De la réconciliation à l’appropriation : retour sur un dérapage annoncé

Publié le 26 octobre 2021

Jean-Philippe Uzel, professeur au Département d’histoire de l’art de l’UQAM, membre du GRIAAC / CIÉRA-MTL

Résumé: Les cas d’appropriation culturelle dans les arts véhiculent une représentation tronquée et fallacieuse des cultures autochtones qui perpétuent in fine leur invisibilité. Le processus de réconciliation dans les arts, entamé par les institutions et les organismes artistiques canadiens à partir de 2015, avait pour objectif de permettre une meilleure compréhension des réalités autochtones et donc de réduire leurs représentations réductrices par les artistes allochtones. Or, c’est exactement l’inverse qui s’est produit. La réconciliation a créé un contexte qui a abouti à la multiplication des cas d’appropriation culturelle, dont plusieurs ont fait la une des manchettes. Cet article analyse ce dérapage annoncé en attribuant les ratés de la réconciliation dans les arts à deux causes principales : la précipitation avec laquelle elle a été mise en place, motivée par la volonté de « tourner la page » au plus vite, et le fait que le processus ait mis exclusivement l’accent sur la souffrance des victimes, offrant une rédemption à bon compte aux responsables de cette souffrance.

En octobre 2002, dans un texte intitulé « Presence and Absence: Indian Art in the 90s[1] », le commissaire et théoricien kanien’kehá:ka (mohawk) Ryan Rice proposait un bilan des avancées des arts visuels autochtones aussi bien sur les scènes québécoise et canadienne que sur la scène internationale. Il notait qu’un véritable progrès avait eu lieu au cours des dernières décennies dans la reconnaissance des pratiques autochtones contemporaines au sein du monde de l’art, mais déplorait l’absence d’œuvres dans les grandes collections muséales. En reprenant 15 ans plus tard son texte dans une version « redux[2] », son bilan avait évolué. Il se réjouissait, cette fois-ci, de la percée des artistes dans les grandes collections et dans les expositions, mais regrettait que l’art autochtone reste encore en marge de l’écriture de l’histoire de l’art occidentale. Cet exemple nous montre que la dialectique présence/absence dans le monde de l’art est complexe, et que l’on ne passe jamais d’une absence complète à une présence totale, le chemin se fait par petits pas.

Il est utile de rappeler ceci en commençant notre propos, car il n’est pas rare d’entendre dire aujourd’hui que les artistes autochtones ont depuis quelques années pris toute la place qui leur revient, et que leur présence dans les musées, galeries d’art et centres d’artistes est maintenant un processus achevé. Ces derniers seraient passés en un temps record d’une invisibilité quasi complète à une hypervisibilité. Mais était-on sûr que le brusque passage de l’obscurité à la lumière ne crée pas des points aveugles sur la rétine des regardeurs ? Il est en effet facile de montrer que les critiques d’art allochtones qui s’extasient devant le « triomphe » de l’art autochtone ne voient pas les absences persistantes de ce dernier. C’est le cas de la critique du Globe and Mail[3] qui rendait compte en termes dithyrambiques de l’exposition Sakahàn qui réunissait en 2013 au Musée des beaux-arts du Canada 82 artistes autochtones de toute la planète, dont 26 du Canada, mais oubliait de souligner qu’une seule, l’artiste d’ascendance anichinabée Nadia Myre, était issue du Québec, situé pourtant à quelques encablures du musée. A l’inverse, il arrive encore fréquemment que les commentateurs passent à côté des événements les plus marquants de la création autochtone, à l’instar du critique de La Presse[4] qui, à la fin de l’année 2017, se réjouissait que l’art autochtone s’affiche dans sept expositions dans la seule ville de Montréal, mais oubliait de mentionner l’événement le plus audacieux de l’année. La carte blanche que la galerie SBC avait donnée à la Wood Land School en lui offrant la liberté d’organiser entièrement la programmation 2017 de la galerie[5].  

Le sujet de cet article, les cas d’appropriation culturelle dans le contexte de la politique canadienne de réconciliation dans les arts, porte également sur ces faux-semblants qui brouillent la dialectique présence/absence en donnant l’impression qu’une chose est présente alors qu’elle est en fait absente, remplacée par son simulacre. Pour déconstruire cette illusion, il faut tout d’abord rappeler que l’appropriation culturelle ne renvoie pas, comme on le croit souvent, à un échange égalitaire entre deux cultures, mais bien à un emprunt réducteur et dégradant d’une culture dominée par une culture dominante. Il existe différents degrés d’appropriation culturelle, du plus fragrant (un défilé de lingerie féminine dans lequel les mannequins portent des coiffes sacrées des Sioux Lakotas) au plus insidieux (lorsqu’un metteur en scène consulte pour son spectacle des Autochtones pour les ignorer dans la version finale de son œuvre). L’important est de bien comprendre que les œuvres qui se livrent à l’appropriation culturelle perpétuent dans tous les cas l’invisibilité des peuples autochtones, sous l’apparence d’une fausse visibilité.

