Là où le présent rencontre le passé - ISSN 2562-7716

Catégorie : Osire Glacier

La fabrication de l’immobilisme culturel dans les pays arabo-musulmans : le cas du Maroc

Par Osire Glacier, Université Bishop

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Sources : Association des droits humains. Tous droits réservés.

Sources : Association marocaine des droits humains. Tous droits réservés.

Résumé

Les récits des droits fondamentaux restent dominés par une vision eurocentriste du monde. Aussi l’Occident tend à être associé aux valeurs progressistes, tandis que l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient tendent à être associés à l’arriération. En prenant pour cas d’étude le Maroc, je propose de montrer que l’immobilisme culturel dont souffrent les citoyens marocains est un produit politique. L’élite dirigeante s’approprie l’appareil de l’État, y compris le système de justice. Or avec une telle appropriation, cette élite viole impunément les droits culturels des citoyens. En fait, programmes délibérés de privation d’accès à l’éducation et au savoir, prohibition de la culture des droits humains et violences politiques, sous forme de censure, arrestations abusives et torture, sont quelques mécanismes qui amputent la richesse des expressions de la culture nationale, et produisent en fin de compte l’immobilisme culturel.

Mots-clés

droits culturels; droits religieux; islam; islamisation; traditionalisation; immobilisme culturel; récits droits de la personne; orientalisme; droits humains au Maroc; Maghreb; Afrique du Nord et Moyen-Orient

Introduction

Cet article soutient que les violations des droits humains au Maroc ne sont pas le résultat d’un déterminisme culturel, mais plutôt le produit des structures du pouvoir. En effet, quand les rapports internationaux portant sur la réalité des droits humains classent le Maroc parmi les pays les moins performants au monde[1], en général, cela étonne peu. Les maltraitances perpétrées par cet État à l’encontre de ses citoyens vont dans le sens des croyances populaires. Après tout, comme tous les pays de la région, le Maroc vit sous un régime autoritaire où les violations des droits humains sont la règle plutôt que l’exception. D’ailleurs, certains universitaires n’hésitent pas à expliquer cette situation par la culture arabo-musulmane[2]. Celle-ci serait intrinsèquement incompatible avec les valeurs démocratiques. En outre, d’autres vont jusqu’à diviser le globe entre un Orient despotique et un Occident démocratique[3].

Radicalisation, lutte contre le terrorisme et droits de la personne au Maroc. Une entrevue avec Osire Glacier

Par Maurice Demers, département d’histoire de l’Université de Sherbrooke, et Bernard Ducharme, Ph. D. en histoire et en études romanes, chercheur associé au Groupe de Recherche sur l’Islamophobie et le Fondamentalisme de l’UQÀM

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Afin d’éclairer les débats actuels autour de l’islam, de la radicalisation et de la question des droits humains dans le monde musulman, HistoireEngagee.ca s’est entretenue avec la professeure de l’Université Bishop’s Osire Glacier qui se spécialise sur les thématiques portant sur les femmes et l’islam ainsi que sur les rapports entre politiques et religion au Moyen-Orient. Elle a publié ces dernières années les livres Les droits humains au Maroc entre discours et réalité (Tarik Éditions, 2015), ainsi que Femmes politiques au Maroc d’hier à aujourd’hui (Tarik Éditions, 2013).

De notre perspective nord-américaine, la lutte au terrorisme semble absorber la question des droits de la personne au Maghreb. Qu’en est-il vu du Maroc? Quels sont les grands enjeux actuels relatifs à la question des droits de la personne?

Le Maroc est de plus en plus sollicité par les gouvernements européens pour collaborer dans la lutte anti-terroriste.  D’ailleurs, d’après les médias français et belges, c’est grâce aux services marocains qu’Abdelhamid Abaaoud, présumé cerveau des attentats de Paris, a été retrouvé. Cependant, ces mêmes médias passent sous silence les conditions dans lesquelles les renseignements fournis par les services marocains sont collectés.  Les exigences de la sécurité nationale et internationale semblent légitimer ces omissions, et donc ultimement toute éventuelle atteinte aux droits humains. Pourtant, seul le respect de ces droits à l’échelle planétaire pourrait garantir la sécurité dans notre village global.

Pour expliquer le lien étroit existant entre le respect de la dignité humaine et la paix mondiale, c’est important de faire remarquer en premier lieu que les discours dominants en Occident abordent la question du terrorisme comme un conflit civilisationnel. Des extrémistes religieux dans les terres de l’Islam représenteraient une menace pour les valeurs démocratiques en Europe et en Amérique du Nord.  Or il s’agit là d’une lecture sélective des activités terroristes. L’organisation l’État islamique (EI) par exemple a perpétré des attentats terroristes en Tunisie et au Liban, dont les victimes sont des musulmans.   En outre, ces terroristes persécutent les musulmans qui ne partagent pas leur idéologie, ou qui ne se plient pas à leurs ordres.  Il en est ainsi pour les musulmans chiites et yézidis, pour ne citer que ceux-là.

Le voile, quelques perspectives historiques

Par Osire Glacier[1], Université Bishop

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Source: Alexandre Baron, Flickr

Résumé

En examinant les diverses fonctions que le voile a remplies dans l’histoire des sociétés musulmanes, cet article suggère qu’il y a un écart de sens entre les perceptions du voile par le public et les médias québécois et celles de la diaspora musulmane. Ce survol historique a pour but d’éclairer les débats qui portent actuellement sur le port du voile au Québec en particulier, et en Occident en général.

Mots-Clés

voile; genre; accommodement; multiculturalisme; islam

Introduction

Le port du voile au Québec symbolise en général, aux yeux du public, le statut inférieur des femmes. En effet, à la suite des travaux de la commission de consultation sur les pratiques d’accommodements reliées aux différences culturelles, le rapport Bouchard-Taylor relève que ces pratiques sont perçues comme une menace pour les valeurs d’égalité homme/femme. Ce rapport atteste que de nombreux Québécois ont exprimé leur crainte que la liberté de religion serve à justifier certaines inégalités à l’égard des femmes. Certes, dans la première partie de cet article, l’examen de la fonction qu’a jouée le voile dans les civilisations humaines anciennes et dans l’histoire de l’Islam prémoderne rejoint les perceptions dominantes qui considèrent le voile comme un symbole de la subordination des femmes. Néanmoins, la deuxième partie de cette étude montre qu’il s’agit d’une lecture partielle de ce phénomène, puisque le voile a joué des fonctions diverses au cours des siècles dans les sociétés musulmanes, dont la hiérarchisation des sexes, la légitimation de la domination coloniale, la contestation des injustices sociales, la libération de certaines femmes et l’affirmation identitaire. Par conséquent, cette étude suggère qu’une compréhension adéquate de ce phénomène nécessite une lecture multiple en ce qui a trait au cas du voile.

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