Par Élise Detellier[1]
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Si le phénomène historique des hommes forts est relativement bien connu au Québec – surtout depuis la sortie du film sur Louis Cyr –, celui des femmes fortes l’est moins, sans doute parce que la force est davantage une caractéristique masculine que féminine. Pourtant à la même époque que Louis Cyr, certaines femmes fascinent elles aussi les foules par leurs tours de force. Elles s’imposent alors dans un monde plus volontiers associé aux hommes, celui de la force physique et de la puissance musculaire, et narguent l’idéal féminin du tournant du XXe siècle selon lequel les femmes ont supposément une constitution physique plus frêle et délicate que celle des hommes. Qui sont ces femmes qui osaient défier l’ordre établi?
Il y a d’abord Marie-Louise Sirois[2]. Née à Sainte-Anne-de-la-Pocatière en 1866, elle quitte la région pour la Nouvelle-Angleterre à l’âge de douze ans. À dix-sept ans, elle étonne son entourage en soulevant deux ou trois fois de suite un baril de 243 livres à la hauteur d’un comptoir. Mais c’est à Salem, Massachusetts, à l’âge de vingt-cinq ans, qu’elle se fait remarquer pour ses exploits de force. Elle est alors dans le gymnase de son mari, l’homme fort Henri Cloutier, où quelques amateurs tentent sans succès de soulever un plateau contenant 400 livres d’haltère. Comme elle ridiculisait leurs tentatives, elle se fait mettre au défi de réussir l’exploit, ce qu’elle parvient à faire du premier coup. Elle surmonte une nouvelle fois l’exploit le lendemain en ajoutant 75 livres de plus au plateau. Réunie pour l’occasion, la foule ébahie l’applaudit à tout rompre. Sa carrière de femme forte commence…