« Les écrivains font leurs propres histoires, mais ils ne les font pas de toutes pièces ». La pensée littéraire et politique de deux romans de Ngugi Wa Thiong’o au regard de la tradition socialiste internationale

Publié le 25 octobre 2022

Par Samuel Provost, étudiant à la maîtrise en études littéraires

Résumé : La pensée littéraire et politique de Ngugi Wa Thiong’o est directement influencée par la tradition socialiste de l’histoire et de la culture. Cet article s’intéresse à l’apport précisément littéraire de cette tradition chez Ngugi. Comment les réflexions sur l’histoire de cette tradition pénètrent au cœur des structures narratives et comment façonnent-elles la langue et la construction d’univers? Nous verrons en quoi la figure d’Amilcar Cabral fait figure de passeur de la tradition marxiste chez Ngugi et comment, contrairement à ce qu’en dise des critiques contemporaines, il n’y a pas de montée récente en globalité chez l’auteur Kenyan, mais bien une continuité d’un engagement internationaliste sur fond de changements historiques.

Mots-clés : socialisme ; littérature africaine ; Amilcar Cabral ; panafricanisme ; Ngugi Wa Thiong’o ; internationalisme ; marxisme ; réalisme socialiste ; Tiers-Monde.

Dans son introduction à l’ouvrage collectif Écrire l’Afrique-Monde, Achille Mbembe et Felwine Sarr énoncent l’urgence de produire et construire une pensée du 21e siècle qui replace l’Afrique dans le destin du monde :

Il n’y aura d’Afrique que créé. Et pour nous, il n’y aura jamais d’autre tâche fondamentale que de rendre pensable, ou de penser cette création. En posant comme point de départ l’entrelacement et la communauté de sort entre l’Afrique et le monde, nous congédions enfin l’illusion d’une séparation toujours déjà donnée et toujours tenue pour évidente entre le signe africain et le temps du monde. C’est aussi une certaine manière de penser que nous voulons congédier — celle qui ; des siècles durant, a tenté de faire croire que l’Afrique : constitue un monde à part, un hors-monde[1].

Si l’importance et l’urgence d’un tel projet sont indéniables, on peut se questionner sur la nouveauté de cette entreprise et sur l’existence de courants intellectuels passés. On admet facilement le panafricanisme[2], le projet politique du tiers-monde[3] et le postcolonialisme dans la préhistoire du courant afromondial ; mais il est plutôt rare d’entendre parler de l’influence des courants socialistes africains et caribéens, précurseurs non négligeables d’une pensée articulant l’Afrique et le monde. Certes, depuis que la poussière des décombres du Mur est tombée, un regain d’intérêt pour les marxismes du Sud, notamment nigérians[4] et haïtiens[5], ainsi que pour les rapports culturels entre le bloc de l’Est et le « tiers-monde[6] » s’observe de plus en plus. Cette recherche est pourtant encore naissante, et à plus forte raison dans le domaine de la fiction littéraire.

Ngugi Wa Thiong’o est un bon exemple d’un auteur largement reconnu qui, dernièrement, tend à être relu, entre autres, dans cette zone d’influence socialiste[7]. Cette relecture postule une continuité à l’intérieur des écrits de Ngugi l’intellectuel, malgré une discontinuité historique et institutionnelle à l’arrière-plan. Le présent travail examinera la continuité de la pensée littéraire et politique de l’auteur dans le domaine de la fiction et plus particulièrement dans deux romans : Petals of blood[8] et Wizard of the Crow[9]. Cette continuité sera appréhendée sous le signe de la tradition socialiste internationale bien qu’elle ne s’y limite pas. De plus, afin de ne pas réduire l’influence socialiste à une simple question d’opinion et afin de souligner son caractère structurant dans des romans pourtant écrits dans des langues différentes, à plus de 30 ans d’écart, les questions formelles et la façon dont l’œuvre déploie une pensée littéraire, seront au centre du travail. Les trois premières parties porteront sur la structure actancielle dans son rapport à l’Histoire, les dispositifs narrativo-réflexifs dans leur rapport à l’intrigue et le rôle des expressions idiomatiques dans l’élaboration d’une poétique populaire. Les écrits du révolutionnaire Amilcar Cabral serviront de point de ralliement à ces différentes questions, montrant ainsi l’imbrication et l’influence de la pensée politique socialiste africaine dans les romans de Ngugi.

Présentation des œuvres

Petals of blood

Écrit en anglais sous le signe des « trois mondes[10] », Petals of blood est un récit qui met en scène la transformation du village d’Ilmorog après l’indépendance du Kenya et l’industrialisation capitaliste qui transforme ce village en ville : New Ilmorog. Après les premières pages prenant la forme d’un Whodunit et portant sur le mystère du meurtre de trois capitalistes, le récit effectue un flashback et présente le personnage de Munira, nouvel enseignant fraîchement arrivé qui s’avère être le fils d’un bourgeois et propriétaire terrien noir. Dans ce village, il rencontrera trois autres « étranger.ère.s » : Abdullah, un vieil homme estropié, seul tenancier de commerce et de bar, Wanja, une femme des villes fuyant sa vie faste et aliénante, ainsi que Karega, un jeune homme éduqué, fils d’un père inconnu et d’une mère servante, qui a été renvoyé d’une haute école après s’être rebellé. C’est autour de ce quatuor que se déroulera le récit qui se divise en quatre chapitres.