L’appropriation culturelle dans les arts, tout particulièrement à l’égard des Premières Nations, n’est pas un phénomène nouveau. Depuis le début des années 1990, plusieurs polémiques ont secoué le monde de l’art canadien dans des termes très similaires à ceux que l’on connait aujourd’hui : un artiste prétendant rendre hommage à une culture autochtone s’en approprie un élément historique, mémoriel ou sacré et en tronque, la plupart du temps par ignorance, la signification. Lorsque les membres de la culture concernée dénoncent cet emprunt abusif, l’artiste crie à la censure[6]. Toutefois, force est de reconnaître que depuis quelques années les cas d’appropriation culturelle des voix autochtones se sont multipliés de façon exponentielle faisant la une des manchettes au Québec et au Canada. Ces derniers mois, l’accent a été mis au Québec sur les fraudes identitaires, qui ne sont qu’une forme extrême d’appropriation culturelle[7]. Plusieurs explications ont été avancées par les commentateurs pour expliquer ce regain d’appropriations. Certains affirment qu’il s’agit-là d’une spécificité québécoise, le Québec ayant été plus long que les autres provinces à reconnaître les réalités autochtones, son nouvel engouement se faisant dans la précipitation et le désordre[8]. Mais cette explication ignore la multitude de cas d’appropriation culturelle dans le Canada anglophone. D’autres voix, expliquent la multiplication des cas de fraudes identitaires, tout particulièrement dans le dossier des « Métis du Québec », par le flou des lois coloniales, sans expliquer pourquoi ces problèmes apparaissent aujourd’hui alors que les lois en question sont en vigueur depuis le XIXe siècle[9]. D’autres, enfin, affirment que la responsabilité incombe à un changement d’époque, notre société étant devenue hypersensible par rapport à tout ce qui touche les droits de minorités et de certains groupes sociaux et culturels maintenus en position subalterne comme les Autochtones, mais aussi les personnes racisées, les personnes LGBTQ+, les personnes en situation de handicap[10]. Si cette explication n’est pas entièrement fausse, elle peine à expliquer pourquoi, de plus en plus d’artistes allochtones s’approprient des sujets autochtones.  

C’est précisément sur ce dernier point que porte notre hypothèse qui cherche à démontrer que la multiplication des cas d’appropriation culturelle ces dernières années est la conséquence directe des recommandations déposées par la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) en 2015. En effet, tout indique que l’appel à la réconciliation dans et par les arts a favorisé les cas d’appropriation en donnant une carte blanche aux artistes allochtones[11] et en les encourageant à s’approprier dans la précipitation des sujets autochtones qu’ils maitrisaient mal. Notre thèse peut sembler a priori paradoxale, car elle prend le contre-pied de la plupart des auteurs qui ont déjà établi des liens entre appropriation culturelle et processus de réconciliation. Selon ces derniers, c’est l’indifférence et la méconnaissance qui créent des représentations tronquées et stéréotypées, or le processus de réconciliation vise précisément à faire reculer ces formes d’ignorance. Cette thèse est par exemple défendue par la juriste québécoise Ethel Groffier qui affirme que les cas d’appropriation culturelle sont à mettre sur le compte d’un processus de réconciliation trop timoré et pas suffisamment abouti[12]. Cette interprétation qui met l’accent sur les principes et objectifs de la réconciliation, à savoir une pleine et entière reconnaissance de Nation à Nation, néglige cependant les conditions concrètes dans lesquelles ce processus a été lancé dans le domaine des arts. Ce sont ces conditions problématiques qui, selon nous, ont entrainé les dérapages qui ont amené à la multiplication des cas d’appropriation. Le premier problème vient de la précipitation avec lequel ce processus a été mis en œuvre par les pouvoirs publics et la durée de vie extrêmement brève avec lequel il a été pensé. La réconciliation a été mal expliquée et mal comprise par beaucoup d’artistes allochtones qui se sont engouffrés dans ce processus sans en saisir tous les tenants et les aboutissants. Le second problème est lié au fait que le processus de réconciliation au Canada a été pensé de façon dépolitisée, mettant l’accent sur la souffrance des victimes et les séquelles des pensionnats et non sur les responsabilités des perpétrateurs du « génocide culturel[13] » (les congrégations religieuses qui géraient les pensionnats et l’État canadien qui les a créés et qui les finançait). Ce traitement apolitique d’un problème politique découle directement, comme nous le verrons, des choix opérés par la CVR, mais il a été amplifié par un mouvement de fond qui a saisi le monde de l’art occidental depuis trois décennies, qui fait en sorte que l’art engagé, souvent revendicateur et subversif, a laissé la place à un art éthique à visée consensuelle.

La CVR canadienne et la réconciliation par les arts 

Avant d’examiner plus en détail les deux dimensions de la réconciliation dans les arts qui ont favorisé les cas d’appropriation culturelle (la précipitation et la dépolitisation), il semble utile de rappeler à grand trait le rôle que les arts ont joué dans ce processus.

La CVR a été instituée le 1er juin 2008 à la suite des excuses officielles présentées par Stephen Harper, alors premier ministre, pour le rôle joué par le Canada dans la mise sur pied des pensionnats autochtones. La CVR du Canada faisait suite à la CVR tenue au Chili en 1989 et en Afrique du Sud entre 1995 et 2002. La CVR canadienne a innové sur plusieurs aspects, par exemple en rendant ses rencontres accessibles au public et en les retransmettant à la télévision. Une autre particularité est d’avoir sollicité à plusieurs reprises des œuvres d’art comme une expression privilégiée pour contribuer à la vérité et à réconciliation[14]. C’est ainsi que dès 2010, la CVR a lancé un appel « à tous les artistes » pour recevoir des contributions artistiques liées aux pensionnats, mais aussi à des sujets beaucoup plus larges comme : « les excuses, la vérité, l’oppression culturelle, le génocide culturel, la résistance, la résilience, à la spiritualité, le souvenir, la réconciliation[15] ». Ces œuvres étaient destinées à être montrées lors des événements organisés par la CVR, à alimenter sa base de données et à illustrer ses rapports et son site web. Dans son rapport final, déposé en décembre 2015, la CVR consacre une section aux arts intitulée « Les arts : pratiquer la résistance, la guérison et la réconciliation[16] » dans laquelle elle insiste de nouveau sur l’importance des arts dans le processus de réconciliation et de guérison. Évoquant les expositions d’art tenues en marge des événements nationaux de la commission, le rapport final rappelle qu’« un certain nombre d’artistes non autochtones y ont aussi pris part. Leurs œuvres abordaient les thèmes du déni, de la complicité, des excuses et des politiques gouvernementales[17] ». En outre, un des 94 appels à l’action du rapport final demandait directement au Conseil des arts du Canada (CAC) d’élaborer un programme favorisant les collaborations entre artistes autochtones et allochtones : « 83) Nous demandons au Conseil des arts du Canada d’établir, en tant que priorité de financement, une stratégie visant à aider les artistes autochtones et non autochtones à entreprendre des projets de collaboration et à produire des œuvres qui contribueront au processus de réconciliation.[18] »

