« Refus global » à l’aune de la Révolution tranquille, ou comment la littérature écrit l’histoire et est écrite par elle

Publié le 20 octobre 2016
Sophie Dubois

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Par Sophie Dubois

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Encart/Couverture de l'édition originale du Refus global (1948). Maquette de Jean-Paul Riopelle sur un texte de Claude Gauvreau. Source : Les classiques des sciences sociales.

Encart/Couverture de l’édition originale de Refus global (1948). Maquette de Jean-Paul Riopelle sur un texte de Claude Gauvreau. Source : Les classiques des sciences sociales.

Dans l’historiographie québécoise, deux grandes périodes organisent la conception que la collectivité se fait de son passé récent : celle de la Grande Noirceur, généralement associée au deuxième mandat de Maurice Duplessis, de 1944 à 1959, et celle de la Révolution tranquille qui s’amorce en 1960 et se termine, selon les historiens, en 1966 ou en 1976. Bien qu’ayant fait l’objet d’une révision historique dans les dernières années, ces deux catégories continuent néanmoins de structurer le récit commun – « l’interface métaphorique[1] », selon les termes de Jocelyn Létourneau – du passé québécois.

Entre ces deux périodes, une œuvre a incarné, plus que n’importe quelle autre, semble-t-il, à la fois la rupture d’avec la Grande Noirceur et l’amorce de la Révolution tranquille. Il s’agit du texte « Refus global » rédigé par Paul-Émile Borduas, cosigné par 15 membres du groupe automatiste et publié en 1948[2]. Or, le rapport de « Refus global » à ce « Grand récit[3] » entourant la Révolution tranquille est double puisque, si le texte est lu a posteriori en fonction de ce récit, il a également contribué à le fonder. Le présent article vise donc à étudier le lien étroit qu’entretiennent, dans l’imaginaire collectif québécois, « Refus global » et la Révolution tranquille.

Grande Noirceur et Révolution tranquille, catégories fondatrices

Est-il nécessaire de revenir ici sur les définitions de ces catégories fondatrices que sont la Grande Noirceur et la Révolution tranquille ? Selon leur articulation par un certain discours historiographique, le Québec moderne débuterait en 1959, à la mort de Maurice Duplessis. Avant cette date, la province aurait vécu isolée sous la coupe des pouvoirs étatique et religieux qui auraient gardé le peuple dans l’ignorance, cultivant ainsi un retard par rapport aux autres sociétés industrielles. Or, à compter de 1960 et de l’élection de Jean Lesage, la société québécoise se serait prise en main : elle serait devenue « maître chez [elle] », selon le slogan du Parti libéral, et aurait rattrapé le retard accumulé sur les plans sociopolitique, économique et culturel. Telle est, grossièrement, la conception – réductrice et manichéenne, mais non moins prégnante – de l’histoire québécoise qui m’autorise à parler ici des mythes – ou de façon encore plus significative du mythe – de la Grande Noirceur et de la Révolution tranquille, comme d’un récit fondateur qui a, somme toute, peu à voir avec la complexité de la réalité, mais qui, en déformant le passé, a assuré une origine à la nouvelle identité québécoise.

Aussi, comme le mentionne Martine-Emmanuelle Lapointe, malgré les discours récents qui tendent à ébranler le triomphalisme de la Révolution tranquille – et, par le fait même, la noirceur qui la précède –, « la rupture réelle ou fantasmée de 1960 demeure un événement majeur, un moment axial que l’on ne saurait effacer[4]. » L’essai de Lapointe montre d’ailleurs comment cet événement a eu une influence indéniable sur la construction de l’histoire littéraire et sur la lecture faite d’œuvres emblématiques des années 1960 : des romans comme Le libraire, Prochain épisode et L’avalée des avalés, lus sous le sceau de la Révolution tranquille, ont été « enfermé[s] dans une certaine modernité, plus politique, voire sociologique, que formelle et littéraire [et ils] entraînent encore aujourd’hui dans leur sillage une lecture pré-construite, réifiante […] ancr[ée] dans une histoire quasi monumentale, plus proche de la mémoire que de l’historiographie savante […][5]. » Certes, « Refus global », paru en 1948, n’appartient pas d’emblée à cette période de rupture. Or, la commémoration des dix ans de sa parution en 1959[6] et la mort de Borduas en 1960 coïncident avec une relecture de l’œuvre n’échappant pas la sujétion du littéraire au nouveau récit historique s’écrivant alors, d’autant que cette relecture contribue à alimenter la trame narrative dualiste opposant Grande Noirceur et Révolution tranquille.

