Regard sur un travail historien: réflexions et remarques d’une historienne en devenir

Publié le 24 mars 2021

Par Emmy Bois, étudiante à la maîtrise en histoire[1], Université Laval

*** Introduction au projet dans lequel s’inscrit ce texte ***

Du 19 au 21 février 2020, l’Association étudiante de deuxième et troisième cycle du département des sciences historiques de l’Université Laval (Artefact) a tenu la vingtième édition de son colloque étudiant annuel. Célébrer les vingt ans d’un tel événement est certes une source de fierté institutionnelle, mais pose également plusieurs défis. En effet, on ne peut nier les transformations qu’ont connu les sciences historiques depuis le tournant du XXIe siècle. Écrit-on encore l’Histoire de la même manière qu’il y a vingt ans? Comment faire pour que cette XXe édition se renouvelle et continue de générer l’intérêt chez la communauté étudiante? Pour le comité organisateur, cette édition du Colloque Artefact se devait de refléter le changement et de questionner la manière dont sont construites les sciences historiques. Ainsi, la thématique que nous avons retenue, « Ancrages, engagements et subjectivités : les conditions d’un regard sur le passé », vient de notre conviction profonde que la chercheuse ou le chercheur en sciences historiques n’est pas neutre devant son objet d’étude. Ce que nous voulions à travers cet événement était justement de (re)lancer une discussion sur cette subjectivité inhérente, de forcer étudiant.e.s à se questionner sur leur propres biais et angles morts en recherche.

Pour Joan W. Scott, les historien.e.s analysent des fragments du passé, ses échos : «Echoes are delayed returns of sounds; they are incomplete reproductions, usually giving back only the final fragments of a phrase. An echo spans large gaps of space […] and time […], but it also creates gaps of meaning and intelligibility ». La recherche est un travail de traces, celles dont on dispose et celles dont on ne dispose pas. Elle argue ainsi que la vision du chercheur ou de la chercheuse n’est jamais complète, toujours biaisée par la perception qu’il ou elle a des échos qui lui parviennent de son objet d’étude. Cette perception, pour Scott et pour bien d’autres théoricien.ne.s des sciences historiques, est conditionnée par la posture du chercheur ou de la chercheuse, indissociable de son ancrage dans le présent. Nous avons donc invité les chercheuses et chercheurs étudiant.e.s à questionner leur propre engagement envers leur sujet d’étude et la façon dont leur ancrage dans le présent influe sur leur manière d’aborder divers sujets historiques.

Bien que l’imposition de ce thème tranche en quelque sorte avec les éditions passées du Colloque Artefact en embrassant davantage une réflexion épistémologique, elles et ils ont été nombreux.ses à répondre à notre appel et à relever le défi que nous avions lancé. Toujours soucieuses d’incarner dans notre organisation les aspects les plus actuels et novateurs des sciences historiques, nous voulions aussi transformer la manière dont les Actes de colloque sont diffusés, afin de les rendre plus vivants et de poursuivre les réflexions entamées lors de l’événement de février dernier. La mission d’Histoire Engagée rejoignant celle que nous nous étions données, ce partenariat nous a semblé être la réponse parfaite à nos préoccupations. Les textes qui sont ici diffusés sont donc issus de communications étudiantes présentées dans le cadre du XXe Colloque Artefact et adaptées pour leur publication sur HistoireEngagée.ca. Nous espérons qu’en diffusant sur cette plateforme, nous pourrons donner une deuxième vie à ces présentations et étendre la portée de notre projet au-delà de l’événement de l’hiver dernier.