Le CAC a anticipé cet appel puisque dès le mois de mai 2015 il lançait un nouveau programme intitulé {Ré}conciliation dont l’objectif visait « à promouvoir la collaboration artistique entre les artistes autochtones et non autochtones, en investissant dans le pouvoir des arts et de l’imagination pour nourrir le dialogue, la compréhension et le changement[19]. » Le programme fut conçu à l’origine pour une année, puis prolongé une deuxième année et ce seront au total 26 récipiendaires qui en bénéficieront. D’autres programmes du CAC seront également touchés par la dynamique de réconciliation, tout particulièrement le programme spécial Nouveau chapitre lancé en mai 2016, et conçu pour commémorer le 150e anniversaire de la Confédération canadienne. Plusieurs projets, parmi les 200 qui seront financés dans le cadre de Nouveau chapitre, s’inscriront explicitement dans un esprit de réconciliation. C’est également le cas pour Fonds Canada 150 de Patrimoine Canada, qui a financé des projets artistiques axés sur la réconciliation (les projets Capteurs de rêve, Voix du Nunavut, Extrémités canadiennes…). L’appel de la CVR à promouvoir la collaboration entre artistes autochtones et allochtones a donc été largement relayé par les pouvoirs publics et les institutions artistiques, dont plusieurs ont consacré une partie de leur programmation 2017 à des artistes autochtones ou des projets collaboratifs.  

C’est dans ce contexte que le CAC a décidé de publier le 7 septembre 2017 un « énoncé » qui a jeté une certaine stupeur dans le monde de l’art. Le contenu de ce document, long d’à peine deux pages et demie, était tout entier contenu dans son titre : « Soutenir les arts autochtones dans un esprit d’autodétermination et non d’appropriation culturelle[20] ». Le CAC y réitérait sa défense de la liberté d’expression des artistes tout en montrant que celle-ci s’arrête où l’appropriation culturelle commence[21]. Et de conclure son texte par la mise au point suivante : 

« Aussi, le Conseil considère qu’il est normal de demander aux artistes et organismes qui lui soumettent une demande de subvention pour des projets qui abordent, traitent, intègrent, commentent, interprètent ou mettent en scène des éléments distinctifs de la culture des Premières Nations, des Inuits ou des Métis, de démontrer qu’ils font preuve de respect et de considération véritables à l’égard des arts et de la culture autochtones à l’occasion de leur démarche. Sans prescrire une façon spécifique ou obligatoire d’y parvenir, on peut s’attendre à ce que des démarches d’échanges authentiques et respectueux aient été faites envers et avec les artistes ou autres membres des communautés autochtones dont la culture ou les protocoles sont concernés par le projet pour lequel on souhaite l’appui du Conseil des arts du Canada.[22] »

Le constat est on ne peut plus clair : le processus de réconciliation dans les arts, sous couvert de rapprocher les points de vue et de guérir les blessures, a en fait encouragé la multiplication des cas d’appropriation. Cet énoncé, qui sonne comme un aveu d’échec, est la meilleure démonstration que la ligne de démarcation entre la collaboration artistique et l’appropriation culturelle reste très fine. La mise au point du CAC fait en effet le constat amer, deux ans à peine après le début du processus, que la réconciliation dans les arts n’a pas mis fin au colonialisme, mais que d’une certaine façon elle en a reconduit la logique. Et le CAC de citer l’artiste anichinabée, Aylan Couchie, déclarant que « l’appropriation des récits, des comportements et des œuvres d’art autochtones est tout simplement une continuité du colonialisme et de l’affirmation de ses droits sur la propriété des peuples autochtones[23]. »

En mettant en ligne son énoncé, le CAC réagissait à une série de controverses et de débats qui ont secoué le monde de la littérature, de la musique, du théâtre et des arts visuels canadiens au cours des deux années précédentes. Au cœur de ces polémiques, on retrouve des situations très variées, mentionnons certaines des plus  connues : des artistes allochtones qui s’approprient les styles des artistes des Premières Nations (l’art formline pour Sue Coleman et le style de l’école de Woodland pour Amanda PL) ou qui représentent de façon irrespectueuse et dégradante les peuples autochtones (les Inuit dans les sculptures de Stan Denniston ou dans le film Of the North de Dominic Gagnon) ; un éditeur de revue littéraire qui souhaite créer un « prix de l’appropriation » (Hal Niedzviecki du magazine Write) et qui se voit soutenu par plusieurs journalistes de premier rang qui proposent à leur tour de financer un tel prix; un des principaux auteurs canadiens (Joseph Boyden), qui intervient depuis des années comme porte-parole officieux des Premières Nations, qui est pris en flagrant délit de mensonge sur ses origines autochtones dans un reportage télévisé de l’APTN. On apprendra plus tard que le CAC a également reçu en 2016 une demande dans le cadre du programme Nouveau chapitre pour financer le spectacle Kanata de Robert Lepage, spectacle qui allait être au cœur d’une intense polémique au cours de l’année 2018.[24] 

Les artistes et auteurs dont les œuvres ont été taxées d’appropriation culturelle ont tous dénoncé un faux procès et invoqué pour leur défense l’esprit de réconciliation qui a animé leur démarche. Selon eux, leur proposition n’avait d’autre but que de jeter un pont entre les cultures et de rendre hommage aux Autochtones (pour la richesse de leur création, par leur résilience face au génocide culturel, pour appuyer leurs revendications territoriales…). Toutefois, face à la détermination de leurs critiques, ils se sont montrés prompts à invoquer une nouvelle censure (la fameuse « cancel culture ») et s’en sont pris avec véhémence à leurs détracteurs, y compris lorsque ceux-ci étaient autochtones. C’est justement pour mettre fin à ce genre de situations que le CAC a choisi de publier son énoncé en septembre 2017. Mais comment expliquer ce formidable dérapage qui nous amène en moins de deux ans de la promotion de la réconciliation à la dénonciation de l’appropriation ?