Le premier chapitre met en scène la sécheresse et la pauvreté qui poussent l’ensemble des habitant.e.s du village à faire un périple vers la ville de leur député pour réclamer de l’aide et des ressources. Le deuxième chapitre décrit un périple à pied vers la ville, où l’unité du village se construit et des forces de leadership inattendues émergent chez Kargea et chez Abdullah, ce dernier étant un ancien combattant Mau Mau. Dans cette partie, on observe un changement des relations des villageois.se.s entre eux et on voit poindre le début de l’industrialisation du village qui causera une lente dégradation des rapports des personnages. La troisième partie est centrée autour de l’épisode d’une cérémonie rituelle de consommation du Theng’eta qui crée une rupture dans les rapports interpersonnels. Finalement, le quatrième chapitre nous présente une polarisation des personnages et de leurs trajectoires : Abdullah est devenu alcoolique et sans-abris, Wanja est tenancière de bordel, Karega dirigeant syndical et socialiste et Munira se converti à une Église plutôt réactionnaire. Le livre se conclut sur la résolution du mystère du meurtre qui était devenu plutôt secondaire par rapport aux relations entre les personnages du village. On apprend que Munira était coupable dans la mort de ces trois capitalistes qu’on nous présente comme des grands hommes. L’enquête est résolue et l’enquêteur peut retourner chez lui.

Wizard of the crow

Le second livre est écrit en Gikuyu durant les années 1990 et 2000, alors que Ngugi est en exil comme réfugié politique aux États-Unis. Ce roman diffère, à priori, de Petals of blood par sa langue d’écriture, l’usage d’une forme de « réalisme magique » et la taille — plus de 700 pages — du texte. Pourtant, à l’exception de ces éléments, on peut dire que Wizard of the Crow est en fait semblable à Petals of Blood.

Le récit s’ouvre encore une fois sur une forme de mystère à propos du sort des puissants[11] : comment et dans quelles circonstances le dirigeant de la république libre d’Abuririabua est-il devenu malade ? Comme dans le premier récit, la narration déplace rapidement sa focalisation loin de l’idée que les puissants font l’histoire et nous suivons trois ensembles de personnages. Le premier, Nyawara-Kamithi, est un duo amoureux composé d’une militante politique du « Movement for the Voice of the People » et de Kamithi, qui, après s’être improvisé sorcier pour une soirée, le devient réellement. Il est le « sorcier du corbeau », même si Nyawara tient parfois ce rôle. Ce couple donne le rythme de l’histoire tandis que les puissants semblent toujours en retard. Le deuxième ensemble est le duo composé de Tajirika, un homme d’affaires corrompu, et de sa femme Vinjinia qui, en bons opportunistes, parviennent à se hisser aux plus hauts échelons de la république. Le troisième ensemble est celui des puissants : le Dirigeant (The Ruler), Machokali et Sikiokuu.

Le récit se divise en sept parties suivant les démons qui mettent en crise la vie politique du pays. La sixième et la septième partie présentent des moments de rupture historique.  D’abord, on voit apparaître la démocratie néolibérale à Abruriria puis un coup d’État rétablit la dictature et fige le temps. Les mutations historiques sont mises en parallèle avec les effets du sorcier qui, pratiquant une forme d’analyse de l’inconscient des habitant.e.s du pays et des puissants, révèle les contradictions dans la perception de ces derniers et fait apparaître des mouvements politiques un peu partout. Ces crises modifient la trajectoire de plusieurs personnages, le sorcier compris. Elles mènent également le personnage d’A.G. Arrighi, ancien détective, sur les routes du pays pour raconter l’histoire du « Sorcier du corbeau ». On retrouve ici le même usage du personnage de détective s’intéressant plus longuement aux petites gens qu’aux puissants dans le cadre de son travail.

Pensée littéraire

Le rapport entre le processus historique et l’évolution des ensembles de personnages est similaire dans les deux romans de Ngugi : la trajectoire des personnages est articulée à l’Histoire, bien qu’elle laisse place à une certaine autonomie. Ceci n’est pas sans rappeler la tradition historique matérialiste de Marx qui, dirait-on aujourd’hui, articule agentivité et déterminisme :

Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas de toutes pièces, dans des circonstances qu’ils auraient eux-mêmes choisies, mais dans des circonstances qu’ils trouvent immédiatement préétablies, données et héritées[12].