Cet assemblage de quatre textes couvre divers aspects de l’histoire récente (XIXe et XXe siècle). Certains sujets de recherche sont nés des préoccupations de leur auteur.e pour des enjeux contemporains. C’est le cas de l’article de Catherine Dumont-Lévesque intitulé «Les prescriptions normatives sur la sexualité féminine dans les pages du magazine Filles d’Aujourd’hui : déconstruction d’un discours tenace» qui prend racine dans les questionnements actuels concernant la sexualité féminine, ou encore celui de Jérémie Rose, «Dans l’intérêt de la nation : la convergence culturelle comme pilier du discours nationaliste québécois, de Lévesque à Legault», qui interroge le rapport du nationalisme québécois à la diversité culturelle d’hier à aujourd’hui. Tablant davantage sur des enjeux mémoriels, le texte de Sarah Lacasse se penche sur le traitement littéraire du massacre du Persil à Haïti en 1937. Quant à elle, Emmy Bois propose plutôt une réflexion sur l’introduction des jeunes chercheurs et chercheuses aux travails avec les archives religieuses. Si cet échantillon ne présente qu’une partie des réflexions qui eurent lieu lors du Colloque Artefact de l’hiver dernier, il n’en témoigne pas moi de l’engouement et de la pertinence d’une histoire engagée pour les jeunes chercheurs et chercheuses diplômé.e.s.

Marie-Laurence Raby

Coordonnatrice du XXe Colloque Artefact

*** Fin de l’introduction ***

À l’automne 2019, je me suis inscrite à mon premier séminaire de maîtrise : Régulations, transferts et adaptations : les services sociaux au Québec-Canada. Mon travail de recherche portait sur la gestion d’une école de réforme, soit l’école de réforme de l’Hospice Saint-Joseph-de-la-Délivrance, située à Lévis et gérée par les Sœurs de la Charité de Québec[1]. De son ouverture en 1883 jusqu’à son démantèlement en 1911, l’hospice accueille un flot discontinu de garçons jugés « délinquants » [2]. Administrée par l’Église catholique, cette initiative tire racine dans la mise sur pied, en 1869, d’un réseau provincial d’institutions confessionnelles, en réponse notamment à l’augmentation des problèmes de délinquance juvénile et de vagabondage[3].

J’ai pris goût du travail dans les archives dès le baccalauréat. Dans le cadre de séminaires de premier cycle, l’opportunité de travailler sur des documents d’archives de toutes sortes – lire ici, la chance puisque ce ne sont pas tous les séminaires qui le permettent – m’a été offerte. Or, jamais encore, je n’avais eu l’occasion – ou l’ambition peut-être – de m’attarder sur des archives religieuses, moi qui me suis toujours sentie un peu étrangère – voire inexpérimentée – face à ce type de sources. Ce séminaire fut donc pour moi l’occasion de m’y initier et de me questionner sur le malaise que je ressentais au contact des archives.

En effet, j’ai compris que mon malaise dans  l’analyse d’archives religieuses concernait moins le contenu de ces documents que mes aptitudes à les interpréter de la bonne façon. Si le christianisme – et plus largement, l’étude des religions – ont toujours piqué ma curiosité, je ne m’y étais jamais assez intéressée pour dépasser le stade de « connaissances générales ». Face aux archives religieuses, je craignais donc de ne pas être en mesure de saisir toute leur essence et toutes leurs subtilités. Dans le cadre de ce séminaire, je me suis confrontée à mon inconfort – certainement né d’un manque d’expérience et de connaissances sur le sujet – et je l’ai utilisé afin de parfaire mes aptitudes de chercheure.

Les archives des Sœurs de la Charité de Québec : l’accès aux sources

Lors du choix de mon sujet, j’avais déjà une bonne idée des sources que je voulais exploiter. Je désirais consulter la correspondance des Sœurs de la Charité de l’Hospice Saint-Joseph-de-la-Délivrance afin d’observer, notamment, la réaction des Sœurs aux amendements apportés à l’Acte concernant les écoles de réforme – lesquels modifiaient les critères d’admission en institution et affectaient la portion du financement étatique et municipal aux communautés religieuses. Une fois imprégnée de la correspondance, je me disais que je pourrais sans doute me pencher sur les registres d’admissions et de sorties de l’Hospice afin d’étudier la fréquentation de l’école de réforme.