« Refus global » et la fondation du récit historique

Présentant la société de 1948 comme un « petit peuple serré de près aux soutanes restées les seules dépositaires de la foi, du savoir, de la vérité et de la richesse nationale[7] » et laissant « entrevo[ir] » un avenir où « l’homme [sera] libéré de ses chaînes inutiles » (RG, p. 15), « Refus global » contient en germes les représentations discursives à la base de l’imaginaire entourant la Grande Noirceur et la Révolution tranquille. Le texte fournit au discours historiographique des années 1960, à la fois une vision sombre du passé dont il veut s’écarter et une projection utopique correspondant à l’image qu’il veut donner de la société québécoise qui lui est contemporaine. En effet, selon l’interprétation courante faite du texte de Borduas, bien que « des révolutions, des guerres extérieures brisent […] l’efficacité du blocus spirituel » (RG, p. 8) dès 1948, ce n’est que dans l’avenir – un avenir que l’on associe à la Révolution tranquille – que « la société née dans la foi périra » et qu’« un nouvel espoir collectif naîtra » (RG, p. 9).

La conception à la fois progressiste et manichéenne de l’histoire présentée dans « Refus global » correspond ainsi à celle présidant à la création du mythe triomphaliste de la Révolution tranquille. On peut dès lors avancer que la redécouverte de « Refus global » à la fin des années 1950 a pu alimenter cette lecture de l’histoire et servir de source historique pour attester à la fois l’obscurantisme de la période duplessiste et l’éminence d’une rupture éclatante. Si on peut difficilement mesurer l’impact réel du texte automatiste sur la formation de cet imaginaire, celui-ci a sans aucun doute contribué à sa diffusion.

Une part de l’historiographie québécoise, faisant abstraction de la perspective globale du texte de Borduas (portant sur l’ensemble de la civilisation chrétienne), tout autant que de sa nature esthétique et pamphlétaire, aborde celui-ci comme un « document capital[8] » pour « comprendre l’état d’esprit des années 1940-1950 »[9]. On affirme par exemple que « Refus global » « s’étaye sur un constat : le Québec a toujours été colonisé et la culture y est confisquée[10] » ou qu’il « décri[t] notre situation nationale[11] », c’est-à-dire celle d’« un pays sclérosé […] coincé entre Duplessis et un clergé tout puissant[12]. » La lecture non distanciée de certains commentateurs (notamment les auteurs d’anthologies et de manuels scolaires) qui présentent les critiques formulées dans « Refus global » comme une description objective – sans médiation rhétorique ni contextualisation – de la société duplessiste contribue ainsi à diffuser et à perpétuer une image biaisée de cette période.

De même, si des auteurs et des critiques tels Jacques Godbout et Jean Éthier-Blais font de Borduas un « prophète[13] », c’est qu’ils opèrent un télescopage entre le portrait dressé de l’avenir dans « Refus global » et cette nouvelle ère qu’ils associent a posteriori à la Révolution tranquille. La part d’utopie contenue dans « Refus global » acquiert dès lors une dimension prémonitoire : le texte, selon un leitmotiv du discours critique, « annonce » la Révolution tranquille, laquelle se voit dès lors conférer les propriétés du futur utopique évoqué dans le texte, celui du nouvel espoir collectif et de l’émancipation de l’homme « réalis[ant] la plénitude de ses dons individuels » (RG, p. 15). Le texte, selon l’usage qu’en font certains commentateurs, ne contribue donc pas uniquement à présenter un portrait sombre de son époque; il participe aussi à nourrir l’image de période de libération collective et individuelle que serait la Révolution tranquille.

En somme, les propos contenus dans « Refus global » ont sans conteste servi – et servent encore aujourd’hui – d’appui pour présenter, diffuser et renforcer le modèle historiographique basé sur la dualité entre la Grande Noirceur et de la Révolution tranquille. Il est, en outre, permis d’avancer que ce texte, redécouvert à la fin des années 1950, a participé à la fondation même de ce récit mythique opposant l’obscurité du passé à la lumière du présent.