La réconciliation dans la précipitation

Un des principaux problèmes du processus de réconciliation dans les arts vient de sa mise en œuvre précipitée. Rappelons que le programme {Ré}conciliation a été lancé 8 mois avant le dépôt du rapport final de la CVR et a été conçu pour durer seulement une année, avant d’être renouvelé un an de plus. En juin 2016, Simon Brault, le directeur du CAC, était fier de vanter la réactivité de son organisme qui avait mis sur pied le programme {Ré}conciliation afin « de répondre à un problème ponctuel et urgent[25] ». Mais l’urgence s’est transformée en précipitation. Le CAC a effet préféré répondre par anticipation à l’appel à l’action #83 du rapport final de la CVR, plutôt que d’opter pour une stratégie axée sur la pédagogie en insistant auprès des artistes allochtones sur le respect dont ils devaient faire preuve en abordant dans leur création des sujets autochtones. Ce que le CAC sera finalement obligé de faire a posteriori dans son énoncé de 2017. Outre la précipitation dans la mise en place du programme, sa durée de vie extrêmement brève, tout d’abord un an puis ensuite deux ans[26], n’a fait que contribuer à donner l’impression aux artistes allochtones que la fenêtre d’opportunité pour s’impliquer dans le processus de réconciliation était extrêmement étroite. Les artistes qui ont répondu à l’appel de la CVR, appel qui a largement dépassé les programmes du CAC, l’on fait sans toujours se donner les moyens de s’informer et de comprendre toutes les implications des sujets qu’ils abordaient dans leurs œuvres. C’est une des critiques, parmi beaucoup d’autres, que le cinéaste innu Andrée Dudemaine adressait en 2016 à Dominic Gagnon, auteur du film polémique of the North, qu’il présentait comme : « un homme qui n’a jamais mis les pieds au Nord, n’a jamais côtoyé les populations autochtones des territoires nordiques, n’a jamais consulté de spécialistes des études inuites, ni potassé leurs publications[27]. »

La précipitation avec laquelle a été mis en place le processus de réconciliation dans les arts a été critiquée par de nombreux artistes et théoriciens autochtones[28]. Certains ont exprimé leur réserve vis-à-vis de la réconciliation et mis en garde contre les risques de dérapage plusieurs années avant la conclusion des travaux de la CVR. C’est le cas des auteurs et autrices autochtones qui ont contribué en 2012 au numéro de la revue West Coast Line consacré entièrement à la réconciliation sous le titre ironique « Reconcile This! ». L’article signé par l’artiste, théoricien et commissaire Métis David Garneau, très souvent cité, y compris par le rapport final de la CVR[29], est particulièrement utile pour diagnostiquer les dérapages du processus de réconciliation. Dans son article, Garneau critique tout d’abord le mot « réconciliation », qui suppose le rétablissement d’une relation harmonieuse rompue comme si les écoles résidentielles étaient venues mettre fin à une époque de concorde entre Autochtones et Allochtones[30]. En outre, Garneau note avec perspicacité que le mot « réconciliation » s’inscrit dans un vocabulaire religieux puisqu’il renvoie à un des sept sacrements de l’Église catholique qui décrit le pardon accordé à un pécheur pénitent, écarté un temps de la communauté des croyants, et invité à la rejoindre de nouveau par un geste de contrition. Garneau souligne que cette référence au rituel catholique est pour le moins inappropriée dans le cadre d’une commission qui se penche sur les sévices organisés par des congrégations chrétiennes[31]. Pour toutes ces raisons, le dialogue que cherchait à établir la CVR relevait plus, selon lui, d’une « conciliation » que d’une « réconciliation ». 

Garneau revient également dans son article sur l’objectif fondamental visé par l’État fédéral en instaurant la CVR : traiter le plus rapidement possible le problème des pensionnats afin que le Canada puisse se débarrasser une fois pour toutes de son passé colonial et du sentiment de culpabilité qui l’accompagne : « En se concentrant sur les pensionnats Indiens, le gouvernement a réduit le colonialisme à un problème soluble : les écoles sont fermées, les victimes sont remboursées, le problème est résolu.[32] » Cet objectif, loin d’être caché était au contraire mentionné dès la première ligne du mandat de la CVR : « On observe un nouveau et puissant désir de tourner la page sur les événements passés, afin qu’il nous soit possible de bâtir un avenir plus solide et plus sain.[33] ». Ce désir de tourner le plus rapidement possible la page du passé, et donc d’en finir au plus vite avec la réconciliation, contrastait, selon David Garneau, avec l’exigence d’établir un véritable dialogue entre les cultures puisque : « […] le besoin de conciliation est perpétuel. La conciliation est un processus continu, une recherche plutôt que le rétablissement d’un accord imaginé.[34] » Ce besoin de temps, nécessaire à l’instauration d’un lien de confiance entre Autochtones et Allochtones a été souligné par beaucoup d’autres personnes autochtones dans le monde de l’art[35], mais c’est le message contraire qui a été entendu par les artistes allochtones et que l’on pourrait résumer de la façon suivante : « la page du colonialisme est sur le point de se refermer et si vous souhaitez participer à ce mouvement, il est minuit moins une pour vous impliquer ».