Malheureusement, considérant le temps limité qui me fut alloué pour la réalisation de ma recherche, je n’ai pas pu accéder aux archives des Sœurs de la Charité de Québec. Il m’a donc fallu réajuster sensiblement les paramètres de mon étude. Pour ce faire, je me suis tournée vers la correspondance des Sœurs qu’il est possible de retrouver dans des ouvrages secondaires, tels que les monographies Histoire des Sœurs de la Charité et autres articles scientifiques[4]. Environ dix semaines (ou quinze tout au plus) sont allouées à la production d’un travail de séminaire : dans de telles circonstances, il faut être prêt.e.s à s’ajuster aux diverses contraintes qu’implique la recherche historienne. Il ne faudrait toutefois pas croire que la variable « temps de production » ne s’applique qu’aux travaux de séminaire. En effet, dans le cas de la réalisation d’un mémoire ou d’une thèse qui demande la consultation de fonds d’archives privés, l’étudiant.e. peut attendre plusieurs semaines avant de recevoir les autorisations de consultation. Le travail en archives demande donc une certaine flexibilité : les difficultés d’accès aux archives, que ce soit en raison de contraintes temporelles ou institutionnelles (ou en raison d’une pandémie, par exemple), sont une réalité avec laquelle doivent composer les historien.ne.s, et notamment les chercheur.e.s qui manipulent des informations sensibles ou des données contemporaines.

Grâce à la correspondance contenue dans les monographies et les articles scientifiques, j’ai pu traiter de la gestion des Sœurs de la Charité, et surtout de leur réaction face aux critères d’institutionnalisation des enfants définis par les lois. En raison des différenciations entre le statut des enfants – l’État ne considérant admissible en institution que l’enfant strictement orphelin, c’est-à-dire celui ayant perdu un ou deux de ses parents – il était impossible pour les Sœurs de bénéficier d’une aide financière du gouvernement pour l’assistance portée aux «?non orphelins?». Sœur Sainte-Hélène, assistante générale de l’Hospice, dénonçait la situation dans une lettre envoyée au ministre Arthur Turcotte le 7 décembre 1887 :

L’enfant qui a été abandonné par des parents qui ont quitté le pays, celui qui n’est pas complètement orphelin, mais dont le père ou la mère est malade, ou renfermé dans un asile d’aliénés, ces enfants, dis-je, ne sont-ils pas aussi à plaindre que ceux qui sont orphelins de père ou de mère?? Pourquoi la loi distingue-t-elle entre eux?? Pourquoi protège-t-elle plutôt celui qui peut plus facilement être adopté que celui dont personne ne veut prendre soin??[5]

Comme le notent l’historienne Johanne Daigle et le sociologue André Turmel, «?ces questionnements exprimaient fort justement le dilemme auquel les institutions devaient faire face : respecter le cadre des lois en n’assistant que certains types d’enfants ou se priver des subventions publiques en accueillant davantage d’enfants[6]?». Reproduit dans la monographie Histoire des Sœurs de la Charité de Québec, cet extrait – indispensable dans le cadre de ma recherche – met bien en lumière l’importance, pour l’historien.ne., des archives publiées. Si elles permettent, dans une certaine mesure, de contourner les contraintes associées à l’accès aux sources, les archives publiées peuvent également informer le chercheur ou la chercheuse débutant.e sur l’existence de pièces d’archives dont il ou elle n’avait pas connaissance, ou plus largement sur la possibilité de réaliser un projet de recherche.

