N’oubliez pas votre passeport et votre Père de la Nouvelle-France!*

Publié le 18 novembre 2012
P.-F.-X.

3 min

Citer

Citer cet article

APA

P.-F.-X., . (2012). N'oubliez pas votre passeport et votre Père de la Nouvelle-France!*. Histoire Engagée. https://histoireengagee.ca/?p=2405

Chicago

P.-F.-X. . "N'oubliez pas votre passeport et votre Père de la Nouvelle-France!*." Histoire Engagée, 2012. https://histoireengagee.ca/?p=2405.

Par P.-F.-X, historien et blogueur[1]

Version PDF

Au Canada, l’heure est à la redéfinition des symboles nationaux.  Sur le nouveau billet de vingt dollars, le chef d’œuvre du sculpteur autochtone Bill Reid, « The Spirit of Haida Gwaii », est supplanté par le monument de Vimy.  Une citation de l’auteure franco-manitobaine Gabrielle Roy — « Nous connaîtrions-nous seulement un peu nous-mêmes sans les arts? » – disparait en même temps.  Force est de constater que le gouvernement actuel répond par la négative à cette sublime question: la connaissance du soi canadien ne passerait non plus par les arts, mais plutôt par l’histoire.  Ou, plus précisément, par une vision bien bornée de l’histoire.

La Nouvelle-France, chers lecteurs, n’est jamais loin.  À compter du 1 juillet 2013, tous les nouveaux passeports canadiens seront dotés d’une puce électronique.  Ils arboreront par ailleurs une série d’images qui « mettent en valeur le patrimoine canadien et le façonnement de notre grande nation. »  Inukshuk et plume d’aigle, Pères de la Confédération de Robert Harris, Donald Smith martelant le dernier crampon, j’en passe… et, en pages 6 et 7 :  « Samuel de Champlain, père de la Nouvelle-France ».

Photo: Passeport Canada.

Photo: Passeport Canada.

Le site web de Passeport Canada justifie ce choix en reprenant la conclusion du Dictionnaire biographique du Canada, « on doit saluer en lui le fondateur du Canada ».  On pourrait en débattre, mais soit.  Il me semble en tout cas que le choix de l’iconographie ne fait pas justice à l’évolution de la connaissance historique et qu’il témoigne, en même temps, de l’absence d’esprit critique qui se cache derrière cette volonté de faire connaître les grandes figures et les grands moments de l’histoire.  En effet, la représentation de Champlain qu’on a retenue ici – une sculpture de Hamilton MacCarthy, installée en 1915 à la pointe Nepean à Ottawa — représente une regrettable concession à l’imaginaire et à l’ignorance du début du XXe siècle.  Lorsqu’on cherche à tirer une leçon d’histoire d’une œuvre d’art, il faut faire gare aux écueils.  Or, ce Champlain-ci n’est peut-être pas le pilote idéal s’il s’agit d’arriver à bon port : vêtu comme s’il venait de sauter de la page d’un roman de cape et d’épée, le pauvre homme tient son astrolabe à l’envers!  MacCarthy était plutôt mal informé.

Ce ne sont là que des détails, vous me direz.  Je vous répondrais en empruntant une belle expression aux Anglais: le diable se cache dans les détails.  Dans les détails et, je renchérirais, dans les absences: sur cette page, quel élément évoque la rencontre des populations autochtones qui rendit possible l’implantation française en Amérique et qui détermina ses contours?  Célébrer « Samuel de Champlain, père de la Nouvelle-France », c’est rater une belle occasion de souligner ce sur quoi les historiens mettent l’accent depuis quelques décennies : que la Nouvelle-France fut une entité aux multiples géniteurs.


[1] Ce texte a d’abord été publié sur le blogue Charlevoix- Blogue de la Nouvelle-France. C’est avec l’accord de l’auteur que nous le reproduisons ici.