Par Pascal Scallon-Chouinard, doctorant en histoire à l’Université de Sherbrooke et chargé de cours universitaire
Version PDF
Dans plusieurs pays du monde, les étudiants, surtout universitaires, occupent l’avant-scène de la vie politique, économique et sociale, soit par leurs écrits ou leurs manifestations parfois violentes. Si l’on s’interroge sur les mobiles de ces mouvements d’étudiants aussi bien dans un sens que dans un autre, il se dégage une caractéristique essentielle et universelle : c’est que les étudiants d’où qu’ils soient, commencent, dès leurs études à se sentir concernés par la vie politique, économique et sociale de la communauté nationale à laquelle ils appartiennent. Les études ont cessé d’être un vase clos, un milieu fermé, les étudiants ont cessé de former une caste dont les membres n’éprouvent le besoin de se regrouper et de manifester que pour défendre leurs privilèges. Ils témoignent une volonté ferme d’être intégrés dans la société des travailleurs, dès avant la fin de leurs études[1].
Cette assertion, au regard des événements qui ont marqué le Québec depuis le printemps 2012, semble d’actualité. Il n’aurait pas été surprenant, en effet, qu’elle soit tirée d’un communiqué de porte-paroles étudiants ou encore d’une analyse historique sur l’identité estudiantine et les mouvements sociaux. Elle rend compte d’une certaine volonté d’engagement, ou du moins d’un désir affirmé de participer à une réflexion collective et à la transformation de la société. Pourtant, ces propos ne sont ni d’ici ni de notre époque. Ils ont plutôt été prononcés par le président de l’Union nationale des étudiants du Burundi (U.N.E.B.A.) à l’occasion du troisième congrès de l’association tenu au mois d’août 1962. Le Burundi, ancienne colonie africaine de la Belgique, venait alors tout juste d’obtenir son indépendance, cause pour laquelle les membres de l’U.N.E.B.A. avaient milité avec ferveur depuis la création de l’association en 1959[2].