Deux limites quant à l’utilisation d’archives publiées m’apparaissent néanmoins importantes à souligner. D’une part, les témoignages à ma disposition étaient numériquement insuffisants afin de démontrer hors de tout doute que les Sœurs de la Charité ont fait preuve d’une gestion adaptée à leur réalité institutionnelle. Et d’autre part, j’ai dû – dans une certaine mesure – me contenter de répéter ce que d’autres chercheurs et chercheuses avant moi avaient conclu, puisque je n’avais pas accès à d’autres passages de la correspondance. Malgré ces limites, j’ai tout de même pu proposer des conclusions intéressantes – voire un tant soit peu originales –, notamment en intégrant à mon étude les rapports annuels des inspecteurs de prisons, d’asiles et d’écoles subventionnées[7] conservés à la bibliothèque de l’Assemblée nationale.

Les rapports des inspecteurs : des sources partielles et partiales

Intrinsèquement, la correspondance des Sœurs de la Charité étudiée renferme – par sa nature même – une grande part de subjectivité. Le cas est similaire pour les rapports annuels des inspecteurs de prisons, d’asiles et d’écoles subventionnés (d’ailleurs, y a-t-il réellement des sources qui ne sont pas subjectives ?). Dans ces rapports, les inspecteurs de l’Hospice Saint-Joseph-de-la-Délivrance y notent des observations générales sur l’état des écoles ainsi que sur les enfants institutionnalisés. Par exemple, en 1900, un inspecteur écrivait à propos de l’école de réforme :

Speaking correctly, the Levis Reformatory School for boys exists only in name, the three little boys who compose its whole population, share the life of the pupils of the Industrial School. The two schools are rather orphanages, in which children without a refuge, or hard to control, are shut up, especially those of the first category. […][8]

En plus des observations et remarques écrites par les inspecteurs, les rapports annuels renferment des données chiffrées sur le financement des institutions et sur le nombre d’enfants institutionnalisés dans les écoles subventionnées selon leur nationalité, leur langue, leur religion et, le plus souvent, selon leur âge. Il serait aisé de croire que ces données quantitatives sont neutres ; c’est notamment ce que j’ai cru de prime abord. Or, il s’avère que les inspecteurs, quelques-uns étant près des cercles catholiques[9], pouvaient entretenir un préjugé favorable envers les congrégations religieuses, louangeant parfois leur gestion. Si l’État exerçait son pouvoir de surveillance sur les institutions par l’entremise des visites sporadiques des inspecteurs, il ne faut pas oublier que leurs rapports étaient des actes politiques – susceptibles de ne pas révéler toute la vérité ou de masquer certains faits potentiellement défavorables – et s’adressaient d’abord et avant tout à la sphère politique[10].

Ainsi, comme Dale Gilbert, historien spécialiste des questions urbaines et de l’histoire de l’assistance, l’explique, les inspecteurs qui visitaient les institutions relevaient le nombre d’enfants inscrits dans chacune des écoles subventionnées, «?[…] allant même jusqu’à comptabiliser [tous les enfants à la charge de l’Hospice, comme ceux admis par charité,] dans la population totale de l’Hospice, ce qui fausse leurs chiffres[11]?». Et bien que les inspecteurs se rendaient compte de ces erreurs de comptabilité, rien n’indique qu’ils aient voulu les éradiquer : «?[i]ls [se] serv[ai]ent [de ces chiffres] au contraire pour démontrer au gouvernement la nécessité d’investir davantage dans ce système[12]?». Ces erreurs dans la comptabilisation du nombre d’enfants, de même que les préjugés favorables de certains inspecteurs, ont pu contribuer à l’irrégularité de leurs rapports. L’historien.ne ne doit pas se méprendre : des données chiffrées ne sont pas gage d’objectivité, les sources de l’histoire étant la plupart du temps partielles et partiales.

Un mot pour la fin ?

La recherche que j’ai menée dans le cadre de ce séminaire m’a réellement passionnée : j’ai découvert tout un pan de l’histoire du Québec avec lequel je n’étais pas du tout familière, mais surtout j’ai été amenée à me questionner sur l’écriture de l’histoire et sur le travail dans les archives.