Comme une ultime boutade à ce qu’allait devenir le discours officiel de la réconciliation dans les arts, c’est-à-dire la collaboration entre allochtones et autochtones et l’invitation « à tous les artistes » de traiter des sujets entourant les pensionnats, Garneau mentionnait que le projet esthétique prioritaire de la CVR devait consister à favoriser des collaborations entre les artistes autochtones eux-mêmes dans des « espaces autochtones irréconciliables » :

« Notre rôle est de créer des espaces sûrs et fluides où de nouveaux moyens de production peuvent être utilisés. Dans ces espaces, les artistes autochtones apprennent les uns des autres, partagent des expériences et des méthodes artistiques communes, et développent des collaborations, des partenariats et des échanges, mais ces espaces permettent aussi à ces artistes de faire ce qu’ils souhaitent en tant que créateurs souverains, et non en tant que personnes toujours définies par le colonialisme[36]. »

Alors que le rapport final de la CVR citait à deux reprises l’article de Garneau (dans sa version de 2012) et reconnaissait que « les artistes choisissent parfois de garder pour eux leur expérience en pensionnat indien ou de ne la partager qu’avec d’autres Autochtones[37] », cette idée de créer des espaces autochtones de non-réconciliation ne sera pas retenue dans les recommandations finales du rapport et sera largement ignorée par les institutions artistiques à de très rares exceptions, comme l’initiative de la Wood Land School mentionné en introduction de cet article, projet initié par l’artiste CriOmaskêko Duane Linklater qui mettra en œuvre une véritable démarche d’autodétermination. De même, la mise en garde contre la précipitation dans le processus de réconciliation et les risques accompagnant la volonté de tourner le plus vite possible la page des pensionnats ne sera pas entendue.

La souffrance des victimes et la rédemption des colonisateurs

L’avidité à faire table rase du passé colonial avec laquelle les artistes allochtones ont abordé le processus de réconciliation explique en grande partie les nombreux cas d’appropriation culturelle qui sont apparus à partir de 2015. Outre la rapidité, et le peu de précautions dans le traitement des enjeux autochtones, le choix fait par la CVR de mettre la souffrance des victimes au centre du processus de réconciliation a encouragé les artistes allochtones à adopter dans leur démarche artistique une attitude compassionnelle qui explique les dérapages auxquels on a assisté.

Là encore, les analyses de David Garneau nous apparaissent particulièrement justes. L’auteur rappelle, dans son article « Imaginary Spaces of Conciliation and Reconciliation », que la CVR canadienne s’est démarquée des autres CVR dans le monde qui ont toutes confronté les témoignages des victimes aux confessions de leurs bourreaux. C’est précisément par ce processus, au cours duquel les victimes et leurs tortionnaires témoignent face à face, que la vérité émerge et que la réconciliation peut avoir lieu. Les CVR débouchent sur une justice non pénale qui vise à instaurer les bases d’une nouvelle relation pacifiée entre les membres d’une société, ce que les juristes qualifient de « justice transitionnelle[38] ». Or, le Canada a fait le choix de mettre l’accent sur les seules souffrances des victimes des pensionnats (les pensionnaires, leur famille et leur communauté) en laissant dans l’ombre la responsabilité des perpétrateurs des crimes (l’État et l’Église)[39]. Ce choix a eu pour conséquence de dépolitiser complètement le processus de réconciliation canadien qui s’est transformé en un grand moment d’union nationale autour des témoignages des anciens pensionnaires et de leurs proches. La seule attitude possible pour les non Autochtones invités à suivre les événements nationaux de la CVR, en personne ou à la télévision, était de reconnaitre et de partager l’immense souffrance des peuples autochtones. Les artistes ont à leur tour voulu faire preuve de compassion en mettant en scène les séquelles intergénérationnelles produites par le système des pensionnats. Cependant, ils ont souvent mal évalué la profondeur et la persistance des traumas qu’ils abordaient dans leurs œuvres et la retenue dont il aurait fallu faire preuve pour en traiter. On se rend compte, en effet, que plusieurs œuvres qui ont été accusées d’appropriation culturelle, exposaient les séquelles des pensionnats avec une sorte de « scopophilie[40] » consistant à tout voir et à tout montrer. Qu’il s’agisse du film of the North de Dominic Gagnon, montrant les ravages de l’alcoolisme dans les communautés inuites ou du spectacle Kanata sur les victimes du tueur en série Robert Pickton, pour la plupart droguées et prostituées, dans les deux cas on exposait de façon spectaculaire la souffrance des Autochtones. L’empathie et les bons sentiments des artistes, qu’ils ne manqueront pas de brandir après le déclenchement de la polémique autour de leurs œuvres, les autorisant selon eux à montrer dans toute leur étendue et avec moult effets spectaculaires (le montage choc chez Gagnon, les effets cinématographiques chez Lepage) la déchéance et la souffrance des peuples autochtones.

Mais que recherchaient exactement les artistes allochtones en exposant si crument les souffrances des pensionnaires et les séquelles intergénérationnelles des pensionnats ? C’est la question que posait David Garneau dans une entrevue datant de 2013 : « J’éprouve beaucoup d’anxiété à l’égard des expositions qui consistent essentiellement à montrer la douleur des Autochtones. […] Pourquoi les conservateurs, autochtones et non autochtones, présentent-ils la douleur autochtone à un public principalement non autochtone ? Qu’est-ce que nous espérons obtenir ?[41] ». La réponse à cette question n’est pas très difficile à deviner. En effet, si la confession des victimes des pensionnats avait pour objectif la guérison, l’exposition de cette souffrance par les artistes et les commissaires allochtones, avait pour objectif la rédemption, c’est-à-dire le rachat des péchés du colonialisme[42]. Le fait pour ces artistes d’exposer et de faire partager symboliquement la souffrance des Autochtones, leur a semblé être à la fois nécessaire et suffisante pour faire acte de contrition et prétendre au pardon des crimes perpétrés par le colonialisme. Même les artistes les plus provocateurs et les plus subversifs dans le traitement de leur sujet, comme Dominic Gagnon avec of the North ou l’artiste en arts visuels Carl Bouchard qui présentait dans son exposition Élargir son territoire (2016) des sex toys sculptés dans des matériaux et des formes évoquant des artefacts autochtones[43], prétendaient le faire avec « une extrême sensibilité[44] » et dans un geste de solidarité envers les peuples autochtones.

