Entrevue réalisée par Marilou Tanguay[1], Florence Prévost-Grégoire[2], et Catherine Larochelle[3] avec Emily Prifogle et Karin Wulf, deux des cofondatrices de l’initiative américaine Women Also Know History[4]
Version PDF
En juin dernier, les historiennes derrière le compte Twitter et le mot-clic #womenalsoknowhistory ont lancé un site web visant à augmenter la diffusion et l’utilisation des expertises et des publications des femmes historiennes. L’initiative, pensée comme une façon de contrer les biais genrés de la discipline historique, s’adresse tout à la fois aux praticien.ne.s de la discipline et aux journalistes qui souhaitent interviewer des expert.e.s dans le domaine. Depuis l’ouverture de leur site web, près de 3000 historiennes se sont créées un profil. Afin d’en apprendre plus sur ce projet encore méconnu au Québec et dans le monde francophone, nous avons interviewé deux des cofondatrices pour qu’elles nous parlent des prémices de leur projet, de ses impacts et de la façon dont elles conçoivent l’apport de cette base de données pour éliminer les biais sexistes dans la pratique et la diffusion de l’histoire.
Marilou, Florence et Catherine : Historiennes québécoises travaillant au Canada et en Europe, nous avons pris connaissance de votre initiative via Twitter il y a quelques mois. Les questions entourant la place des femmes dans le milieu universitaire ont été sources de préoccupations pour nous depuis deux ou trois ans, mais ces derniers mois, nous les avons examinées en profondeur et de façon collective. À la revue HistoireEngagée.ca, nous avons un dossier spécial intitulé « Où sont les femmes ? », destiné à réfléchir aux liens entre les femmes, la discipline historique et les récits qui en découlent. Le lancement de votre base de données a été un moment crucial pour notre réflexion quant à ces préoccupations. Vous trouverez ci-dessous certaines questions que nous ont inspirées ce lancement et le mouvement qui a suivi.
1. À quel moment et pourquoi avez-vous eu l’idée de cette base de données ? Quelle était votre intention derrière cette initiative ?
Emily Prifogle : L’idée d’une base de données est venue de Women Also Know Stuff, une initiative créée par des femmes en Science politique. Elle nous a inspirées pour créer en 2017 quelque chose d’équivalent pour les femmes historiennes. Depuis le début, l’objectif général du projet est de trouver des façons concrètes de promouvoir et de soutenir le travail des historiennes afin de lutter contre les préjugés sexistes.
Karin Wulf : L’idée est née de l’évidence même de l’existence des préjugés sexistes dans la discipline historique, bien que des progrès aient été réalisés dans ce domaine, les exemples les plus pertinents d’une liste trop longue pour être énumérée étant les auteurs des « meilleurs livres », les conférences plénières, les plans de cours, les tables livres de Barnes & Noble… Bien évidemment, de nombreuses formes de préjugés et d’exclusion existent, mais après avoir constaté le succès de Women Also Know Stuff et parlé avec certaines des membres fondatrices de l’initiative, le moment nous a semblé propice à la création d’une initiative similaire pour la discipline historique.