Après une année complète à travailler sur mon mémoire[13], je ne ressens plus le même malaise face aux sources religieuses. Je suis davantage confiante en mes compétences d’historienne en formation : mes aptitudes de recherche ont évolué depuis le baccalauréat. Je dois aussi noter qu’avant de me confronter à la correspondance des Sœurs de la Charité, même si elle était reproduite dans des sources publiées, j’ai amélioré mes connaissances sur le catholicisme et sur l’histoire de l’assistance au Québec, que ce soit dans le cadre de mon séminaire ou par le biais de mes lectures personnelles. En effet, il ne faudrait pas se fermer les yeux sur un aspect important – voire fondamental – du travail dans les archives dont je n’ai pas traité dans ma chronique : la préparation. Peu importe de quelle façon vous la faites et de quel sujet vous traitez ; que vous réalisiez des fiches de lectures, que vous preniez des notes dans un calepin ou que vous surligniez à même vos textes, la préparation seule peut véritablement vaincre l’inconfort ressenti face à certains types de sources historiques.

Bibliographie

DAIGLE Johanne et Dale GILBERT. «?Un modèle d’économie sociale mixte : la dynamique des services sociaux à l’enfance dans la ville de Québec, 1850-1950?». Recherches sociographiques, vol. 49, n° 1 (mars 2008), p. 113-147.

DAIGLE, Johanne, André TRUMEL, Virginie FLEURY-POTVIN et Sophie LAPOINTE. «?La catégorie d’orphelin en milieu institutionnel : quelques paramètres pour la région de Québec, 1850-1950?», dans Brigitte CAULIER et de Luc COURTOIS, dir., Québec-Wallonie : Dynamiques des espaces et expériences francophones. Québec, Presses de l’Université Laval, 2006, p. 113-134.

FECTEAU, Jean-Marie, Sylvie MÉNARD, Véronique STRIMELLE et Jean TRÉPANIER. «?Une politique de l’enfance délinquante et en danger : la mise en place des écoles de réforme et d’industrie au Québec (1840-1873)?». Crime, Histoire et Sociétés, vol. 2, n° 1 (1998), p. 75-110.

GILBERT, Dale. «?Assister les familles de Québec : l’école de réforme et l’école d’industrie de l’Hospice Saint-Charles, 1870-1950?», Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 61, n° 3-4 (2008), p. 469–500.

GILBERT, Dale. «?Dynamiques de l’institutionnalisation de l’enfance délinquante et en besoin de protection : le cas des écoles de réforme et d’industrie de l’Hospice Saint-Charles de Québec, 1870-1950?», mémoire de maîtrise en histoire, Québec, Université Laval, 2006. 151 p.

GIROUX, Marie-Christine. «?La protection de l’enfance à l’hospice Saint-Joseph des Sœurs grises de Montréal (1815-1911)?». Revue d’histoire de la protection sociale, vol. 1, n° 7 (2014), p. 10-33.

JOYAL, Renée. Les enfants, la société et l’État au Québec, 1608-1989 : jalons. Montréal, HMH, 1999. 319 p.

JOYAL, Renée. Entre surveillance et compassion. L’évolution de la protection de l’enfance au Québec : des origines à nos jours. Québec, Presses de l’Université du Québec, 2000. 227 p.

MÉNARD, Sylvie. Des enfants sous surveillance : la rééducation des jeunes délinquants au Québec (1840-1950). Montréal, VLB Éditeur, 2003. 247 p.

MÉNARD, Sylvie. «?Les Églises et la prise en charge de l’enfance au Québec : le cas des institutions d’enfermement pour les jeunes délinquants ou en danger?». SCHEC, Études d’histoire religieuse,                   vol. 69 (2003), p. 69-82.

VOISINE, Nive, Yvonne WARD, s.c.q. et Francine ROY. Histoire des Sœurs de la Charité de Québec. Tome II : Des maisons de charité. Québec, MNH, 1998. 305 p.