Sans faire œuvre d’historien, Ngugi reprend à son compte, dans la fiction, le rapport entre le processus historique et l’évolution des personnages. Il les inscrit dans une dialectique du récit qui déplace le rapport à la réalité historique :

La dialectique dans le livre (on se souviendra de l’idée de Brecht d’une « dialectique sur le théâtre ») naît du rapport dialectique entre le livre et la dialectique réelle (le processus de l’histoire). Le débat (contraste, conflit), tel qu’il apparaît dans le livre est lui-même un des termes du débat réel. C’est pourquoi les contradictions dans le livre ne peuvent être celles de la réalité ; elles en sont le produit, au terme d’un processus dialectique d’élaboration, qui fait intervenir les moyens propres à la littérature[13].

Le réalisme de Ngugi, qu’il soit magique ou socialiste — ou les deux —, élabore les contradictions historiques sur le plan littéraire. Ce plan est d’abord constitué par une structure actancielle qui met de l’avant les imbrications entre les différents personnages. Les romans de Ngugi ne représentent pas des histoires d’individus isolés, mais plutôt des groupes de personnage ancrés dans une communauté, un milieu. En un sens, pour Ngugi, le groupe est à la communauté, au milieu, ce que les « hommes » sont à l’histoire dans la citation de Marx. Le groupe et chacun des personnages qui le composent changent de conviction et modifient leurs rapports interpersonnels (de groupe) et leur rapport à la communauté avec le temps. Dans chacun des romans, l’histoire est littérairement élaborée à travers ces différents niveaux[14] dans le but  de rendre sensible et perceptible la complexité sociale.

Les trajectoires des actants que Ngugi développe suivent une conception non mécanique des bifurcations des trajectoires de classe et des convictions des personnages. Dans Petals of blood, Chui, Munira et Karega sont trois anciens étudiants d’un même collège prestigieux : Siriana. À la fin du récit, ils seront respectivement grand capitaliste, dirigeant d’un mouvement religieux réactionnaire et dirigeant syndical. À un moment, Karega, qui est plus jeune que les deux autres, s’aperçoit que son expérience du collège, du directeur (Fraudsham) et du mouvement de grève est très différente de celle de ses aînés qui ont également fait la grève : « the three had seen different Sirianas and different Fraudshams and maybe they were not moved by the same things[15]. » Cette réalisation de Karega à propos de son parcours modifie sa perception de la situation. La provenance de classe devient déterminante et Karega, jeune boursier, n’a pas vécu sa grève de la même façon que Munira, né dans un famille bourgeoise. Ce rapport entre la provenance de classe et la trajectoire n’est toutefois pas automatique : parfois, c’est le rapport inverse. Dans Wizard of the Crow, Nyawira provient d’un milieu bourgeois tandis que Kaniuru, son ancien mari, a grandi dans la grande pauvreté. Nyawira deviendra dirigeante révolutionnaire et Kaniuru jouera le rôle d’un opportuniste de premier plan. Les deux ont été étudiants à l’Université d’Eldares, mais Nyawira change de trajectoire, car elle subit un accident qui la fait se remettre en question son sentiment d’appartenance de classe :

What surprised her then and later when she recalled her near fatality was the number of cars that simply passed her by; no one had stopped to see if anyone was hurt or needed help. The people who hurried to her rescue were the barefooted, mostly. One unloaded his donkey car to rush her to nearest medical center many miles away[16].

Cet accident pousse Nyawira vers l’activisme; elle cessera d’avoir des préjugés envers les gens en dehors de son milieu bourgeois. Cependant, sur son chemin elle rencontre Kaniuru qui, plutôt que de s’intéresser à elle et aux causes qu’elle embrasse, s’intéresse à l’argent de son père afin de garantir son ascension sociale.

Ainsi, dans les deux romans, le rapport entre la provenance de classe et la trajectoire n’est pas fixé d’avance, hyperdéterminé, et ce même lorsque les personnages fréquentent le même collège ou la même université. Parfois, la trajectoire peut bifurquer du fait d’un accident, mais souvent, elle est simplement reconduite. Les accidents de cet ordre ne sont pas étrangers au marxisme ni à son histoire. Le cas de Lénine est symptomatique à cet égard, car son parcours dans la petite noblesse russe ne le prédestinait pas à prendre cause pour la classe ouvrière. Mais, après la mort de son père qui fragilise la situation familiale, et la condamnation  à mort de son frère Alexandre Oulianov, de quatre ans son aîné  par le gouvernement russe, le jeune homme est renvoyé de son école où pourtant, il excellait dans toutes les matières. Le jeune Lénine vit un bouleversement intérieur, se réfugie dans les livres où il découvre la pensée de Marx : un accident de l’histoire le mène sur le chemin du marxisme. Il fait partie de ces « déclassé.e.s » qui changent de trajectoire à l’image de Nyawira qui est « déclassée », en fait déshéritée, par son père après s’être liée aux mouvements révolutionnaires. La pensée littéraire de Ngugi offre donc une perception complexe du rapport entre provenance, situation et trajectoire de classe des personnages qui donne à voir à la fois les phénomènes de transclasse, de déclassement et celui de la reproduction sociale.