« Refus global », produit du récit historique

Si l’image de l’histoire présentée dans « Refus global » participe à la fondation et à la diffusion du récit mythique entourant la Grande Noirceur et la Révolution tranquille, celui-ci influence en retour la lecture faite du texte. « Refus global » est en effet le plus souvent l’objet d’une lecture téléologique orientée autour de ce « terme imaginable » (RG, p. 15) appelé par Borduas et confondu avec la rupture symbolique qu’est l’année 1960. Au caractère prophétique conféré à l’œuvre d’un point de vue prospectif correspond donc un caractère inaugural résultant d’une projection rétrospective des critiques sur le texte. Dans cette optique, « Refus global » devient, non plus simplement l’annonce de la Révolution tranquille, mais un de ses « germoirs[14] », pour reprendre le terme du sociologue Guy Rocher. Plus radicalement, Pierre Vadeboncœur soutient – faut-il le rappeler ? – que Borduas « fut le premier à rompre radicalement […], [à] bris[er] notre paralysie organisée » et qu’en ce sens, « le Canada-français moderne commence avec lui »[15].

La mort de Borduas en février 1960 – à mi-chemin entre la mort de Duplessis et l’élection de Jean Lesage – possède une portée symbolique et semble, comme le souligne avec à-propos Patricia Smart, « avoir été toute faite pour [consacrer le peintre] précurseur de la Révolution tranquille[16]. » La relecture du texte qui s’opère alors ne peut qu’être orientée vers l’avènement de cette nouvelle ère et intimement liée aux motifs de la rupture et de la libération qui la définissent. De fait, bien qu’il soit publié en pleine « Grande Noirceur », le texte est considéré comme un des « premiers coups de canon de cette lutte contre l’ordre traditionnel, [lequel] devai[t] alimenter les contestations jusqu’à 1960 et nourrir la Révolution tranquille[17]. » Façonnés par cette conception progressiste et dualiste de l’histoire à laquelle on souhaite faire participer « Refus global », les commentaires à son sujet sont imprégnés d’un vocabulaire emprunté à l’imagerie mise en place par le discours historiographique. En témoigne le cas de la métaphore de l’ombre et de la lumière, corollaire du mythe de la Grande Noirceur et de la Révolution tranquille : le texte automatiste est en effet présenté comme « une borne lumineuse dans une ténèbre intellectuelle[18] » : « allumé en pleines ténèbres duplessistes, [son] lyrisme incendiaire[19] » nous aurait fait « désirer la lumière au bout du tunnel [et nous aurait] sortis de la grande noirceur[20]. »

Ces quelques exemples donnent à voir le penchant des critiques, évoqué par Martine-Emmanuelle Lapointe, « pour les lectures causales et téléologiques » empruntant aux « principes d’organisation de l’écriture historiographique »[21]. Ils illustrent comment la lecture du texte de Borduas s’appuie sur l’historiographie québécoise et sur ses catégories fondatrices, lesquelles finissent par se substituer à l’analyse pour faire de « Refus global » un modèle des revendications et de l’évolution historique du Canada français entre 1948 et 1960. La lecture de l’œuvre se trouve, par conséquent, doublement réifiée puisqu’elle repose sur des catégories qui elles-mêmes sont des constructions à la source du récit mythique sous-tendant l’identité québécoise.

En somme, un regard sur la réception critique de « Refus global » permet d’établir le rapport de constitution réciproque qu’entretiennent le texte de Borduas et le mythe entourant la Révolution tranquille : redécouvert en 1960, ce texte est à la fois un vestige du passé attestant la vision de l’histoire telle qu’on souhaite la véhiculer et un produit de cette conception de l’histoire qui en oriente la lecture, gommant notamment l’origine artistique du texte, pour n’en conserver que les éléments relevant de la critique sociohistorique.

Démythification polémique

Évoluant en parallèle, les mythes de « Refus global », de la Grande Noirceur et de la Révolution tranquille structurent les discours historique et artistique des années 1960 et 1970, mais ils connaissent également une remise en cause depuis la fin des années 1980. De fait, « Refus global » qui a d’abord servi à appuyer le portrait négatif de la Grande Noirceur sert désormais à nuancer celui-ci : il est considéré, par la nouvelle historiographie québécoise, comme un des « symboles culturels et intellectuels » (avec notamment la revue Cité libre et la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval) témoignant de la présence de « percées modernistes[22] » avant 1960. L’œuvre, bien qu’elle demeure un symbole de la modernité, n’est toutefois plus perçue comme une exception – comme une étincelle dans une mare de ténèbres –, mais comme un exemple, parmi d’autres, de la vie culturelle ayant cours au Québec à l’époque.