Ce qui surprend le plus dans cette rhétorique compassionnelle des artistes allochtones à l’égard de la souffrance des Autochtones est qu’elle est dénuée de toute dimension politique, comme si cette souffrance était un phénomène en soi, sans origine et sans contexte. Cette posture apolitique semble participer de ce que le philosophe français Jacques Rancière a appelé le « tournant éthique de l’esthétique et de la politique » qui se caractérise par l’effacement progressif de toute forme de conflits dans la sphère artistique et, plus largement, dans la sphère politique. Selon lui, la « communauté éthique » est fondée sur le consensus, c’est-à-dire « sur un mode de structuration symbolique de la communauté qui évacue ce qui fait le cœur de la politique, soit le dissensus[45] ». C’est précisément ce à quoi on a assisté avec le phénomène de la réconciliation au Canada où tous les citoyens étaient invités, dans un grand mouvement d’élan national, à s’unir autour de la souffrance des Autochtones. Il est intéressant de noter, même si le sujet mériterait une étude en soi, que l’avènement de ce « tournant éthique » est contemporain des premiers cas d’appropriation culturelle dans le domaine de l’art au tournant des années 1990. Au Québec, ce tournant éthique dans le champ des arts visuels pourrait être daté de la grande exposition Pour la suite du Monde en 1992, qui inaugurait le nouveau site du Musée d’art contemporain (MAC) de Montréal au centre-ville. Le texte du catalogue, « Quand faire de l’art devient une question éthique », signé par Réal Lussier, l’un des deux commissaires de l’exposition, rend compte de façon explicite de la nouvelle conception de l’engagement artistique. Selon Lussier, l’engagement des artistes ne se manifestait plus dans une prise de position critique contre les acteurs de la domination et de l’oppression, mais avant tout dans « les prises de conscience et les dénonciations des grands problèmes du monde contemporain ». Désormais, l’engagement des artistes ne se faisait plus contre tel ou tel régime, institution ou personne, mais était avant un « engagement à l’égard du monde », un monde dans lequel se posaient avec acuité « les grandes questions de dignité humaine, de justice, de solidarité et de tolérance », en un mot « la valeur accordée à l’être humain[46] ». Cette volonté de ne point chercher les responsables des maux contemporains et de se contenter de faire appel aux grands principes humanitaires (justice, tolérance…) explique peut-être pourquoi aucun artiste autochtone n’avait été invité à exposer dans Pour la suite du Monde, alors que partout au Canada et au Québec des grandes expositions[47] dénonçaient en des termes très critiques les 500 ans d’oppression coloniale qui suivirent la « découverte de l’Amérique », et dont la crise d’Oka de l’été 1990 était une des manifestations les plus récentes. Oubli d’autant plus étonnant que l’exposition du MAC reprenait le titre du célèbre film de Pierre Perrault de 1963 tout entier construit autour de la pêche aux marsouins telle que l’avaient pratiquée pendant des siècles les Premières Nations qui habitaient sur les rives du St-Laurent[48].

Le tournant éthique de l’art mériterait des considérations plus approfondies, mais il n’est pas difficile de montrer qu’il a été le terreau sur lequel s’est épanouie l’appropriation culturelle à partir des années 1990. La réconciliation dans les arts a exacerbé ce mouvement en dépolitisant totalement la question des pensionnats et en créant un appel d’air compassionnel dans lequel se sont engouffrés tête la première les artistes allochtones. Il faut donc bien reconnaitre qu’il y a un avant et un après 2015 et que les nombreux cas d’appropriation culturelle qui ont découlé des appels à l’action de la CVR ont profondément entaché la réconciliation dans et par les arts[49].

Bibliographie

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[1] Ryan Rice, « Presence and Absence: Indian Art in the 90s », dans C. Charbonneau (dir.), Définitions de la culture visuelle V : mondialisation et postcolonialisme : actes de colloque, Montréal, Musée d’art contemporain de Montréal, 2002, p. 77-104.

[2] Ryan Rice, « Presence and Absence REDUX: Indian Art in the 90s », RACAR Revue d’art canadienne / Canadian Art Review, volume 42, n° 2, 2017, p. 42–53.

[3] Sarah Milroy, « Sakahan at the National Gallery: an Aboriginal Triumph », Globe and Mail, mis en ligne le 19 juillet 2013, consulté le 7 février 2018, < https://www.theglobeandmail.com/arts/art-and-architecture/sakahan-at-the-national-gallery-an-aboriginal-triumph/article13321012/>

[4] Éric Clément, « L’art autochtone s’affiche dans sept expos à Montréal », La Presse, mis en ligne le 25 novembre 2017, consulté le 3 décembre 2017, <https://plus.lapresse.ca/screens/888101c5-a876-4f69-8274-d6f6ebe2f0cd__7C___0.html>.

[5] Pour en savoir plus sur la Wood Land School, projet initié par l’artiste CriOmaskêko Duane Linklater, et son intervention à la galerie SBC, voir le site : < https://www.sbcgallery.ca/wood-land-school-fr> (consulté le 17 décembre 2017).

[6] Voir par exemple la polémique autour de la sculpture de Joe Fafard Oskana-ka-asateki, érigée en 1998 au centre de Regina en Saskatchewan qui contient déjà toutes les composantes que l’on retrouve dans les cas les plus récents d’appropriation culturelle; Cf. Greg Beatty, « Joe Fafard : autopsie d’une controverse », Espace Sculpture, n° 48, 1999, p. 14-19.

[7] Jean-Marc Belzile, « Métis pour certains, usurpateurs pour d’autres », Radio-Canada, mis en ligne le 21janvier 2021, consulté le 21 janvier 2021, < https://ici.radio-canada.ca/recit-numerique/1547/peuple-autochtone-metis-canada-usurpateurs>.