Une seconde élaboration de la pensée littéraire de Ngugi est visible dans sa mise en place de dispositifs narrativo-réflexifs qui révèlent et précipitent les crises ou contradictions latentes dans l’agencement actanciel et dans la conscience subjective des personnages. Dans Petals of blood, le dispositif narrativo-réflexif est matérialisé par la cérémonie entourant le breuvage Theng’eta. Une aînée du village, Nyakinyua, décrit l’effet du Theng’eta rituel de la façon suivante : « Theng’eta. It is a dream. It is a wish. It gives you sight, and for those favoured by God it can make them cross the river of time and talk with their ancestors. […] Only you must take it with faith and purity in your hearts[17]. »

Après avoir ingurgité le breuvage, Nyakinyua demande aux participant.e.s tour à tour de révéler leurs souhaits et leurs désirs. Chez Munira, cela provoque une crise. Il se sent étranger, spectateur de sa vie. Il pense à Wanja et germe en lui l’idée qu’il la veut pour se sentir Homme à nouveau. Au moment de répondre à la question que lui pose Nyakinyua, il dit qu’il ne connaît pas ses désirs ; il les refoule. À l’inverse, Karega parvient à s’exprimer. Il revient sur son passé grâce au breuvage, ce qui le mène à raconter un épisode douloureux. Cet épisode se révèle intimement lié à la vie d’Abdullah et de Munira, mais aussi lié à l’histoire de la guérilla Mau Mau. L’histoire intime chamboule et touche en même temps le niveau du groupe et de la communauté, comme en témoigne ce jeu de déplacements des corps dans le cercle rituel après la confession :

The effet of this extraordinary confession on those present was great. The old woman remained staring in the same place. But her hand mechanically stirred the Theng’eta pot faster and faster. Wanja moved closer to him. Munira sighed, something between a cough and a choked cry. He then stood up and went out. He was unable to understand the hatred that suddenly seized him. […] Abdullah has grabbed Karega by the shoulder and was shaking him almost violently, all the time asking him, repeating the same thing : « You, you, Nding’uri’s brother ? » And his tone was something like the cry of a strangled animal[18].

L’interpénétration des personnages et du groupe est très forte et on pourrait voir des accents de la notion d’Ubuntu dans ce passage : on articule le plus intime de l’individu avec les affects du groupe et les deux sont mis dans un rapport de co-construction.

Dans Wizard of the Crow, un dispositif similaire est à l’œuvre bien qu’il semble à priori plus individualisant. Kamiti, le sorcier, utilise le miroir pour révéler les désirs enfouis de personnages. Ce dispositif s’inscrit dans la lignée des « talking cure », dans des consultations individuelles. On demande aux malades de se représenter une image pour la capturer dans le miroir. Le miroir amène des personnages comme Tajirika et Vinjina à reconnaître leur « white ache », leur désir d’être blanc.he.s et leur souffrance de ne pas l’être. Kamiti les guérit de ce désir en les faisant s’identifier à l’image de colonialistes blanc.he.s déchus et nostalgiques de l’ère coloniale. Ceci les mènent sur la pente d’une crise, car,  en un mot, ils n’ont plus d’avenir dans le pays d’Abruriria :

Your white English destiny is as a homeless ex-colonial couple living solely on the memories of what used to be. Now, how soon would you like to achieve your white destiny ? » « No! No! » Tajirika and Vinjina shouted, opening their eyes in fright. « Black is beautiful. Give us back our blackness, » they moaned, as if the Wizard of the Crow had already shorn them of it[19].

Le dispositif entremêle ici le niveau individuel et celui de nation. Cet enchevêtrement est présenté de façon encore plus directe à la fin du récit. À ce moment du texte, le gouvernement tente de faire apparaître Nyawira, la rebelle, et de la capturer devant une foule réunie en utilisant les pouvoirs du sorcier. Seulement, coup de théâtre, Kamiti décide d’inverser l’opprobre et d’assumer ses liens avec la rebelle. Il révèle à la foule, après avoir brisé les miroirs sur scène — tous importés d’Occident — que la foule n’a pas besoin des miroirs pour révéler ce qui est caché. Il affirme haut et fort qu’il est en amour avec Nyawira et il enchaîne en disant :

« Nyawara is you. Nyawara is you and me and others, » the Wizard of the Crow continued, without fear. « If you know that you are Nyawira, please rise so that those who have been looking for you, calling you an enemy of the State, may see you. Nyawira, show us the way.  […] The entire assembly proclaimed itself Nyawira[20]. »

Cette déclaration subvertit la récupération du dispositif par le pouvoir et montre la force de tous les habitant.e.s d’Abruriria, une fois qu’ils se reconnaissent politiquement. Ainsi, la deuxième élaboration de la pensée littéraire de Ngugi, les dispositifs narrativo-réflexifs révèlent et établissent une médiation entre les différents niveaux de la structure actancielle. Les dispositifs narrativo-réflexifs engendrent une intervention entre les niveaux, en rendant visible et en condensant les connexions, dans le champ social. Ngugi trace d’ailleurs des parallèles très forts entre le travail du sorcier et celui de la militante dans Wizard of the Crow, ou entre les révélations de Karega dans la cérémonie et son engagement ultérieur en tant que syndicaliste. Il nous dit en quelque sorte que le développement subjectif suivant les désirs inconscients et le développement de la conscience militante se rencontrent et se nourrissent plus qu’elles ne s’opposent.