Le courant révisionniste remettant en cause la prétendue obscurité de la période d’après-guerre au Québec et, du même coup, la rupture opérée par la Révolution tranquille s’accompagne ainsi, dans la réception de « Refus global », d’une entreprise de relativisation du caractère subversif et disruptif du texte. Celui-ci n’est alors plus lu en fonction de ce que François Hartog nomme le « régime moderne d’historicité », soit la « vision du temps comme perfectionnement et progrès[23] » qui a présidé à la fondation du mythe de la Révolution tranquille; il est plutôt replacé dans son contexte sociohistorique immédiat et envisagé en fonction du discours social de son époque et des manifestations de la modernité qui l’ont précédée. Yvan Lamonde et Esther Trépanier, de même que Pierre Popovic, sont de ceux qui, dans les trente dernières années, ont cherché à « repenser le concept de rupture[24] » et à réévaluer les « mythes originaires[25] » auxquels appartient « Refus global ».

Cette entreprise de démythification de l’œuvre automatiste ne se fait cependant pas sans résistance. Certes, comme le mentionne Gilles Lapointe, on « condamn[e] une utilisation étroitement nationaliste de Refus global », mais certains persistent à en défendre « l’héritage “inouï” » et à le « protéger contre l’acculturation et la banalisation progressive[26] » qui le menace. On peut ainsi dire de « Refus global » ce qu’affirme Martine-Emmanuelle Lapointe à propos de la Révolution tranquille, soit « qu’on [le] sacralise ou qu’on [le] rejette, [il] conserve son aura particulière »[27].

Une polémique datant du début des années 1990 s’avère d’ailleurs révélatrice à ce sujet, laquelle amalgame de façon significative la contribution des Automatistes à la modernité artistique et le mythe de la Révolution tranquille. Je terminerai donc cet article par un retour sur cette polémique qui éclaire la dynamique et le destin commun unissant ces deux « mythes fondateurs » de notre histoire.

Les discussions qui s’amorcent en octobre 1991, dans La Presse, autour du rapport Arpin proposant la création d’un Conseil des Arts québécois, portent sur les critères de légitimation des arts visuels. Le philosophe Jacques Dufresne, dans un article intitulé « Les arts coincés entre Duplessis et Borduas », met en cause l’héritage mythique laissé par Borduas, dont « l’ombre omniprésente[28] » favoriserait la reconnaissance de l’art abstrait au détriment de l’art figuratif. Cet ombrage porté à l’ombre même de Borduas n’est pas sans irriter un peintre comme Serge Lemoyne qui n’y perçoit rien de moins qu’« une insulte à la Révolution tranquille, une insulte à la culture québécoise »[29]. Le parallèle est on ne peut plus clair : Borduas est non seulement « un des pères de la Révolution tranquille[30] » selon Lemoyne, mais il en est la métonymie : s’attaquer à son statut, c’est mettre en doute l’importance de cette période dans l’histoire du Québec. Critiqué de toute part[31], Dufresne se dit victime du « terrorisme exercé par les héritiers de Borduas[32] » : « On m’avait prévenu », relate-t-il : « Si, dans le but d’exiger plus de transparence dans l’administration des arts, vous vous attaquez à Borduas et à ses héritiers, les personnes que vous visez vont vous déclarer réactionnaire, malhonnête, ignare, duplessiste. C’est ainsi qu’ils ont réussi à éliminer toute opposition depuis plus de 30 ans[33]. » L’analogie est complète : si Borduas et « Refus global » sont les précurseurs de la Révolution tranquille, leurs opposants appartiendraient à la Grande Noirceur et leur discours seraient de facto jugés invalides. La persistance du mythe entourant « Refus global » repose ainsi sur le lien étroit qu’il entretient avec une certaine historiographie, laquelle subit cependant elle aussi les assauts de la critique à l’époque, laissant entrevoir l’impasse d’une telle argumentation pour la survie de « Refus global » dans la mémoire culturelle.

Conclusion

En définitive, Jean-Claude Leblond, rédacteur en chef de Vie des arts, signale bien ce qui est en cause ici, c’est-à-dire non pas l’héritage de Borduas lui-même, mais sa réification et son exploitation par certains historiens de l’art qui attribuent « abusivement à Paul-Émile Borduas les débuts de la Révolution tranquille[34] », par certains « universitaires [qui] fabriquent des théories sur l’art[35] » et par tous ces « exégètes [qui] continuent à proclamer, enseigner, écrire la Vérité automatiste et le Refus global[36]. » Leblond va, en ce sens, jusqu’à comparer l’héritage du peintre automatiste à celui de Lénine dont la révolution aurait été ramenée, par ses successeurs, à une « sclérose » systémique ne correspondant plus aux intentions initiales[37]. Bref, dans cette polémique, comme dans les débats entourant la Révolution tranquille, ce qui est critiqué ce n’est pas l’objet premier, mais les mythes qui se sont construits autour d’eux et qui en ont fait des « emblèmes » pour reprendre le terme de Martine-Emmanuelle Lapointe.