[8] Ce point de vue était présent dans la presse anglophone canadienne au moment de la polémique autour de Kanata, le spectacle conçu par Robert Lepage sur les relations entre Autochtones et Allochtones ; voir à ce sujet : Robert Everett-Green, « In Quebec, aboriginal invisibility is apparent onstage and on the streets », Globe and Mail, mis en ligne le 24 août 2018,  consulté le 6 septembre 2018, <https://www.theglobeandmail.com/canada/article-in-quebec-aboriginal-invisibility-is-apparent-onstage-and-on-the/>.

[9] Cf. Jean-Marc Belzile, « Métis pour certains, usurpateurs pour d’autres », loc. cit.

[10] Ethel Groffier, Dire l’autre. Appropriation culturelle, voix autochtones et liberté d’expression, Montréal, Leméac, 2020, p. 12.

[11] Nous utiliserons par la suite indifféremment « Allochtones » et « non Autochtones ».

[12] Cf. Ethel Groffier, ibid., chap. III « La réconciliation ? », p. 85-108.

[13] Le terme de « génocide culturel » est défini dans le sommaire du rapport final de la CVR, intitulé Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir, dans les termes suivants : « Un génocide culturel est la destruction des structures et des pratiques qui permettent au groupe de continuer à vivre en tant que groupe. Les États qui s’engagent dans un génocide culturel visent à détruire les institutions politiques et sociales du groupe ciblé. Des terres sont expropriées et des populations sont transférées de force et leurs déplacements sont limités. Des langues sont interdites. Des chefs spirituels sont persécutés, des pratiques spirituelles sont interdites et des objets ayant une valeur spirituelle sont confisqués et détruits. Et pour la question qui nous occupe, des familles à qui on a empêché de transmettre leurs valeurs culturelles et leur identité d’une génération à la suivante. » (Montréal & Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2015, p. 1).

[14] La Commission royale du Canada sur les peuples autochtones qui a rendu ses conclusions en octobre 1996 faisait appel aux arts et au patrimoine autochtones, mais dans le but « d’affirmer et de soutenir l’identité culturelle des peuples autochtones » et non dans une logique de réconciliation ; Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones : vo. 3 : Vers un ressourcement, Ottawa, Affaires indiennes et du Nord Canada, 1996, chap. 6 « Arts et patrimoine », non paginé.

[15] Voir la version anglophone de cet appel à soumission (toutes les traductions de l’anglais vers le français sont de nous) : Commission de vérité et réconciliation, Open Call for Artistic Submissions, mis en ligne en 2010,  consulté le 11 novembre 2020, <https://www.artstno.com/sites/nwtarts/files/TRC_Art_Submissions_en_p6.pdf>.

[16] Commission de vérité et réconciliation, La réconciliation : Rapport Final de la Commission de Vérité et Réconciliation du Canada : volume 6, Montréal & Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2015, p. 199-204.

[17] Ibid., p. 201-202.

[18] Ibid., p. 270-271.

[19] Voir les détails du programme sur le site du CAC : https://conseildesarts.ca/initiatives/reconciliation, (consulté le 16 juillet 202).

[20] Conseil des arts du Canada, « Soutenir les arts autochtones dans un esprit d’autodétermination et non d’appropriation culturelle », énoncé publié sur le site du CAC le 7 septembre 2017, consulté le 8 octobre 2017,  <https://conseildesarts.ca/-/media/Files/CCA/Corporate/Governance/Policy/CCA/CACSoutenirLesArtsAutochtones.pdf>.

[21] Cet énoncé vaudra au CAC les critiques acerbes des militants libertaires ; Cf. Maxime St-Hilaire, « Déconcertant « énoncé » du Conseil des arts sur l’appropriation culturelle autochtone », Inter, n° 132, 2019, p. 16-19.

[22] Conseil des arts du Canada, « Soutenir les arts… », op. cit., non paginé (c’est nous qui soulignons).

[23] Aylan Couchie citée dans « Soutenir les arts… », ibid.

[24] Le comité des pairs ayant évalué le projet Kanata ne l’ayant pas recommandé à cause du « manque d’information dans l’énoncé du projet quant à la consultation des Autochtones ainsi qu’à leur intégration dans le processus de création » ; Conseil des arts du Canada, « Mise au point », texte mis en ligne le 10 août 2018, consulté le 2 octobre 2018, <https://conseildesarts.ca/medias/2018/08/mise-au-point>.

[25] Simon Brault, « Écrire l’histoire d’un avenir prometteur pour les arts et la littérature au Canada », discours prononcé dans le cadre du Sommet canadien des écrivains, mis en ligne le 17 juin 2016, consulté le 13 février 2021, <https://conseildesarts.ca/pleins-feux/2016/06/ecrire-l-histoire-d-un-avenir-prometteur >

[26] Le CAC a précisé au moment du lancement de son nouveau programme de soutien aux arts autochtones en avril 2017 Créer, connaître et partager : Arts et cultures des Premières Nations, des Inuit et des Métis, que les projets de collaboration entre artistes autochtones et allochtones, tels qu’ils avaient été financés dans le cadre du programme {Ré}conciliation, étaient désormais admissibles dans ce nouveau programme. Toujours est-il que ceci n’a pas réussi à contrer l’idée que la réconciliation était, pour reprendre les mots de Simon Brault, « ponctuelle et urgente ».

[27] André Dudemaine, « of the North : inventer l’inuit pour mieux l’asservir », Hors Champs, n° janvier / février 2016, consulté le 5 mars 2016, <https://horschamp.qc.ca/article/inventer-l8217inuit-pour-mieux-l8217asservir>.

[28] Parmi les principaux titres qui regroupent les réactions critiques par rapport à la réconciliation dans les arts citons : West Coast Line, vol. 46, n° 2 « Reconcile This! », 2012; Sophie McCall et Gabrielle Hill (dir.), The Land We Are. Artists and Writers Unsettle the Politics of Reconciliation, Winnipeg, ARP Books, 2015 ; Keavy Martin et Dylan Robinson (dir.), Arts of engagement: taking aesthetic action in and beyond the Truth and Reconciliation Commission of Canada, Waterloo (Ont.), Wilfrid Laurier University Press, 2016.