Une troisième élaboration de la pensée littéraire de Ngugi se situe dans la poétique populaire mise en scène au niveau des expressions idiomatiques. Dans Petals of blood, les slogans trouvent différents usages. D’abord, il y a les slogans vides du KCO, parti au pouvoir, qui promet de « bring unity and harmony between all of us, the rich and the poor, and to end envy and greed » et les slogans commerciaux, tout aussi vides, que Munira adore. Un bon exemple est le slogan qu’il crée pour la boisson Theng’eta : « Theng’a Theng’a with Theng’eta[21]. » Munira est d’ailleurs le seul personnage qui est mis sous le signe de ces discours vides et manipulateurs : « Munira always liked advertisements. But now he started reading them even more avidly. He now had a mission. He studied them, the words, the phrasing, and the difference between the intended and the possible effect on the readers and hearers[22]. »

C’est un rapport tout à fait différent que Karega entretient avec les slogans politiques. En plus d’adapter ses slogans aux différents moments, Karega les modifie en fonction de ses interlocuteur.trice.s. Dans un moment d’agitation syndicale, ses slogans s’adressent directement aux nouveaux prolétaires:

He now knew his line of attack and approach. These divisions had to end if they were going to successfully demand recognition and a fair share of their own sweat. From nowhere, so it seemed, pamphlets started appearing : and they  all carried the same theme : workers were all children of the machine and the New Road. Those who owned the machine did not care where a worker came from in the game of exploitation. But the machine and the New Road were the children of the workers, for it was their sweat that built the road, the factory, and it was they who sustained the whole complex by their energy and consumption. The machine was no less their father than they were its father[23].

Ici, Karega utilise une rhétorique marxiste, mais elle a ceci de particulier que l’auteur part des métaphores de la filiation pour tenter de faire comprendre une idée à priori complexe : le double engendrement entre les prolétaires et le capital. Les travailleur.euse.s ont créé la machine, mais le travail en usine a transformé les travailleur.euse.s, les a engendré en tant que nouveau groupe au-delà de leurs différences. Ils ne sont plus liés par les anciens liens. En quelques phrases, les slogans du pamphlet de Karega condensent une idée complexe et, partant du sens commun d’un ensemble d’idées populaires préconçues, elles travaillent à partir d’elles et les détournent vers le « bon sens[24] », un sens qui permet de faire naître la conscience de classe parmi les ouvrier.ère.s.

Dans Wizard of the Crow, le rapport aux expressions idiomatiques est visible dans les proverbes et il s’inscrit davantage dans le domaine de la satire. Les puissants opèrent une inversion constante des proverbes, comme en témoigne ce proverbe du Dirigeant : « What do the english say ? The price of internal vigilance is freedom. » C’est tout à fait le contraire du proverbe initial : « Eternal vigilance is the price of liberty. » Cette inversion va de pair avec un usage spontané et non-réflexif des proverbes; on se base uniquement sur l’autorité de l’auteur présumé : « From now on I will be like you friend the Frenchman Descartes. To tell you the truth, I am beginning to doubt wheter I have really seen the things that I have seen with my eyes. Reality and illlusion are getting mixed up[25]. » Plutôt qu’une répétition servile de l’autorité et du sens, le duo Nyawira et Kamiti sont dans un rapport critique par rapport à leurs propres adages : « What did Mwalimu Nyerere of Tanzania say ? « A guest for two days…. » Kamiti started. « On the third you pick up a hoe. » Nyawira completed it. « It is no Nyerere’s saying. It is a common Swwahili proverb[26] » »

À travers les expressions idiomatiques, Ngugi élabore une réflexion sur l’idéologie qui se dissémine dans la langue, mais aussi une poétique populaire qui vise à faire valoir les éléments progressistes de la culture indigène. L’élaboration de la pensée littéraire de Ngugi est en continuité dans les deux romans et ceci les structures en profondeur. Le rapport à l’histoire, le caractère collectif des récits qui mettent de l’avant les interactions entre les différents niveaux de la structure actancielle (personnages, groupes, communauté), l’attention aux questions de classe et aux différents aspects de la culture populaire, ainsi que la médiation opérée par le dispositif narrativo-réflexif sont autant d’éléments qui assurent la continuité et structure les romans en profondeur. La plupart de ces éléments sont dans un rapport de proximité avec la tradition marxiste et plus particulièrement la tradition socialiste africaine.