En ce sens, même si, comme le souligne Yvan Lamonde, « les deux grands référents de la modernité qu’étaient le Refus global et la Révolution tranquille – les deux s’étayant d’ailleurs – ont basculé dans le temps[38] » au cours des années 1990, ceux-ci n’ont pas disparu du discours. Dans les deux cas, le discours relativiste a plutôt donné lieu à une forte réaction de la part des défenseurs du récit canonique qui y ont vu une nouvelle occasion de prise de parole, souvent plus véhémente encore parce qu’elle s’exprime dans un cadre polémique. Aussi le contre-discours à visée démythificatrice, malgré sa volonté d’atténuer l’importance accordée à son objet participe-t-il paradoxalement à la surenchère discursive propre à garder cet objet au cœur du discours social, comme un enjeu à débattre sans cesse.

Il demeure néanmoins que, depuis les vingt dernières années, s’est opérée une relecture de « Refus global » axée sur un meilleur ancrage dans son contexte immédiat (celui des années 1940, des arts visuels, du groupe automatiste ou, plus concrètement encore, du recueil pluridisciplinaire dont il est issu). Cette relecture, qui s’effectue en parallèle (et en interaction) avec le révisionnisme historique entourant la Révolution tranquille concourt ainsi à opérer une scission dans la triade Grande Noirceur – « Refus global » – Révolution tranquille – notamment en ne réduisant plus les deux premiers éléments à leur relation (de repoussoir ou de germoir) avec le troisième. Le dénouement – au double sens de délier et de clore – de ce lien réifiant permettra ainsi sans doute une réévaluation de chacune de ces réalités, à la faveur d’une vision plus nuancée et plus spécifique.

Pour en savoir plus

BORDUAS, Pau-Émile, Claude GAUVREAU et al. Refus global. Saint-Hilaire, Mithra-Mythe, 1948.

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DUFRESNE, Jacques. « Un “rack à viande” subventionné ». La Presse (2 novembre 1991), p. B3.

DUFRESNE, Jacques. « Aux arts citoyens! ». La Presse (7 décembre 1991), p. B3.

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[1] Jocelyn Létourneau, « La Révolution tranquille, catégorie identitaire du Québec contemporain », dans Alain-G. Gagnon et Michel Sarra-Bournet, dir., Duplessis. Entre la Grande Noirceur et la société libérale, Montréal, Québec Amérique, 1997, p. 116.

[2] Moins connu que son texte éponyme, le recueil collectif et pluridisciplinaire Refus global contient 8 autres textes en plus d’illustrations des productions du groupe. L’étroite relation qu’entretiennent, dans l’historiographie québécoise, le texte et le diptyque Grande Noirceur – Révolution tranquille n’est d’ailleurs pas sans avoir participé à l’effacement du recueil de la mémoire collective. Voir à ce sujet Sophie Dubois, Quand Refus global devient “Refus global” : l’histoire d’une réception partielle, Thèse de doctorat, Montréal, Université de Montréal, Département des littératures de langue française, 2014, 595 p.. Le présent article constitue une version remaniée d’une section de cette thèse.

[3] Le terme est de Martine-Emmanuelle Lapointe qui affirme : « “Grand récit”, la Révolution tranquille l’est donc surtout dans la mesure où une majorité de Québécois en partagent la mémoire et en font le lieu du renouveau », « l’idée vague d’un recommencement », dans Emblèmes d’une littérature. Le Libraire, Prochain épisode et L’Avalée des avalés, Montréal, Fides, 2008, coll. « Nouvelles études québécoises », p. 40.

[4] Ibid., p. 40.

[5] Ibid., p. 10.

[6] Voir le numéro spécial de la revue Situations (vol. 1, no 2, février 1959).

[7] Paul-Émile Borduas et al., « Refus global », dans Refus global, Saint-Hilaire, Mithra-Mythe, 1948, p. 1. Dorénavant, les références à ce texte seront indiquées par l’abréviation RG suivie de la page et intégrées dans le texte.

[8] Gérard Tougas, Histoire de la littérature canadienne-française, Paris, PUF, 1960, p. 152.

