde musulman, HistoireEngagee.ca s’est entretenue avec la professeure de l’Université Bishop’s Osire Glacier qui se spécialise sur les thématiques portant sur les femmes et l’islam ainsi que sur les rapports entre politiques et religion au Moyen-Orient. Elle a publié ces dernières années les livres Les droits humains au Maroc entre discours et réalité (Tarik Éditions, 2015), ainsi que Femmes politiques au Maroc d’hier à aujourd’hui (Tarik Éditions, 2013).

De notre perspective nord-américaine, la lutte au terrorisme semble absorber la question des droits de la personne au Maghreb. Qu’en est-il vu du Maroc? Quels sont les grands enjeux actuels relatifs à la question des droits de la personne?

Le Maroc est de plus en plus sollicité par les gouvernements européens pour collaborer dans la lutte anti-terroriste.  D’ailleurs, d’après les médias français et belges, c’est grâce aux services marocains qu’Abdelhamid Abaaoud, présumé cerveau des attentats de Paris, a été retrouvé. Cependant, ces mêmes médias passent sous silence les conditions dans lesquelles les renseignements fournis par les services marocains sont collectés.  Les exigences de la sécurité nationale et internationale semblent légitimer ces omissions, et donc ultimement toute éventuelle atteinte aux droits humains. Pourtant, seul le respect de ces droits à l’échelle planétaire pourrait garantir la sécurité dans notre village global.

Pour expliquer le lien étroit existant entre le respect de la dignité humaine et la paix mondiale, c’est important de faire remarquer en premier lieu que les discours dominants en Occident abordent la question du terrorisme comme un conflit civilisationnel. Des extrémistes religieux dans les terres de l’Islam représenteraient une menace pour les valeurs démocratiques en Europe et en Amérique du Nord.  Or il s’agit là d’une lecture sélective des activités terroristes. L’organisation l’État islamique (EI) par exemple a perpétré des attentats terroristes en Tunisie et au Liban, dont les victimes sont des musulmans.   En outre, ces terroristes persécutent les musulmans qui ne partagent pas leur idéologie, ou qui ne se plient pas à leurs ordres.  Il en est ainsi pour les musulmans chiites et yézidis, pour ne citer que ceux-là.

La contribution canadienne à la démocratisation du Mexique : une entrevue de Maurice Demers avec Jean-Pierre Kingsley à propos du processus électoral en 2012

Maurice Demers, Université de Sherbrooke

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Jean-Pierre Kingsley

Encore une fois, le résultat des élections présidentielles au Mexique est contesté. Il faut dire que le processus de démocratisation du pays est encore jeune et fragile. Pendant près de 70 ans, le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) a gouverné ce pays. Un allié des États-Unis, bénéficiant d’une économie florissante de la fin des années 1940 au début des années 1970, le Mexique a longtemps été gouverné par un parti politique qui dominait tous les leviers politiques et socioéconomiques du pays; une dictature parfaite diront plusieurs. L’élection de 1976 fait tomber les prétentions démocratiques du régime, car José López Portillo (PRI) est élu avec près de 92 % des voix, étant le seul candidat dont le nom figurait sur les bulletins de vote… Cette fâcheuse situation incite le parti au pouvoir à lancer un processus de démocratisation en 1977, afin de mieux intégrer les partis d’opposition dans la démarche électorale. C’est la première phase de l’ouverture démocratique. En 1988, alors que le candidat de la coalition de gauche semble sur le point d’emporter l’élection présidentielle, le système qui comptabilise les votes flanche… et fait ressortir une tendance complètement différente lorsqu’il reprend du service trois heures plus tard. L’élection de Carlos Salinas de Gortari (PRI) est entachée par les irrégularités du processus électoral. On décide donc de créer un institut indépendant pour gérer les élections, l’Instituto Federal Electoral (IFE), afin d’approfondir les procédures de réformes démocratiques. À terme, ces dernières permettront aux partis d’opposition d’obtenir une majorité de députés au Congrès (en 1997) et au candidat du Partido Acción Nacional (PAN), Vicente Fox, de ravir la présidence au PRI en 2000. Mais le virage démocratique du Mexique est loin de se terminer avec la perte de pouvoir du PRI.

Invité par des collègues travaillant pour l’Institut Fédéral électoral (IFE) mexicain, je me suis rendu au Mexique pour assister au processus électoral de 2012 en tant qu’observateur international. Lors des journées d’information organisées par l’IFE pour les observateurs étrangers, Jean-Pierre Kingsley, directeur général des élections du Canada de 1990 à 2006, a présenté une communication concernant le processus de réformes électorales au Mexique entrepris depuis le début des années 1990. Il révélait pour la première fois la collaboration étroite du Canada à l’élaboration du système actuel. Je me suis entretenu avec M. Kingsley pour en savoir plus sur la contribution canadienne à ce processus d’amélioration du système électoral mexicain. M. Kingsley, qui a reçu du Président Fox, en 2006, la médaille de l’aigle d’or aztèque, le plus grand honneur décerné à un étranger par le Mexique, m’a aussi fait part de ses impressions sur le processus électoral de 2012.

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