L’influence d’Amilcar Cabral

En exergue du quatrième chapitre de Petals of blood, Ngugi insère une citation d’Amilcar Cabral. Ce guérilléro et auteur méconnu dans le monde francophone a été déterminant dans le mûrissement de la pensée politique de notre auteur et on peut trouver son influence dans un des essais les plus lus de Ngugi : Décoloniser l’esprit[27]. Dans les romans, l’influence de Cabral se trouve à plusieurs endroits. On la remarque dans l’importance de mettre de l’avant la culture populaire et ses expressions, mais aussi dans la mise en scène de personnages qui décident de se lier avec les masses malgré une provenance de classe favorable et qui, en ce sens, font un « suicide de classe ». Karega, Kamiti et Nyawira sont trois bons exemples de tels personnages et leur développement dans le récit suit la progression des petit.e.s bourgeois.e.s que Cabral décrit dans sa conférence National liberation and culture :

The leaders of the liberation movement, drawn generally from the « petite bourgeoisie » (intellectuals, clerks) or the urban working class (workers, chauffeurs, salary-eamers in general), having to live day by day with the various peasant groups in the heart of the rural populations, come to know the people better. They discover at the grass roots the richness of their cultural values (philosophic, political, artistic, social and moral), acquire a dearer understanding of the economic realities of the country, of the problems, sufferings and hopes of the popular masses. The leaders realize, not without a certain astonishment, the richness of spirit, the capacity for reasoned discussion and clear exposition of ideas, the facility for understanding and assimilating concepts on the part of populations groups who yesterday were forgotten, if not despised, and who were considered incompetent by the colonizer and even by some nationals. The leaders thus enrich their cultures – develop personally their capacity to serve the movement in the service of the people[28].

Cette découverte et cet étonnement pour la richesse de la culture populaire, on le voit à plusieurs endroits dans les romans. Les personnages se rendent compte que la culture autochtone n’a jamais totalement été dominée et qu’il est ainsi possible d’y retourner et de lui insuffler une nouvelle vie. C’est ce que fait Kamiti quand il découvre la tradition de sorcellerie qui était celle de son grand-père, une tradition qui semblait s’être perdue, ou c’est ce que fait Karega avec Wanja lorsqu’ils mettent sur pied une fête au village et redécouvrent la recette de Theng’eta. La culture retrouvée produit de grands effets : c’est à partir d’un ancrage en son sein, dans un espace symbolique à nouveau intelligible, que les dispositifs narrativo-réflexifs trouvent leur efficacité.

Avant que ces propos ne soient assimilés à une apologie du traditionalisme, il faut souligner que ce « retour à la source » n’est jamais un retour à l’identique, aux traditions[29]. Le « retour » nécessite des adaptations et des modifications et on peut dire sans l’ombre d’un doute que Ngugi le sait très bien. Ayant dû inventer un système d’écriture et une langue littéraire pour ses romans en Gykuyu, il n’est pas parti de nulle part, mais il a opéré une sélection à partir des formes populaires de la littérature orale et a retenu les éléments progressistes. Cette posture est la même que celle de Cabral lorsqu’il dit qu’il faut valoriser les éléments progressistes de la culture indigène afin d’en faire une culture populaire et universelle — entendre ici : libérée du faux universalisme de la bourgeoisie.

Finalement, l’influence du panafricanisme socialiste de Cabral se fait sentir dans plusieurs passages de Ngugi. La valorisation d’une connexion avec les luttes des noir.e.s états-uniens, idée importante chez Cabral, trouve des échos chez Karega. Après être allé étudier au sud des États-Unis et avoir fait l’expérience très directe du racisme, il manifeste un grand souci d’enseigner à la jeune génération d’élèves à Ilmorog la grandeur des réalisations des Africains sur le continent et dans la diaspora :

In his mind he scanned the whole landscape where African people once tried to leave marks and monuments that were the marvel of the ages, that not even the fatal encounter of black sweat and withe imperialism could rub from the memory and recorded deeds of men. Egypt, Ethiopia, Monomotapata, Zimbabwe, Timbuctoo, Haiti, Malindi, Ghana, Mali, Songhai : the names were sweet to ear and the children listened with eager enthusiastic wonder that was the measure of their deep-seated disbelief[30].

Mais les connexions ne s’arrêtent pas là. Vers la fin du récit, Karega donne une place de plus en plus grande à l’influence des révolutions en Amérique latine, en Asie[31] et à la révolution russe[32] dans son discours. Ici, Ngugi suit Cabral dans son souci de connecter les luttes panafricaines avec les luttes socialistes afin de penser un imaginaire révolutionnaire mondial. La même remarque s’applique à Wizard of the Crow, mais la preuve n’est plus à faire tellement la critique a (trop) souligné le caractère « mondial » du récit[33].

