Compte rendu de l’exposition VIVA LÉA! Indignée, battante, humaniste : Léa Roback

Publié le 10 mai 2018

Par Benoit Marsan

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Madame Léa Roback – Manifestation pour le droit à l’avortement, 1987. Crédit : André Querry.

Pour célébrer son 25e anniversaire, la Fondation Léa-Roback[1] présente l’exposition intitulée VIVA LÉA! Indignée, battante, humaniste : Léa Roback. À travers 13 thématiques[2], l’exposition explore différents aspects de la vie et de l’héritage de Léa Roback (1903-2000). Comme le rappelle une citation de la militante sur l’une des vignettes présentées : « [j]’ai milité, je milite encore aujourd’hui contre le nucléaire pour la paix, et jusqu’à temps qu’on me mette en boîte, et bien mon Dieu je continuerai. » Il va donc de soi qu’une majorité des thèmes de l’exposition portent sur l’évolution de son activité militante : de ses premiers pas au sein du Parti communiste du Canada et du mouvement ouvrier dans les années 1930; en passant par son implication dans le mouvement féministe et pacifiste des années 1960 jusqu’à sa mort; ou encore par son soutien à la communauté mohawk de Kanehsatake lors de la Crise d’Oka de 1990.

Exposition Viva Léa! Indignée, battante, humaniste: Léa Roback. Crédit : André Querry.

Simple, sans prétention, mais très efficace, l’exposition retrace différents aspects qui marquent la personnalité et les passions de la militante. Plusieurs documents inédits nous permettent de mieux connaître et apprécier le personnage. J’ai particulièrement apprécié les deux lettres produites sur les panneaux « Grève dans la guenille » (sur la grève des Midinettes de 1937) et RCA Victor (sur la campagne de syndicalisation des ouvrières de la compagnie au cours des années 1940). Ces documents nous renseignent à la fois sur les conditions de vie et de travail des travailleuses, mais aussi sur toute l’humanité, l’indignation et la combativité de Léa Roback. J’ai aussi aimé le lien qui est fait entre le passé et le présent. 18 ans après sa mort, la militante laisse toujours un important héritage. C’est le constat qui est fait dans les parties de l’exposition « Léa l’inspiratrice » et « Léa aujourd’hui : une présence active ». Ces deux thématiques abordent le legs de Léa Roback, notamment par sa présence dans le paysage urbain, le cinéma, l’art, le domaine de la recherche, à travers la fondation qui lui est dédiée, ainsi qu’à titre d’inspiration pour de nombreuses personnes.

Ma principale critique concerne la dimension historique qui est sous-exploitée dans l’exposition. La vie de Léa Roback est très peu contextualisée par rapport à l’histoire du XXe siècle. Il en va de même pour les différentes phases de son militantisme. Par exemple, il aurait été pertinent d’expliquer ce que peut représenter le fait d’être une femme d’origine juive et militante communiste dans le Québec des années 1930, alors que l’anticommunisme, l’antisémitisme et le modèle du pourvoyeur masculin sont des dynamiques sociales importantes de la période. En ce sens, cette faiblesse de l’exposition empêche de rendre tout à fait justice à ses réalisations, car elles semblent en partie déconnectées de l’évolution politique et sociale de l’histoire du Québec dans laquelle elles s’articulent et évoluent, et auxquelles elles contribuent.

Malgré cette lacune, c’est un événement à ne pas manquer. L’exposition est présentée du 3 au 31 mai 2018 à la Bibliothèque publique juive, dans le quartier Côte-des-Neiges à Montréal, là où est entreposé le fonds d’archives Léa Roback. Une visite d’environ une heure qui permet de se plonger dans la vie de l’une des figures fascinantes et inspirantes de l’histoire québécoise. Malheureusement, son apport et son rôle sont encore trop méconnus du grand public, probablement du fait qu’elle soit une femme, d’origine juive et de gauche. Un vent de fraîcheur dans ce type d’exposition-hommage, qui contraste avec les trop nombreux événements du genre qui portent sur des « grands » hommes québécois issus du monde politique et de la finance. Aussi, pour l’occasion, l’organisme Montréal Explorations propose un circuit en autobus intitulé Sur les pas de Léa Roback : une traversée militante du 20e siècle, qui aura lieu le 27 mai.

Pour en savoir plus :

BISSONNETTE, Sophie. Des lumières dans la grande noirceur. Québec, 1991, 90 min.

« Biographie de Léa ». Fondation Léa Roback. [En ligne] http://www.fondationlearoback.org/bio.htm.

FOURNIER, Louis. « Léa Roback : 30 ans de militantisme communiste ». Dans COMEAU, Robert et Bernard DIONNE, dir. Le droit de se taire. Histoire des communistes au Québec, de la Première Guerre mondiale à la Révolution tranquille. Montréal, VLB, 1989, p. 386-406.

LACELLE, Nicole. Entretiens avec Madeleine Parent et Léa Roback. Montréal, Les éditions du remue-ménage, 1988, 181 p.

VAN HORSSEN, Jessica et Graham WOOD. Les aventures de Léa Roback. Montréal, Bibliothèque publique juive, 2011, 12 p.


[1] Fondée en novembre 1993, à l’occasion du 90e anniversaire de Léa Roback, la fondation offre des bourses d’études aux femmes impliquées socialement et vivant dans la précarité économique.

[2] Léa et les plaisirs de l’art; Rosemont, atelier pour enfants; Léa l’inspiratrice; Militante indépendante, Léa la rouge, la féministe, l’activiste; Une belle famille, une belle jeunesse; « Grève dans la guenille »; RCA Victor; Léa aujourd’hui : une présence active; Un beau cadeau pour Léa… et pour les femmes; La famille de Léa; Les pérégrinations de Léa; Berlin, 1929-1932.