VOISINE, Nive, Yvonne WARD, s.c.q. et Robert ST-PIERRE. Histoire des Sœurs de la Charité de Québec. Tome III : Plus de cent cinquante ans d’histoire (1849-2001). Québec, MNH, 2002. 344 p.


[1] Mes recherches ont montré que la gestion de l’école de réforme de l’Hospice Saint-Joseph-de-la-Délivrance a été influencée par l’Acte concernant les écoles de réformes (1869) et ses amendements ultérieurs, régulant la clientèle que les Sœurs de la Charité de Québec se devaient d’accueillir au sein de leur institution. Or, face aux régulations de l’enfance délinquante de l’État provincial, les Sœurs de la Charité ont fait preuve d’une gestion adaptée à la réalité institutionnelle de l’Hospice en permettant l’admission de jeunes garçons de moins de sept ans à l’école de réforme. Mettant en lumière la porosité des frontières entre «?enfance délinquante?» et «?enfance en danger?», l’âge d’admission des jeunes garçons institutionnalisés, tout comme la fréquentation de l’école de réforme, illustre bien la tension existante entre la volonté de contrôle l’État provincial et les besoins d’assistance réels auxquels ont tenté de répondre les Sœurs de la Charité de Québec.

[2] Les écoles de réforme étaient axées sur l’internement d’enfants « jugés coupables de ‘‘délits punissables’’, comme des vols, afin de les ‘‘redresser’’» (Johanne Daigle et Dale Gilbert, op. cit., p. 130).

[3] Johanne Daigle et Dale Gilbert, «?Un modèle d’économie sociale mixte : la dynamique des services sociaux à l’enfance dans la ville de Québec, 1850-1950?», Recherches sociographiques, vol. 49, n° 1 (2008), p. 128.

[4] Ici, je pense notamment à l’article « La catégorie d’orphelin en milieu institutionnel » : Johanne Daigle, André Trumel, Virginie Fleury-Potvin et Sophie Lapointe, «?La catégorie d’orphelin en milieu institutionnel : quelques paramètres pour la région de Québec, 1850-1950?», dans Brigitte Caulier et de Luc Courtois, dir., Québec-Wallonie : Dynamiques des espaces et expériences francophones, Québec, Presses de l’Université Laval, 2006, p. 113-134.

[5] Sœur Sainte-Hélène au ministre Arthur Turcotte, 7 déc. 1887, ASCQ, cité dans Nive Voisine, Yvonne Ward, s.c.q. et Robert St-Pierre, Histoire des Sœurs de la Charité de Québec. Tome III., Plus de cent cinquante ans d’histoire (1849-2001), Québec, MNH, 2002, p. 151-152.

[6] Johanne Daigle, André Trumel, Virginie Fleury-Potvin et Sophie Lapointe, «?La catégorie d’orphelin en milieu institutionnel : quelques paramètres pour la région de Québec, 1850-1950?», op. cit., p. 118-119.

[7] Gouvernement du Québec, Rapport des inspecteurs de prisons, d’asiles, etc., Bibliothèque de l’Assemblée nationale, Publications gouvernementales.

[8] Gouvernement du Québec, Report of the Board of Inspectors of Prisons, Asylums, etc., 1900, Bibliothèque de l’Assemblée nationale, Publication gouvernementale, p. 148.

[9] Dale Gilbert, « Dynamiques de l’institutionnalisation de l’enfance délinquante et en besoin de protection : le cas des écoles de réforme et d’industrie de l’hospice Saint-Charles de Québec, 1870-1950 », mémoire de maîtrise en histoire, Québec, Université Laval, 2006, p. 13.

[10] Ibid., p. 14.

[11] Ibid., p. 50.

[12] Ibid.

[13] Le séminaire dans lequel j’ai produit cette recherche sur l’école de réforme de l’Hospice Saint-Joseph-de-la-Délivrance a été réalisé à l’automne 2019.