[9] Guy Robert, « Le mouvement automatiste », dans École de Montréal. Situation et tendances, Montréal, Éditions du Centre de psychologie et de pédagogie, 1964, p. 17.

[10] Michel Erman, Anthologie critique. Littérature canadienne-française et québécoise, Laval, Beauchemin, 1992, p. 510.

[11] Gaston Gouin, « 1948 : Refus global – 1968 : Contestation globale », Le campus estrien, vol. XIV, no 13, 26 novembre 1968, p. 10.

[12] Michel Laurin, Anthologie de la littérature québécoise, Montréal, Centre éducatif et culturel, 1996, p. 118 et 120.

[13] Jacques Godbout, « Paul-Émile Borduas », Liberté, vol. 2, no 2, mars-avril 1960, p. 133; Jean Éthier-Blais, « Lettres canadiennes-françaises : l’Hexagone », Études françaises, vol. 1, n2, 1965, p. 115-121.

[14] Guy Rocher, Le Québec en mutation, Montréal, Hurtubise, 1973, p. 19.

[15] Pierre Vadeboncœur, « La ligne du risque », Situations, vol. 4, no 1, 1962, p. 22-23.

[16] Patricia Smart, Refus global : genèse et métamorphose d’un mythe fondateur, Montréal, Programme d’études sur le Québec, Université McGill, 1998, coll. « Grandes conférences Desjardins », p. 10.

[17] Marcel Rioux, Un peuple dans le siècle, Montréal, Boréal, 1990, p. 48.

[18] Yves Préfontaine, « Un film de Jacques Godbout – Borduas au cinéma », Liberté, vol. 5, no 2, mars-avril 1963, p. 161.

[19] Michèle Lalonde, « Entre le goupillon et la tuque », Maintenant, no 137-138, juin-septembre 1974, p. 62.

[20]   Françoise de Repentigny, « Retour à la grande noirceur? », La Presse, 2 décembre 1991, p. B3.

[21] Martine-Emmanuelle Lapointe, Emblèmes d’une littérature…, p. 30.

[22]  Jacques Beauchemin, « Conservatisme et traditionalisme dans le Québec duplessiste : aux origines d’une confusion conceptuelle », dans Alain-G. Gagnon et Michel Sarra-Bournet, Duplessis. Entre la…, p. 39.

[23] François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expérience du temps, Paris, Seuil, 2003, p. 114.

[24] Pierre Popovic, « Les prémices d’un refus (global) », Études françaises, vol. 23, no 3, hiver 1987, p. 21.

[25] Yvan Lamonde et Esther Trépanier, L’avènement de la modernité culturelle au Québec, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1986, p. 11.

[26] Gilles Lapointe, « Refus global au seuil de l’âge classique : autour de quelques lectures contemporaines du manifeste », La comète automatiste, Montréal, Fides, 2008, coll. « Nouvelles études québécoises », p. 171-172.

[27]   Martine-Emmanuelle Lapointe, Emblèmes d’une littérature…, p. 42.

[28] Jacques Dufresne, « Les arts coincés entre Duplessis et Borduas », La Presse, 12 octobre 1991, p. B3.

[29] Serge Lemoyne, « L’art est loin d’être coincé entre Duplessis et Borduas », La Presse, 30 octobre 1991, p. B3.

[30] Ibid.

[31] Outre Lemoyne, Dufresne reçoit des répliques de Françoise de Repentigny (« Retour à la… ») et de Marcella Maltais (« Lettre ouverte aux imposteurs de la modernité », La Presse, 16 décembre 1991, p. 3).

[32] Jacques Dufresne, « Un “rack à viande” subventionné », La Presse, 2 novembre 1991, p. B3.

[33] Jacques Dufresne, « Aux arts citoyens! », La Presse, 7 décembre 1991, p. B3.

[34] Jean-Claude Leblond, « Arts visuels : de la grande noirceur à l’“opaque grisaille” de nos jours », La Presse, 12 novembre 1991, p. B3.

[35] Jacques Dufresne, « Les arts coincés… », p. B3.

[36] Marcella Maltais, Notes d’atelier, Beauport, Édition du Beffroi, 1991, p. 125.

[37] Jean-Claude Leblond, « Arts visuels : de… », p. B3.

[38] Yvan Lamonde, « “Être de son temps” : pourquoi, comment ? », dans Ginette Michaud et Élisabeth Nardout-Lafarge, dir., Constructions de la modernité au Québec, Montréal, Lanctôt éditeur, 2004, p. 36.