Rupture historique et institutionnelle

Au cours de cet essai, nous avons vu que la pensée littéraire et politique de Ngugi est marquée par la continuité entre les années 1970 et 2000 et que cette pensée est profondément influencée et structurée par la tradition socialiste internationale, notamment par les écrits d’Amilcar Cabral. Sans ces repères, on comprend difficilement comment les prises de position de l’auteur sur l’écriture en Kikuyu, qui sert à rejoindre les masses, n’est pas une forme d’essentialisme, mais bien une stratégie politique. La tradition socialiste nous aide également à saisir l’importance de la dialectique entre le processus historique et les niveaux de la structure actancielle, ainsi que le fait que plusieurs personnages abandonnent leur ascendance de classe pour se lier aux masses et faire revivre la culture populaire.

La représentation romanesque d’une internationale des peuples noirs et opprimés, présente   au moins depuis 1977 sous l’influence de Cabral, contredit l’idée d’une montée en globalité récente chez Ngugi que postule le critique Ian P. Macdonald. Certains autres éléments que MacDonald présente comme des traits récents, la figure de l’ogre à deux bouches et la dystopie futuriste mêlant modernité occidentale et tradition noire, sont également présents dans Petals of blood. En effet, l’industrialisation de la production de Theng’eta et la création de villages touristiques folkloriques à New Ilmorog sont deux formes d’aliénation dystopiques et ces formes côtoient l’ogre à deux bouches que MacDonald avait repéré.

Si ces « nouveautés » dans l’œuvre de Ngugi ne sont pas si nouvelles que ça, on est en droit de se demander ce que ce critique littéraire avec son vocabulaire sophistiqué d’alterglobalité et d’afrofuturisme cherche vraiment à nommer. Que signifie la production d’un article en 2016 sur la montée en globalité de Ngugi ?

L’inscription des écrivain.e.s africain.ne.s dans un horizon global semble être (re)devenue récemment visible, plus transparente pour les critiques occidentaux.ales. Un développement conséquent de cette hypothèse dépasse largement le cadre de cet article. On peut tout de même souligner le fait que l’internationalisme des projets de libération nationale, donnée évidente dans les années 1970 pour les intellectuel.le.s « tiersmondistes[34] », est devenu plus difficilement perceptible pour les universitaires occidentaux.ales après la montée des courants postcoloniaux, l’échec des tendances progressistes du Tiers-monde et la réaction qui s’en est suivie. Le passif de cette rupture historique pousse certain.ne.s critiques littéraires postcoloniaux.ales. comme Macdonald à appliquer des grilles des lectures afin de produire une discontinuité de surface alors que la pensée littéraire et politique demeure à peu de chose près la même[35].

Ces critiques ignorent également le rôle massif des institutions non occidentales qui étaient beaucoup mieux financées à l’époque, avant l’arrivée du néolibéralisme. Une très grande partie de l’activité culturelle ne passait pas par les institutions occidentales, mais bien par des institutions africaines, et aussi, dans le cas de Ngugi, par les institutions soviétiques[36]. La diffusion et la traduction de livres, ainsi que l’organisation de rencontres d’écrivain.ne.s afro-asiatiques ont été très importantes pour plusieurs écrivain.ne.s engagés du Tricontinent[37]. On oublie souvent que Ngugi a terminé Petals of blood à Yalta dans une retraite d’écriture à la maison de Tchekhov, le tout financé par les Soviétiques. Ceci est arrivé quelques mois après que Ngugi ait reçut une première reconnaissance internationale : le prix Lotus décerné par l’Association des écrivain.ne.s afro-asiatiques crée à Tashkent également en Union Soviétique.

Alors qu’il venait tout juste de mettre le point final à son manuscrit, Ngugi a composé un poème à fort accents internationalistes à l’honneur de ses hôtes à Yalta ; le destin du monde intimement lié à celui des peuples ayant vécu sous le joug du colonialisme, la nécessité d’une nouvelle écriture, d’une nouvelle culture, on retrouve tout ça dans les derniers vers de ce poème qui est un appel à la solidarité, un contrepoint aux « Pétales de sang » qu’il venait de terminer :

Once in ’45 they met in Yalta

To divide the world

We now, thirty years later, meet at Yalta

Writers, translators, actors

From different climes and cultures

Saying New Birthdays

To Victors and Buddhas of People’s peace

And for people’s flowering petals of Love

To a world still divided[38]

Bibliographie

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Lovesey, Olivier. The postcolonial intellectual. Ngugi Wa Thiong’o in context, New York, Routledge, 2015, 245p.

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Macdonald, Ian P. « The Cybogre Manifesto : Time, Utopia, and Globality in Ngugi’s Wizard of the Crow », Reasearch in African Literatures, https://www.jstor.org/stable/10.2979/reseafrilite.47.1.57 [En Ligne]

Macherey, Pierre. Pour une théorie de la production littéraire, Paris, Maspero, 1971 (1966), 327 p.

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Mbembe, Achille et Felwine Sarr. « Penser pour un nouveau siècle » dans Écrire l’Afrique-Monde, Dakar, Jimsaan, 2017, p.7-13

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Ngugi Wa Thiong’o, « In Chekhov’s house : The Wrinting of Petals of Blood » dans The East Was Read. Socialist Culture in the Thirld World, New Dehli, LeftWorld Books, 2019, p.21-38

Prashad, Vijay. Une histoire politique du Tiers-Monde, Montréal, Écosociété, 2019, 406 p.