[29] Commission de vérité et réconciliation, La réconciliation : Rapport Final de la Commission de Vérité et Réconciliation du Canada, op. cit., p. 200-201.

[30] David Garneau, « Imaginary Spaces of Conciliation and Reconciliation », West Coast Line, loc. cit., p. 12.

[31] Steven Loft, qui allait devenir par la suite le directeur du Bureau des arts autochtones du CAC a également contribué au numéro de West Coast Line, on peut donc supposer que les accolades du programme {Ré}conciliation, dont Loft a été l’un des principaux architectes, viennent certainement des réserves exprimées par Garneau dans les pages de ce numéro.

[32] Cette citation est issue d’une version augmentée de l’article de 2012 parue plus tard : David Garneau, « Imaginary Spaces of Conciliation and Reconciliation. Art, Curation, and Healing », dans Keavy Martin et Dylan Robinson (dir.), Arts of engagement : taking aesthetic action in and beyond the Truth and Reconciliation Commission of Canada, Waterloo (Ont.), Wilfrid Laurier University Press, 2016, p. 37-38, (nous précisons par la suite à quelle version de l’article nous nous référons).

[33] « Annexe 1. Le mandat de la Commission de vérité et réconciliation du Canada » dans Commission de vérité et réconciliation, Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir, op.cit., p. 371.

[34] David Garneau, « Imaginary Spaces… », 2016, loc. cit., p. 31.

[35] A l’instar de l’artiste et commissaire Métis Clayton Windatt, qui déclarait en juillet 2017 : « La réconciliation ne sera pas rapide, et elle ne sera pas bon marché. C’est un gros problème. Nous allons devoir vivre ensemble pour toujours. », cité dans Ossie Michelin, « The Hard Truth about Reconciliation », Canadian Art, mis en ligne le 24 juillet 2017, consulté le 5 septembre 2020, <https://canadianart.ca/features/the-hard-truth-about-reconciliation>.

[36] David Garneau, « Imaginary Spaces… », 2016, loc. cit., p. 38.

[37] Commission de vérité et réconciliation du Canada, La réconciliation : Rapport Final de la Commission de Vérité et Réconciliation du Canada, op. cit., p. 200.

[38] Voir par exemple : Mylène Jaccoud, « La portée réparatrice et réconciliatrice de la Commission de vérité et réconciliation du Canada », Recherches amérindiennes au Québec, vol. 46 n° 2-3, p. 156.

[39] Cette orientation de la CVR, axée sur les victimes et silencieuse par rapport aux responsabilités de l’État et de l’Église, était une des exigences de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens de 2006. Cette dernière prévoyait la tenue d’une CVR et une indemnisation financière des victimes à hauteur de 1,9 milliards de dollars en échange de l’abandon du recours collectif déposé par 15 000 anciens pensionnaires en 2002 réclamant 12 milliards de dollars de dommages à l’État canadien ; Ibid., p. 158.

[40] L’expression est utilisée par David Garneau : « L’attitude coloniale se caractérise non seulement par la scopophilie, un désir de regarder, mais aussi par une envie de pénétrer, de traverser, de savoir, de traduire, de posséder et d’exploiter. », David Garneau, « Imaginary Spaces… », 2016, loc. cit., p. 23.

[41] David Garneau cité dans Leah Sandals, « Art, Residential Schools & Reconciliation: Important Questions », Canadian Art, mis en ligne le 14 novembre 2013, consulté le 15 août 2015, <https://canadianart.ca/features/art-and-reconciliation>.

[42] Cette lecture « christique » de la réconciliation était évidente dans la dernière scène du spectacle Kanata, présenté au Théâtre du Soleil à Vincennes en décembre 2018, dans laquelle le personnage principal, une artiste française résidant à Vancouver et souhaitant organiser une exposition avec les portraits de femmes autochtones disparues et assassinées, peint sur le « quatrième mur » de la scène une immense fresque qui lui permet de ressusciter les morts et les réunir aux vivants.

[43] Nathalie Côté, « Carl Bouchard : les territoires de l’objet », Espace. Art actuel, n° 114, 2016, p. 85-86.

[44] Dominic Gagnon cité Radio Canada, « ‘On m’a traité de suprématiste blanc et de néocolonialiste’ – Dominic Gagnon », Radio-Canada, mis en ligne le 27 novembre 2015, consulté le 12 juin 2017, < https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/752215/dominic-gagnon-reaction-of-the-north>.

[45] Jacques Rancière, Malaise dans l’esthétique, Paris, Galilée, 2004, p. 152.

[46] Réal Lussier, « Quand faire de l’art devient une question éthique », dans Gilles Godmer et Réal Lussier, Pour la suite du Monde, Montréal, éd. Musée d’art contemporain de Montréal, 1992, p. 16.

[47] Indigena au Musée des civilisations à Hull ; Terre Esprit Pouvoir au Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa ; Nouveaux territoires 350-500 ans après dans le réseau des Maisons de la culture de Montréal.

[48] Comme pour compenser cette absence, la poétesse wendat Éléonore Jiconsasseh Sioui avait été invitée à écrire un article dans le catalogue qui évoquait « les 500 ans d’intrusion et d’infiltration au nom de pouvoir raciste et envahisseurs » (Pour la suite du Monde, op. cit., p. 102). Notons que son article se retrouvait à la toute fin du catalogue, en contraste flagrant avec les us et coutumes actuels qui donnent la préséance aux voix autochtones dans les événements qui les impliquent.

[49] Stéphane Baillargeon et Catherine Lalonde, « La réconciliation peut-elle se faire par les arts ? », Le Devoir (site web), le 10 février 2018,  consulté le 27 janvier 2020, <https://www.ledevoir.com/culture/519847/autochtonie-l-art-est-il-le-chemin-de-la-reconciliation>.