[1] Achille Mbembe et Felwine Sarr, « Penser pour un nouveau siècle » dans Écrire l’Afrique-Monde, Dakar, Jimsaan, 2017, p.8

[2] Amzat Boukari-Yabara, Africa Unite! Une histoire du panafricanisme, Paris, La Découverte 2017, 300p.

[3] Vijay Prashad, Une histoire politique du Tiers-Monde, Montréal,  Écosociété, 2019, 406 p.

[4] Adam Mayer, Naija Marxism. Revolutionary Thought in Nigeria, Londres, Pluto Press, 2016, 241p.

[5] Jean-Jacques Cadet, Le Marxisme haïtien, Paris, Delga, 2020, 429 p.

[6] Rossen Djagalov. From internationalism to postcolonialism, Toronto, MQUP, 2020, 328p.

[7] Olivier Lovesey. The postcolonial intellectual. Ngugi Wa Thiong’o in context, New York, Routledge, 2015, 245p.

[8] Ngugi Wa Thiong’o, Petals of blood, Toronto, Penguin, 2002 (1977), 409p.

[9] Ngugi Wa Thiong’o, Wizard of the Crow, Toronto, Random House, 2007, 768p.

[10] Ngugi Wa Thiong’o, « In Chekhov’s house : The Wrinting of Petals of Blood » dans Vijay Prashad dir. The East Was Read. Socialist Culture in the Thirld World, New Dehli, LeftWorld Books,  2019, p.21-38

[11] Nous ne féminisons pas, car ce sont uniquement des hommes dans le roman.

[12] Karl Marx, Le 18 brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Flammarion, 2007 (1852), p.50

[13] Macherey, Pierre. Pour une théorie de la production littéraire, Paris, Maspero, 1971 (1966), p.151-152

[14] Il est important de souligner que l’élaboration diégétique de Ngugi, puisqu’elle articule groupe et communauté, contraint l’expansion spatiale du récit. Il est vain de chercher à compiler d’emblée l’ensemble des représentations qui donneraient une dimension supra-nationale au récit.

[15] Ngugi Wa Thiong’o, Petals of blood, Op. Cit., p.199

[16] Ngugi Wa Thiong’o, Wizard of the Crow, Op. Cit., p.79

[17] Ngugi Wa Thiong’o, Petals of blood, Op. Cit., p.251.

[18] Ibid., p.262

[19] Ngugi Wa Thiong’o, Wizard of the Crow, Op. Cit., p.188

[20] Ibid., p.688

[21] Ngugi Wa Thiong’o, Petals of blood, Op. Cit., p.324.

[22] Ibid.

[23] Ibid., p.361-362.

[24] « Sens commun » et « bon sens » sont des concepts tirés de la pensée d’Antonio Gramsci.

[25] Ngugi Wa Thiong’o, Wizard of the Crow, Op. Cit., p.446

[26] Ibid., p.120

[27] Ngugi Wa Thiong’o, Décoloniser l’esprit, Paris, La Fabrique, 2011, 168 p.

[28] Cabral, Amilcar. Return to the source : Selected Speechs of Amilcar Cabral, New York, Monthly Review Press, 1973, p.75.

[29] Ibid. p.63

[30] Ngugi Wa Thiong’o, Petals of blood, Op. Cit., p.131.

[31] Ibid., p.404

[32] Ibid., p.385

[33] Macdonald, Ian P. « The Cybogre Manifesto : Time, Utopia, and Globality in Ngugi’s Wizard of the Crow », Reasearch in African Literatures, https://www.jstor.org/stable/10.2979/reseafrilite.47.1.57 [En Ligne].

[34] Vijay Prashad, Une histoire politique du Tiers-Monde, Op. Cit., 406 p.

[35] On peut également se questionner sur ce que signifie la globalité et tout le boucan entourant la mondialisation depuis les années 1990. L’idéologie capitaliste tend à nous faire croire que, du fait de l’efficacité du voyage des marchandises et parce que les réseaux informatiques s’étendent (inégalement) partout dans le monde, nous serions finalement  devenus tous et toutes connectés. Cette mondialisation nouvelle est la domination partout de la logique unique du marché, c’est une mondialisation unipolaire. Vraisemblablement, lorsque MacDonald parle de globalisation, il parle du processus de globalisation du capital dans un monde unipolaire et des luttes qui s’y opposent. Ceci est bien sûr beaucoup moins accrocheur que globalisation, mais ça aurait le mérite de clarifier les choses.

[36] Ngugi Wa Thiong’o, « In Chekhov’s house : The Wrinting of Petals of Blood », Op. Cit.

[37] Djagalov, Rossen. From internationalism to postcolonialism, Op. Cit.

[38] Ngugi Wa Thiong’o, « In Chekhov’s house : The Wrinting of Petals of Blood », Op. Cit., p.37-38.